Zone hostile

(Outside the Wire)

2021

réalisé par: Mikael Håfström

avec: Damson IdrisAnthony MackieEnzo Cilenti

On prend les mêmes et on recommence: alors qu’on espérait tous qu’en laissant 2020 derrière nous la vie allait reprendre un cours un peu plus “normal”, il semblerait que l’année maudite joue les prolongations. Vous connaissez la situation sanitaire et économique du moment, avec pour symbole des salles de cinéma désespérément closes et une influence toujours plus importante pour la SVOD. C’est donc la bave aux lèvres que des hordes de cinéphiles réclamaient leur dose habituelle de testostérone et il n’en fallait pas plus pour que Netflix dégaine un long-métrage d’action mélé de science-fiction: “Zone hostile”. Amateurs de cinéma pointu mais aussi de culture populaire, le film de Mikael Håfström (à tes souhaits!) nous a donc intrigué: on peut aimer la haute gastronomie et s’enthousiasmer pour un Big Mac de temps en temps, la vie est belle dans ses différences. Problème: on est loin d’un résultat satisfaisant.

L’histoire de “Zone hostile”, c’est celle de Harp (Damson Idris), un pilote de drone américain mis sur la touche pour avoir désobéi aux ordres et sacrifié des militaires de son propre camp pour le bien de sa mission. En guise de punition, il va être envoyé au front pour accompagner Leo (Anthony Mackie), un soldat secrètement android aux propriétés surpuissantes. Ensemble, ils vont braver le danger et on va doucement esquisser la barrière entre rigueur morale très pragmatique et intelligence artificielle froide.

Alors qu’on évoquait l’envie forte de grands films d’action chez une grande partie du public, il est difficile de contester à “Zone hostile” son envie sur ce point. Ça pétarade, ça explose, ça donne des gros coups de poing plein de sueur: le film est conscient de sa mission et s’y plie totalement. On ne peut toutefois pas affirmer que “Zone hostile” est une réussite sur ce point: sa réalisation timide et tout particulièrement son montage déconnant dès que la trame se déroule à plusieurs endroits à la fois viennent entacher le plaisir de visionnage assez violemment.

Au rayon des demi-réussites, on pourrait aussi parler du design général du film qui sans révolutionner le genre se révèle plutôt efficace. On pense fatalement à la transformation physique d’Anthony Mackie mais peut-être encore plus au style graphique des robots du film. On est en terrain connu dans “Zone hostile”, on ne va pas bousculer vos habitudes visuelles avec de grosses innovations mais une espèce de parfum vaguement cool se dégage de certaines machines à tuer.

« Les bonhommes! »

Un esprit légé et suffisant auquel le film aurait mieux fait de se tenir car on va jeter tout de suite le pavé dans la mare: “Zone hostile” est un peu idiot, soyons clair. Tous ses enjeux, le long-métrage va les poser avec une telle désinvolture qu’on ne va s’imprégner d’aucun thème fort. L’impunité du pilote de drones qui voit d’un coup la mort en face aurait pu ainsi être intéressante à creuser, mais non, on vous fout ça là et démerdez-vous avec.

Cette forme de discours creux va complètement plomber ce qui est censé être le moteur du film: une sorte de réflexion entre deux fusillades sur notre rapport à la machine et aux armes. Cette sorte de compas moral parfois très flou dans notre réalité est encore plus brouillon dans “Zone hostile” qui fait le choix malheureux de ne froisser personne. On subit de plein fouet la morale facile et au ras des pâquerettes que Mikael Håfström débite.

Le cinéaste est en fait prisonnier de sa propre neutralité, et ce dès le début de son œuvre alors qu’il fait le choix d’installer très grossièrement ses personnages, sans une once de subtilité. Le réalisateur condamne son long-métrage au manque d’ampleur et de relief à une vitesse redoutable. On reste nous mêmes froids affectivement devant “Zone hostile”, comme des machines sans âme, un comble.

On finit par se demander si le long-métrage ne se croit pas plus intelligent qu’il n’est. Il existe un certain ludisme dans les films haletants qui invitent à la réflexion. Vous êtes libres de pensez ce que vous voulez d’œuvres comme « Matrix« , « Inception » ou « Blade Runner » mais vous ne pouvez pas leur retirer leur force d’évocation pour poser des questions bien spécifiques philosophiquement. “Zone hostile” tente sans doute de s’inspirer de cette pratique mais se prend les pieds dans le tapis assez pitoyablement.

Zone hostile” remplit seulement à moitié sa mission de film d’action du moment: peu de scènes marquantes et un fond traité avec trop de paresse le condamnent invariablement.

Nicolas Marquis

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