Promare

2019

de: Hiroyuki Imaishi

avec: Ken’ichi MatsuyamaTaichi SaotomeMasato Sakai

Le monde artistique se divise en deux catégories. D’un côté les conformistes: ceux qui se plient aux exigences de mécènes et lissent leurs œuvres pour contenter le grand public. Ils ne sont pas tous mauvais, et nous avons tous grandi avec des films populaires chers à nos cœurs, mais leurs travaux sont souvent marqués d’une forme de condescendance irritante. Puis il y a les autres: ceux qui n’en ont rien à foutre! Ceux qui sont là pour exprimer leur art, sans se soucier du reste. Ceux qui vous éclaboussent avec leurs propositions, et à vous d’y adhérer ou non. Ceux qui ont une âme et une identité forte qu’ils retranscrivent sur leur support de prédilection. Ceux comme Hiroyuki Imaishi et son film “Promare” qui sont là pour vous gifler!

Un film qui est fatalement clivant, car sans concession. Le style du cinéaste fait de dessins aux traits secs et anguleux ne pourra fatalement pas plaire à tous. Tant pis! Ce que le réalisateur avait déjà amorcé avec sa série “Gurren lagann”, il va le pousser à son paroxysme dans “Promare”. Un style aux relents de graffitis, pensé et étudié pour être efficace avec une économie de fioritures. On adore, ou on déteste: Hiroyuki Imaishi administre une véritable claque et ceux qui n’aiment pas voir les conventions graphiques bousculées peuvent immédiatement aller voir ailleurs. Pour les autres, attention, chef-d’oeuvre.

Visuellement, le japonais va aller au bout de lui-même et de sa patte caractéristique, sans jamais faire la moindre concession. En plus de son coup de crayon, il va offrir à “Promare” de très jolis jeux de lumières, en s’appuyant sur les couleurs vives et acides qui émaillent le film. Un véritable parti pris artistique de chaque instant. Aucun répit pour le spectateur qui n’a plus qu’à se cramponner à son siège et se laisser guider dans ce grand-huit cinématographique.

« Quand ta femme change de couleur de cheveux »

Car en plus de l’aspect visuel, le réalisateur s’appuie sur une animation fabuleuse, où chaque image est une idée nouvelle et les quelques plans en 3D bien plus justifiés que dans d’autres oeuvres du genre. Le film en devient épique: imaginez un long-métrage qui dès les premières secondes démarre sur un rythme frénétique rarement vu, et qui pourtant ne va jamais cesser d’accélérer pendant presque deux heures, et vous aurez un aperçu de “Promare”. Toujours plus haut, plus loin, plus vite, plus fort: des plans et des enchaînements tellement fous que seule l’animation peux offrir, et une identité affirmée: vous n’avez jamais vu un film comme celui-ci, aussi débridé. À tel point que la lisibilité est parfois difficile tant la cadence visuelle est élevé. Peu importe, la proposition du cinéaste passe par là: se laisser bercer et en retenir ce qu’on a le temps d’entrevoir. Une véritable expérience sensorielle totale, accentuée par une musique omniprésente.

Ce crochet du droit cinématographique est tel que l’histoire est parfois anecdotique, mais pas anodine. Le réalisateur va étaler un scénario un peu convenu où deux clans s’opposent, et où les méchants ne sont pas si cruels et les gentils pas si sympas, avec entre les deux, un duo de héros qui va devoir s’unir. Ce pitch, il est déjà vu, mais il est intelligemment découpé pour que Hiroyuki Imaishi impose le rythme voulu, en passant en revue la plupart des genres habituels de l’animation japonaise.

Son histoire est une toile sur laquelle il peut éclabousser son style. Oui, la symbolique du feu et de l’eau est un peu surfaite, mais le cinéaste réussit à y glisser un message écologique et philosophique sympa et surtout, il fait preuve d’une autodérision totale sur l’animation japonaise en générale, et surtout sur lui-même. Appeler un personnage sorti de nulle part “Deus Ex Machina”, c’est un aveu de faiblesse scénaristique hilarant. Dégainer une foreuse pour faire une révérence à son “Gurren lagann”, c’est un clin d’œil à ses fans en transe. Hiroyuki Imaishi se fiche éperdument de lui-même et des conventions: on vous le redit, il est venu pour vous en mettre plein la tronche, et il réussit son pari !

Promare” est une expérience totale que chaque fan d’animation devrait essayer une fois. On déteste ou on adore, mais impossible de ne pas éprouver un ressenti aussi tranché que le style du film. Les Réfracteurs, eux, sont totalement sous le charme.

Nicolas Marquis

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