2021

Réalisé par: Enrico Casarosa

Avec: Jacob Tremblay, Jack Dylan Grazer, Emma Berman

Film vu par nos propres moyens

Toujours privé de sortie en salles par la maison mère Disney, la galaxie Pixar continue toutefois de s’étoffer. C’est sur la plateforme de SVOD du géant du divertissement que s’étalent désormais les films du studio, faisant de chacune de leurs nouveautés un petit événement pour Disney+. Des propositions aptes à aiguiser la curiosité du jeune public et à fédérer la famille autour du petit écran, dans un moment de communion délicieux. Luca est l’un des derniers exemples de cette nouvelle règle, et même si l’envie de découvrir le long métrage au cinéma est palpable, pourquoi se priver d’un instant de poésie dont Pixar a le secret ? C’est à travers le prisme de notre Kids Corner, via le regard de notre jeune complice Tsuyu et de ses 9 ans, que nous passons l’œuvre au crible. Qu’en a-t-elle retenu ? Son cœur s’est-il emballé pour cette grande aventure ? Apportons quelques éléments de réponse.

Dans les fonds marins italiens vivent d’étranges et sympathiques monstres, dans le plus grand secret, craintifs du monde des hommes. Le jeune Luca est l’un d’eux et vit un quotidien monotone sous l’égide de ses parents un brin autoritaires. Lassé de cette routine, il brave les règles de son milieu et gagne la surface, se rendant ainsi compte qu’il peut se transformer en petit garçon tout à fait ordinaire du moment qu’il n’est plus en contact avec l’eau. Sur la terre ferme, Luca fait la connaissance du débrouillard Alberto, une autre de ces créatures de son âge, qui a lui délaissé la vie aquatique depuis bien longtemps. Ensemble, il partage un rêve: celui de posséder une Vespa pour parcourir le monde. Afin d’atteindre leur but, ils gagnent la ville de Portorosso pour participer à une course annuelle qui leur offrirait de quoi acheter le véhicule. Ils peuvent compter sur l’aide de l’intrépide Giulia dans leur projet, une petite fille humaine qui ignore tout de leur identité secrète.

Découvrir le monde

À l’évidence, Luca s’inscrit dans un certain fantasme de l’Italie, hautement caricatural mais assumé, et convoque tout ce qui fait l’imaginaire collectif lié au pays transalpin. Outre les Vespa mentionnées plus tôt, la Méditerranée tient un rôle central, et on ne s’étonne pas de voir les protagonistes se gaver de pâtes au pesto. Le long métrage joue des clichés permettant aux plus jeunes, à l’instar de Tsuyu, de voyager et de découvrir une autre culture, jusqu’à faire résonner sa curiosité en l’invitant à parcourir d’autres œuvres du pays.

Si cela peut sembler un peu anecdotique, c’est pourtant là le pari essentiel de Luca. L’ouverture sur le monde que propose le film est au centre du récit et le jeune public qui découvre cette Italie se retrouve en accord avec le héros qui sert presque de personnage guide lorsqu’il foule le sol terrestre pour la première fois. Inciter à l’émerveillement, donner l’envie de se documenter et d’éprouver des us et coutumes différents sont au cœur de l’intrigue. Luca est une invitation à cultiver les différences et à s’en nourrir. Une belle idée que Tsuyu, certes déjà très ouverte sur le monde, a su s’approprier pleinement.

Galerie de portraits

Le dernier né de Pixar offre aussi une galerie de personnages fournie, peu ou proue du même âge que notre jeune complice, avec une identification globalement réussie malgré quelques réserves. Ainsi, si Tsuyu a pleinement adopté la débrouillarde Giulia et son côté excentrique, allant jusqu’à se comparer à elle, et si Luca a été parfaitement assimilé, d’autres protagonistes semblent plus obscurs. Les motivations, teintées de jalousie, d’Alberto n’ont pas semblé faire mouche dans le cœur de notre mini-réfractrice. Plus flou encore, le caractère patibulaire de l’antagoniste du film, un jeune garçon frimeur, qui a paru franchement facile à Tsuyu. Son écriture sans subtilité n’a pas convaincu même notre critique en herbe.

Tsuyu s’est en revanche sentie beaucoup plus concernée par l’opposition entre le monde des adultes et celui des enfants. Les jeunes personnages de Luca sont tous très autonomes et ont constitué un certain idéal dans l’âme rêveuse de notre complice. Pourtant, leur rébellion n’est pas sans fondement, et se fait en réponse à l’injustice des parents du héros, fermés sur l’extérieur. Tsuyu a compris la quête d’émancipation et, l’espace de quelques minutes, a grandi, un peu certes, en intégrant que les adultes n’ont pas toujours raison. L’esprit critique s’est aiguisé.

Cahier des charges

Là où un certain clivage s’est instauré entre notre mini-réfractrice et nous, c’est essentiellement dans la façon ouverte qu’a Pixar de s’appuyer sur des codes déjà bien établis par leurs précédents longs métrages, sans se réinventer. Graphiquement déjà, Luca ne se fait pas follement novateur, contrairement à ce que tentait Soul assurément. On retrouve ici la patte visuelle usuelle du studio. En tout cas pour nous, les vieux aigris, car Tsuyu a pu se laisser charmer à nouveau, sans lassitude, évoquant même une nouvelle facette que nous n’avons sûrement pas su voir. Son âme est encore réceptive et tant mieux pour elle.

Dans la structure narrative également, faisant d’une course poursuite le pivot central du récit, comme Pixar en a l’habitude, on peut constater une certaine resucée des autres œuvres iconiques du géant de l’animation. Pas de quoi froisser Tsuyu, une fois encore: tenue en haleine d’un bout à l’autre du long métrage par cette logique de fuite en avant, que la compétition promettant une récompense financière ponctue habilement, notre complice a réussi, sans efforts, à se laisser prendre au jeu. La vérité se cache sûrement dans son regard songeur, au moment de clore la séance.

Luca est disponible sur Disney +.

Si Luca ne marque pas le renouveau de Pixar, il semble être toujours aussi efficace sur les jeunes enfants, désireux de plonger dans une aventure folle sous des latitudes inexplorées. De quoi régaler notre Tsuyu.