Kids Corner: Le roi et l’oiseau

1980

de: Paul Grimault

avec: Jean MartinPascal MazzottiRaymond Bussières

Il existe certains films où un simple coup d’oeil sur l’équipe responsable du long-métrage suffit à en mesurer la magnitude. Jugez plutôt pour celui qui nous intéresse aujourd’hui: adapté d’un conte de Andersen, “Le roi et l’oiseau” peut s’appuyer sur un scénario et des dialogues du grand Jacques Prévert. Un autre détour par les différentes plateformes de notation de films en ligne, et on comprend que l’oeuvre a été portée aux nues par toute une génération: Senscritique et IMDB lui octroie un excellent 7.9, tandis que Metacritic affole les compteurs avec un 87/100. Mais ce qui a marqué les enfants d’hier peut-il s’appliquer à ceux d’aujourd’hui? Le film traverse-t-il l’épreuve des années? Avec la complicité de notre consultante jeunesse Tsuyu, nous allons essayer de creuser ces questions.

Mais résumons brièvement le film: du haut de son château gigantesque, le roi “Charles 5 et 3 font 8 et 8 font 16” règne en tyran. Lorsqu’un soir, une bergère et un ramoneur s’extirpent des tableaux qui les représentent, et s’éprennent l’un de l’autre, le roi va les poursuivre pour les séparer et épouser la bergère.

Comme souvent pour les films d’animation, le premier ressenti est visuel. Pour les plus anciens, comme votre Réfracteur du jour, les couleurs un peu effacées nous rappelle les douces heures de gloire de “Ça cartoon” ou celles des premiers long-métrages de Disney. Première surprise, Tsuyu s’est dite charmée par les designs et les couleurs d’un autre temps. Un constat que l’on ne peut toutefois pas généraliser. Il semble à peu près évident que la curiosité de notre consultante ne saurait s’appliquer à toute sa génération.

Mais au-delà de l’impression visuelle, “Le roi et l’oiseau” s’appuie sur une mise en scène léchée. Si les quelques gags semblent avoir fait mouche chez Tsuyu, c’est surtout la poésie qui émane du film qui nous a tous deux séduits. Au moment où le ramoneur et la bergère s’échappent de leurs tableaux, une même lueur émerveillée brillait dans nos quatres yeux ébahis. Cet onirisme sur lequel s’appuie le long-métrage n’a pas vieilli, alors que c’est la première fois que Tsuyu regardait un film d’animation aussi vieux (1980 tout de même).

Le roi et l oiseau illu

« On ne court pas dans les escaliers ! »

Il serait toutefois mensonge d’affirmer que notre jeune complice a apprécié totalement le film. De son propre aveu, toute la fuite des deux amoureux l’a ennuyée, alors que cette course-poursuite avec le roi est une portion très conséquente du long-métrage. De la même façon, tout le jeu musical proposé semble l’avoir laissée complètement indifférente alors qu’il a fonctionné sur l’ancien qui écrit ces lignes.

Ce qu’il faut comprendre lorsque l’on essaye d’initier nos enfants à des films aussi anciens, c’est qu’il ne peuvent pas faire l’intégralité du chemin philosophique dans leur tête. Par exemple, la structure du château, avec le puissant roi au sommet, et le petit peuple dans les bas-fonds, nous adultes, nous sommes habitués à y voir un symbole de l’oppression. Tsuyu elle, a avant tout ri devant l’interminable ascenseur. Ce n’est qu’après quelques explications que le concept de tyrannie lui est apparu. Un mot nouveau pour elle, mais qu’elle a rapidement su appliquer à sa vie quotidienne, même si c’est avant tout pour désigner certains de ses camarades de classe les plus despotiques.

De la même façon, l’envie de liberté des personnages de la ville basse, il a aussi fallu lui exposer plus clairement, même si à notre grand étonnement, elle a fait preuve d’énormément de recul en ce qui concerne toute la partie du film consacré au travail forcé et à la pauvreté. Toute la révolte (un autre mot nouveau pour elle) du peuple l’a émue, mais nous avons du lui expliquer pourquoi ces gens se sentaient opprimés. Aspirée par certains personnages, elle a eu tendance à se contenter des quelques gags. Plutôt que de se rebeller, elle semblait vouloir appliquer une logique de fuite.

Idem pour le message concernant l’apaisement par l’art. Ce concept aussi Tsuyu l’a assimilé, mais après le film, en en discutant. Mais là encore, du haut de ses 7 ans, elle a su d’elle même faire la moitié du chemin et clamer haut et fort qu’un monde où l’art serait uniformisé, sans différence de culture et d’origine, serait un monde monotone et ennuyeux.

La note de Tsuyu:

7000

Il est déjà parfois compliqué d’asseoir un adulte devant un film d’animation des années 80 (n’est-ce pas Oracle?) et lui demander de s’investir. Il en va de même pour un enfant qui perçoit avant tout les gags et l’humour. Pour apprécier “Le roi et l’oiseau”, il faut une curiosité qui n’est pas commune chez ceux de son âge. Mais quelle formidable occasion d’enrichir son vocabulaire de mots si difficiles à définir, et si importants à connaître: tyrannie, révolte, ou encore oppression. La soif de liberté n’a pas d’âge, et Tsuyu a clairement su nous l’exprimer.

Nicolas Marquis

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