Un air de famille

1996

de: Cédric Klapisch

avec: Jean-Pierre BacriJean-Pierre DarroussinCatherine Frot

Chers petits potes, vous l’avez remarqué depuis quelques semaines, on se plaît à proposer un film en rapport avec les thématiques spéciales propres à chaque journée. Et bien ce 15 mai, c’est la journée internationale des familles et l’occasion de sortir de notre chapeau une des familles les plus chères à notre cœur et savamment déglinguée: celle de “Un air de famille”, le film de Cédric Klapisch mais aussi beaucoup de Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri.

Dans la veine de “Cuisine et dépendances”, le couple mythique d’acteurs/écrivains et celui qui allait devenir par la suite un grand nom du cinéma français adaptent une pièce de théâtre. Un cadre donc minimaliste, en huis-clos mais comme on le verra par la suite, magnifié par la mise en scène.

Mais évoquer le film c’est parler de ses personnages, pour vous donner envie de voir ou revoir ce pugilat familial complètement désopilant et en même temps mordant comme sait le faire Bacri et Jaoui. À la base réunis comme chaque vendredi au bistro familial dont seul Henri (Jean-Pierre Bacri) a encore la charge, une famille va s’écharper autour de remarques assassines, malgré l’anniversaire de Yolande (Catherine Frot) qu’ils devaient fêter.

On a donc Henri, le tenancier du bar un peu sordide où se déroule le film. Un homme simple mais pour le moins bougon, perpétuellement en train de ronchonner comme Bacri le joue si bien, un rôle sur mesure. Son mariage bat de l’aile et les absences de sa femme commencent à le peser.

Puis il y a Betty (Agnès Jaoui), sa soeur, avec là aussi une partition parfaite pour l’actrice. Un peu garçon manqué, elle vient tout juste d’envoyer chier son patron et en est très fière. Un personnage bien affirmé et parfaitement conçu.

Vient ensuite Philippe (Wladimir Yordanoff), le dernier de la fratrie. Petit cadre minable dans la même société que Betty, heureux de sa pauvre apparition dans un journal télévisé régional. Imbu de sa personne, il ne pense qu’à lui et n’a de considérations que très matérialistes pour sa femme.

« Et mon demi? »

La mère (Claire Maurier), d’une cruauté monstre à l’encontre d’Henri et Betty. Ses idées bien arrêtées et bien arriérées sont assorties de réflexions blessantes, qui fragilisent cette famille que plus rien n’unit dans le fond.

Plane également l’ombre du père disparu. Absent mais omniprésent, “Un air de famille” restitue par son manque la déchéance d’un lien familial rompu à jamais. Une simple assemblée de convention que plus rien n’unit.

Puis il y a les personnages extérieurs à la famille directe: Yolande, la femme de Philippe, complètement niaise. Elle est peut-être pourtant l’un des personnages les plus touchants par sa candeur. Elle tente de s’intégrer mais se retrouve toujours en marge. Très honnêtement, Les Réfracteurs déteste Catherine Frot mais ici, elle brille réellement.

Puis le fantastique Jean-Pierre Darroussin pour incarner Denis, l’employé du bar. Pris en otage et à partie par les querelles familiales, et victime des vexations puantes de Philippe et de la matronne, son flegme et son humour tout en nuance fait mouche. C’est l’un des personnages les mieux servis par les dialogues.

C’est cela “Un air de famille” . Une famille arrosée d’essence que la première étincelle va embraser en injures et en désobligeances avec du génie.

On oubliera pas pour autant la réalisation, discrète mais présente. Parlons même plutôt de “mise en scène” pour une œuvre si théâtrale. La composition des plans, le choix des personnages cadrés par Klapisch a énormément de sens. Plus intéressant encore, cette façon de mettre en retrait certains personnages à des moments clé, sans les oublier. L’encadrement d’une fenêtre ou un trou dans un mur, et d’un coup premier et second plan deviennent élément de narration. C’est bien vu, et joliment trouvé.

C’est un classique du cinéma français. L’âge d’or du duo Bacri-Jaoui, mais aussi une collection d’acteurs à l’unisson. L’un des plus bels exercices du style pour un résultat millimétré dans son mélange de cruauté et d’humour.

Nicolas Marquis

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