Tastr Time: Brazil

1985

de: Terry Gilliam

avec: Jonathan PryceKim GreistRobert De Niro

Chaque mercredi, Les Réfracteurs laissent le choix du film au sympathique générateur de conseils culturels “tastr.us”, en prenant la première recommandation proposée, sans limite d’époque. Cette semaine, Tastr a sélectionné pour nous “Brazil” de Terry Gilliam.

À la base c’est une chansonette, une mélodie entêtante qui s’imprègne dans le cerveau, un sifflement de rien du tout qui nous revient quand on s’affaire à nos corvées. Autour de cette chanson, Terry Gilliam a imaginé un univers, une dystopie, un long-métrage où cette oisiveté est un but inatteignable. Ce film, c’est “Brazil”.

Dans un univers parallèle où la paperasserie a noyé le monde et où l’air est brumeux et morne, Sam Lowry (Jonathan Pryce), un sinistre bureaucrate, va s’élancer à la poursuite de la femme de ses rêves malgré l’État qui tente de l’en empêcher.

Un rapide coup d’oeil et on voit immédiatement tout le talent d’escamoteur dont Terry Gilliam sait faire preuve. L’univers visuel de “Brazil” est inimitable. Son monde fait de tuyauteries et de couloirs où fourmillent des fonctionnaires aux tâches absurdes, il l’invente de toute pièce et lui donne magnifiquement vie. On aura beau se dire amateurs de science-fiction qui croient avoir tout vu, “Brazil” est à coup sûr une expérience unique, menée avec beaucoup d’humour comme seul un Monty Python sait le faire.

Pour charmer sans trembler, le film avait besoin d’un acteur puissant pour porter un rôle empreint d’un fort symbolisme, et Jonathan Pryce se montre à la hauteur de la tâche. Tout l’humour à la britannique et le flegme de circonstance, il l’amplifie, lui donne son âme. Jamais dans cette quête, pourtant perdue d’avance, on ne cesse de sympathiser avec lui.

Bien évidemment, pour apprécier “Brazil”, il faut en épouser le message. Ce film, c’est une mise garde contre des dérives bureaucratiques absolues. Régulièrement, lorsqu’un film se fait un peu donneur de leçons comme ici, il perd de sa pertinence avec l’âge. Intriguant de voir que le propos de “Brazil” n’ai rien perdu de son piquant.

« Extreme Makeover »

Dans ce monde fait d’un brouillard terne, notre société a cédé à l’institutionnalisation à tout-va, à la multiplication des intermédiaires complètement dispensables. Cette lutte existe toujours.

On pourrait même dire que si notre monde actuel s’est débarrassé de nombreux formulaires papiers qui inondent le monde de “Brazil”, que dire des gigaoctets de données qu’on laisse chaque jour derrière nous et qui sont réutilisés à des fins souvent discutables. Ne vous trompez pas, “Brazil” date bien de 1985, mais il a conservé son punch.

Cette trajectoire du personnage principal qui tente de s’extirper de son quotidien pour aller vers plus de rêverie, on la comprend aussi, elle nous parle. On s’est tous un jour senti comme le personnage de Jonathan Pryce, prisonnier d’un quotidien loin d’être satisfaisant et dont les perspectives nous laisse muets de consternation. On a tous un jour rêvassé en observant les nuages à travers la fenêtre d’une voiture.

Dans ce quotidien lourdement marqué, une mention particulière pour le personnage de Robert De Niro, super-héros de l’ordinaire, qui vient réparer votre tuyauterie tel un Batman de la plomberie avant de s’enfuir dans la nuit. Un héros qui s’affranchit de toutes les lois pour simplement faire le job, là aussi on comprend bien le message.

C’est d’ailleurs le point fort de “Brazil”: sans être simpliste, il est facile à comprendre. Un signe de sa capacité à résonner différemment chez chacun de nous, mais toujours avec la même intensité. “Brazil” a autant de formes que de spectateurs.

Dans cette fable du quotidien, Jonathan Pryce excelle et livre avec beaucoup de compassion la trajectoire d’un homme sinistre qui décide d’être exceptionnel.

Nicolas Marquis

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