L’échappé de la chaise électrique

(Man made monster)

1941

Réalisé par: George Waggner

Avec : Lionel Atwill, Lon Chaney Jr, Anne Nagel, Frank Albertson

Film fourni par Elephant Films

Dan Mc Cormick (Lon Chaney Jr), survit à un terrible accident de la route et une électrocution. Ayant une forte résistance à l’électricité, il attire un scientifique, le docteur Lawrence (Samuel S Hinds) qui décide de prendre soin de Mc Cormick tout en essayant de comprendre comment il a survécu. Malheureusement, son associé, le docteur Rigas (Lionel Atwill) suit un autre objectif.

Le recyclage continue

En 1936, Universal distribue le film, Le rayon invisible avec le duo Boris Karloff et Bela Lugosi. Le studio croit fort en ce projet au point de lancer une suite. Malheureusement, les résultats au box office sont très loin des attentes et cette idée est abandonnée. En 1940, le studio reprend le scénario de L’échappé de la chaise électrique. L’histoire est remaniée et Universal recycle une autre star de son fameux Universal Monster universe : Lon Chaney Jr, l’inoubliable Wolfman. Le long métrage est tourné en 3 semaines en décembre 1940 pour un budget de 86 000 Dollars. Le film sera ensuite distribué dans des séances double programmes pour être par la suite ressorti plusieurs fois sous différents titres comme par exemple Atomic Monster en 1950.

Le nouveau Frankenstein

Tout comme dans Le rayon invisible, ce long métrage reprend une figure connue pour la réinterpréter sous le prisme de la science-fiction. Ici c’est le docteur Frankenstein et ce personnage du scientifique fou qui est mis à l’honneur.

Le film oppose deux visions de cette figure. Il y a celle du docteur Lawrence qui veut utiliser la science pour aider les autres tout en respectant la nature. Il est présenté comme un ami des animaux, il est plus soucieux des autres que de sa propre santé. Face à lui nous avons notre nouveau Frankenstein, le docteur Rigas. Ce scientifique ne pense qu’à accomplir son projet, mais  pas pour le bien de l’humanité. Nous le comprenons rapidement, c’est son propre ego que ce docteur veut satisfaire. Il se prend clairement pour dieu et tout ce qui l’entoure n’existe que pour être son outil. Il maltraite le pauvre McCormick, n’hésitant pas à le faire souffrir mentalement et physiquement pour assouvir son besoin de pouvoir. Si Frankenstein pensait comprendre la vie et tirer une leçon de son expérience, Rigas reste jusqu’à la fin complémentent satisfait car il a prouvé qu’il pouvait transformer l’homme et faire de lui une race supérieure. Le vrai monstre de cette histoire, ce n’est pas Mccormick mais bien le scientifique. Rigas a beau essayer de priver son sujet de son humanité pour n’en garder que la force brute, celle-ci ne disparaît jamais et la pauvre créature cherche jusqu’au bout à retrouver sa liberté.

La tragédie

L’échappé de la chaise électrique est un drame. Celui-ci se joue sous nos yeux impuissants tout au long du film. Nous assistons à la descente aux enfers d’un homme qui n’avait rien demandé. Dan McCormick est au début du film un homme joyeux. Il mène une vie simple dans une foire et il se contente de ce qu’il trouve sur son chemin pour survivre. 

Le docteur Lawrence, touché par ce personnage, lui tend la main, tout en proposant de l’aider à comprendre sa nature. Heureux de se rendre utile, le forain accepte. Le réalisateur, nous propose différentes séquences pour nous montrer la joie de vivre ainsi que la douceur du personnage. La pauvre victime se lie d’amitié avec un petit chien qui lui reste fidèle jusqu’à la fin du film, lui donnant de l’amour, et le soutenant dans son enfer. Ces scènes apportent un contraste saisissant avec la suite de l’histoire. Au fur et à mesure que le personnage subit les attaques du docteur Rigas, il dépérit sous nos yeux. Il paraît triste, ailleurs et épuisé. Le pire reste sa transformation physique, Mccormick semble avoir pris 20 ans en une nuit, il marche de façon robotique ainsi que voûté. Il porte tout le poids du monde sur ses épaules. Lon Chaney jr essaye de partager avec nous la tristesse et la souffrance du personnage, cependant nous voyons rapidement les limites de son jeu, se figeant dans une seule expression, ce qui casse un peu la puissance du récit.

