(1993)
Réalisé par: Jim Sheridan
Avec: Daniel Day-Lewis, Brian Cox, Emily Watson
Film fourni par L’Atelier D’Images
Un homme boxe dans une prison. Aux lignes horizontales des cordes de ring se substituent des barreaux verticaux : nous sommes en prison. Cet homme c’est Danny Flynn, boxeur engagé dans les rangs de l’IRA. C’est le jour de sa sortie après 14 ans de prison pour ses actions avec l’organisation terroriste. Alors qu’il est guidé à travers les couloirs vers la sortie, il croise le chemin d’une femme en robe de mariée. Celle-ci s’apprête à épouser un autre activiste prisonnier. Elle fait une plaisanterie à propos des quelques gardiens de prison qui assistent au mariage par sécurité, on la somme de se taire. Voilà le sujet du film : plus qu’un film politique ou critique, plus qu’une histoire d’amour, Jim Sheridan tourne cette fois sa caméra du côté des femmes, de celles qui ont épousé des hommes emprisonnés pour plusieurs années, qui sont devenues malgré elles des symboles politiques, et qui n’ont pas le droit de protester.
Quand sort The Boxer, la situation politique en Irlande est extrêmement tendue et compliquée. Le Sinn Féin connaît division sur division, une partie de ses membres négocie la paix avec le gouvernement anglais, tandis que l’IRA poursuit ses campagnes de bombardements. Les accords de paix sont signés l’année suivante, en avril 1998, mais des murs sont toujours dressés à Belfast.
Alors qu’il marche vers son ancien chez-lui, Danny Flynn se retrouve face à l’un de ses murs qui séparent la ville en deux. Sorti de prison, il doit s’enfermer à nouveau dans une prison, plus grande celle-là, surveillée depuis les toits par l’armée anglaise qui veillent au grain. Le bleu de l’image du directeur de la photo Chris Menges, fait planer sur l’ensemble une froideur triste dans des cadres dont les arrières plans sont bouchés par des murs ou des véhicules, même le ciel que sillonnent les hélicoptères de l’armée. Quand il atteint enfin son immeuble, le même où vivent ses anciens camarades de l’IRA avec leurs familles, le premier geste public qu’il fait est de casser un mur.
Au centre de la structure du film se trouve une scène où deux amants se promènent sur le bord de mer. Loin des regards de leur entourage, ils peuvent parler librement, se serrer dans les bras, aspirer à la liberté. L’horizon se déploie dans l’immensité de la mer, comme symbole d’un possible futur. Et même si l’espace est ouvert, Danny et Maggie, la femme qu’il aime, sont bloqués entre la mer et les murs de Belfast.
Le dernier plan est une voiture qui se faufile entre les checkpoints pour rejoindre les quartiers catholiques de Belfast, Jim Sheridan s’accorde alors un affranchissement : la caméra en surplomb quitte sa position de plongée, dépasse les toits, précisément le clocher d’une église, symbole de la déchirure entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, et finit sa course dans le ciel.
Il y a un travail sur la verticalité et l’horizontalité dans le film. Le vertical se retrouve dans les encadrements de portes dans lesquels sont filmés les personnages, dans les yeux qui se lèvent pour observer l’armée ennemie, dans les barreaux de la prison, les barreaux d’un escalier derrière lequel l’esprit du jeune Liam est enfermé face à l’amour de sa mère pour un autre homme que son père. L’horizontal, ce sont les cordes du ring, les mouvements panoramiques de la caméra qui suit les déplacements des uns et des autres, les personnages qui se couchent après un combat perdu.
Ce travail de l’image répond au principe de la boxe, sport dans lequel celui qui s’allonge a perdu, dans lequel, il faut rester debout jusqu’à la fin et se relever si l’on est tombé. Durant les 3 combats dans le film, Danny ne se couche jamais, même lorsqu’il perd. Mais s’il se bat avec ses poings sur le ring, il refuse de reprendre le combat qui l’a mené en prison au début de sa vie d’adulte. Le personnage de Danny Flynn est à l’opposé de celui de Gerry Conlon, interprété par le même Daniel Day-Lewis dans le film précédent de Jim Sheridan, Au nom du père. Alors que Gerry était un jeune inconscient bavard et exubérant, Danny est un homme taciturne et réservé.
The Boxer est un film plus sombre dans sa facture qu’Au nom du père, et peut-être moins percutant par son sujet. Pourtant, Sheridan poursuit l’idée qui dominait le film précédent :la seule forme de résistance est l’amour et la passivité. Lors d’une scène culminante, il démontre qu’il n’a rien perdu de son éloquence en ce qui concerne ses convictions. Invité en Angleterre, Danny mène son dernier combat sur le ring face à un boxeur nigérien devant un parterre de représentants de la haute société britannique. Flynn tabasse son adversaire et attend que l’arbitre déclare la fin du combat, mais celui-ci reste silencieux. Alors qu’il s’apprête à gagner par K.O., Danny sort du ring, laissant ainsi la victoire à son adversaire sonné. La démonstration de Sheridan est acérée. Danny, l’irlandais, et son adversaire, le nigérien, sont deux hommes issus des colonies anglaises, qui se battent sous les yeux d’une foule d’anglais qu’ils doivent divertir : après avoir répandu le chaos, les Anglais observent sans intervenir, depuis les toits ou le ciel de Belfast, l’Irlande déchirée par des luttes intestines. En refusant de se battre, Danny porte le coup le plus inattendu à l’ennemi anglais.
The Boxer est disponible chez L’Atelier D’Images