Resistance

2020

de: Jonathan Jakubowicz

avec: Jesse EisenbergEd HarrisEdgar Ramírez

On ne peut pas tout savoir. Saviez-vous par exemple que Marcel Marceau, le célébrissime mime, avait fait activement partie de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale? Et bien Les Réfracteurs l’ont découvert hier grâce au film qui nous intéresse aujourd’hui. Mais une histoire incroyable ne suffit pas à faire un film réussi, il faut savoir la mettre en scène convenablement. On va rapidement démontrer que “Resistance” n’est pas à la hauteur de la tâche.

L’histoire était pourtant intéressante: le destin de cet homme, artiste au plus profond de son être mais dont le courage l’incite à prendre les armes, avait de quoi donner un film intense. Cette dualité dans la personnalité du mime Marceau, “Resistance” va d’ailleurs l’exposer dans son premier tiers. Celui qui n’a pas encore adopté son nom de scène va recueillir, à Strasbourg, des enfants juifs chassés d’Allemagne. Pour leur faire oublier les horreurs dont ils ont été témoins, notre personnage principal va utiliser son art et ainsi gagner leur complicité, pour finir par les mener en zone libre.

Et là, on est déjà face à un premier gros problème qui va entacher tout le long-métrage: Jesse Eisenberg. Comme à chacun de ses films, l’acteur semble mono-expressif, toujours dans la même attitude peu importe la situation. Pire, les scènes où il tente de reproduire l’art du mime sont totalement pathétiques. Égaler la maîtrise de Marcel Marceau, on ne s’y attendait évidemment pas, mais faire preuve de si peu d’implication et de talent, c’est profondément ridicule. D’autant plus que le film repose presque totalement sur ses épaules.

« Cours, Jesse, Cours! Et ne te retourne pas ! »

Il faut reconnaître que le scénario ne l’aide pas vraiment: une première partie qui va clairement aller chasser sur les terres de “La vie est belle” ou encore “Jojo Rabbit” en opposant art et guerre, sans arriver à la cheville de ces deux chefs d’oeuvre, puis une seconde portion du film qui est plate et sans originalité, alors même que la tension devrait atteindre son paroxysme. La pellicule vire au thriller long, ennuyeux et déjà-vu au possible. Une forme de paresse dans l’écriture qui n’est pas à la hauteur du combat de cet homme: “Resistance” est aussi bon que le permet son pitch et rien de plus tant cette seconde moitié du film ne creuse plus du tout ses personnages ou la thématique artistique.

On est d’ailleurs resté très sceptique lorsque le film commence à imposer un antagoniste (Klaus Barbie en l’occurrence). Il nous aurait semblé bien plus judicieux de restituer l’infamie du régime Nazi sans visage et ainsi laisser planer l’horreur à chaque soldat rencontré. Un constat d’autant plus conforté que l’installation de ce personnage se fait à grands coups de surenchères gores complètement déplacées. Bien sûr que les répugnances de la Seconde Guerre mondiale sont insoutenables, mais basculer de registre sans véritable intérêt, c’est presque injurieux pour les victimes.

Puis il y a enfin cette réalisation complètement ratée qui retire à “Resistance” toute personnalité. Passent encore les décors médiocres qui sont sûrement le résultat d’un budget limité, mais lorsque le montage est aussi minable, sans aucune notion de rythme cinématographique, on ne trouve plus d’excuse au long-métrage. Quand dans la même scène on alterne prises de vues allongées et plans de coupes rapides, de quelques centièmes de secondes, on ne comprend absolument pas quelle est l’intention artistique du réalisateur. “Resistance” n’est pas que sans âme, il est également incroyablement brouillon, à tel point qu’on se demande comment ce film, au sujet aussi grave, a pu sortir en l’état.

En cinéma, s’inspirer d’une bonne histoire ne suffit pas, il faut aussi savoir faire preuve de talent artistique. “Resistance” n’en a presque aucun, que ce soit devant ou derrière la caméra. On pourrait comparer le film à une peinture au modèle excellent, mais dont les coups de pinceaux de l’artiste seraient complètement ratés.

Nicolas Marquis

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