Autre point important qui ne manque pas de choquer le public, le docteur Rigas détruit la volonté de sa victime. Il manipule le pauvre homme et le pousse à garder le silence, comme si de toute façon, ça ne changerait rien. Après tout c’est pour la science, ce n’est pas un crime. La souffrance d’une personne n’est rien face au bien de l’humanité, voilà sa façon de penser. Pour un film de 1941, c’est un thème grave que l’on attendait pas à trouver mais surtout qui fait échos à notre propre époque.

La lutte des classes

Pour finir, le long métrage nous parle sous couvert de la science-fiction des différences entre les classes sociales ainsi que des injustices que subissent les plus démunis.Le scientifique représente l’élite. Il est riche, respecté et surtout sa parole n’est jamais remise en doute. Si un crime est commis, aux yeux de la justice ainsi que de la presse c’est forcément logique que ce soit l’homme pauvre, le coupable. Mccormick est un forain, il apparaît aux yeux des gens comme un menteur et un manipulateur. Lorsque Rigas l’accuse d’avoir tué son associé, il présente le forain comme agressif alors que le docteur Lawrence, cet homme bon, a tout fait pour l’aider.

On assiste à la même chose lors du procès. Alors que le spectateur voit la peine et le désarroi de McCormick, les notables autour de lui, chargés de chercher la vérité, traitent son affaire très vite. Sa situation sociale et le fait qu’il était un patient, sont utilisés comme justification pour l’accuser. 

Le jury n’aura d’autre choix que de croire tous ces puissants et de condamner à mort un innocent mal né. Ces scènes de procès aux montages si rapides font monter une grande colère et un puissant sentiment d’injustice, accentué par la scène d’exécution. Le personnage est complémentent écrasé par le cadre. On a l’impression qu’il est déjà mort avec ce maquillage très accentué qui creuse ses traits et cette démarche très raide.Le fait qu’il survive à la chaise électrique nous donne un sentiment de joie. Cependant le réalisateur désamorce tout ça, ce film est une tragédie, il ne peut avoir d’issue favorable pour Mc Cormick. 

Le personnage le sait, il est perdu. Son seul moyen de trouver la paix ainsi que la liberté est la mort. Il commence par tuer son bourreau et dans un bel hommage au film  Frankenstein de 1931, il fuit en emportant dans ses bras la nièce du docteur Lawrence qui avait vu en lui l’innocence. Ces séquences sont magnifiques. Waggner joue avec les ombres et la lumière pour apporter une ambiance gothique ainsi qu’onirique au dernier voyage de McCormick. Une des dernières images fortes  du film  est le chien, seul personnage qui vient pleurer sur le corps du pauvre homme, comme le spectateur dévasté par tant d’injustice.

L’échappé de la chaise électrique est une réinterprétation du mythe du savant fou se prenant pour dieu. Le réalisateur en fait un monstre moderne dépourvu d’humanité , utilisant l’excuse du « bien commun » pour justifier ses atrocités. Le long métrage en plus de ce message effrayant est profondément triste. Nous sommes face à une société censée être avancée qui est en fait injuste et sans espoir. Il est dommage que le travail de Lon Chaney Jr soit assez limité dans ses expressions, le film aurait pu être encore plus fort dans son propos.

L’échappé de la chaise électrique est disponible chez Elephant Films avec en bonus :

-le film vu par Gilles Gressard

– bande annonce

crédit

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