Poltergay

2006

réalisé par: Eric Lavaine

avec: Clovis CornillacJulie DepardieuLionel Abelanski

Un Réfracteur ne se défile jamais: dans un esprit de compétition amical, nous avions lancé un défi la semaine dernière à notre pote Antoine Cassé et à toute la clique de Ciné Maccro pour s’aventurer le temps de quelques articles dans le monde fabuleux du nanar. Si notre confrère et ami regardait “100% Bio”, nous devions réfracter “After: Chapitre 2” (comme ce fut fait ici). S’il réussissait à tirer un papier autour du nouveau navet de Fabien Onteniente (à retrouver ici), c’est le chef-d’œuvre de la décadence intellectuelle que représente “Poltergay” que nous avions mission de critiquer. On prend donc notre courage à deux mains et on plonge dans un univers fantastique fait de gêne, de honte et de calembours atterrants.

Attention les copains, dès le résumé, on va donner le ton: Marc (Clovis Cornillac, notre héros) et Emma (Julie Depardieu) emménagent dans une nouvelle demeure pour laquelle ils se sont endettés. Rapidement, un problème majeur va survenir: la maison est infestée de fantômes homosexuels exubérants qui pourrissent la vie de Marc, d’apparence seul à les voir. Rapidement, notre personnage principal va perdre les pédales et le fil de sa vie va lui échapper.

Voila! Oui, vous avez bien lu, ne vous frottez pas les yeux, on est donc aujourd’hui face à une comédie bien lourde, typique de chez nous, qui s’appuie sur un concept digne d’une mauvaise blague entre potes autour de la bière de trop. “Poltergay” n’a rien de structuré, il ne suit pas de scénario clair et semble plutôt partir doucement en toupie au fil du long-métrage, se contentant d’aligner des situations pas franchement désopilantes et des dialogues carrément déprimants jusqu’à une fin qui s’apparente plus à une fête de clôture de tournage (et de calvaire) qu’à une conclusion censée.

Mais en même temps, il faut être honnête, il n’aura pas fallu plus de 5 minutes après le générique de début pour qu’on fasse le deuil de toutes grandes espérances. On est ici au niveau -2 de la comédie, rien ne fonctionne, on n’esquisse pas un sourire devant “Poltergay”, on vit davantage l’œuvre (tout de suite les grands mots) le visage fermé et l’âme en berne. Pour faire bonne mesure, le film aurait dû être distribué avec une boîte de Xanax en cadeau tant l’envie d’en finir avec l’existence s’invite rapidement dans nos esprits. Pourtant amateurs de bonnes croûtes cinématographiques, on ne peut même pas vous dire qu’on a ri devant le ridicule non voulu de “Poltergay”, même cela est raté dans la proposition d’Eric Lavaine.

« Niveau cliché on est pas mal là. »

Toutefois, on ne peut pas dire que Clovis Cornillac n’essaye pas d’accomplir sa mission, bien au contraire. Le grand génie incompris de la comédie française va en faire des caisses pendant 1h30 de temps, ajoutant ses gros sabots à un tout déjà indigeste. Omniprésent, hors de ton et en perpétuel surjeu, il réussit à tirer vers le bas un long-métrage qui creusait déjà les profondeurs. Coup fatal ultime: la volonté incontrôlable d’Eric Lavaine de multiplier les prises de vues sur les fesses de Clovis Cornillac, mettant un point d’exclamation sur l’obsession du film pour la gaudriole.

Ce héros, il traduit un mal plus profond: tous les personnages de “Poltergay” sont imbuvables, horripilants de clichés et lourds comme pas possible. La peliculle force tout, de son intrigue (enfin on se comprend) jusque dans la moindre petite blagounette. On tient entre nos mains un film complètement hystérique qui se saborde lui-même un peu plus à chaque nouvelle seconde éprouvante.

Allez, il vous reste un peu de place? Alors vous pouvez rajouter à la ribambelle de casseroles propre à “Poltergay” une réalisation franchement pathétique, voire injurieuse pour le 7ème art. Entre effets spéciaux inutiles et consternants, montage effectué en état d’ébriété avancé et direction d’acteurs démissionnaire, on éprouve les pires difficultés à rester un minimum impliqué dans cette histoire navrante.

Mais faut-il s’arrêter à un simple enchaînement de punchlines idiotes ou peut-on voir un peu plus loin avec “Poltergay”? Oui, cet objet filmique nauséabond est à ranger au Panthéon des plus mauvais films des années 2000 mais il ne fait jamais qu’exploiter le schéma narratif daté typique de la comédie française bon marché. On oppose deux groupes distincts, ici hétéros et gays carrément folles, on avance une problématique légère et après des dizaines de minutes de clichés injurieux, on résout l’ensemble avec une conclusion factice à base de “apprendre des différences est la clé”. C’est le cas avec “Poltergay” qui stigmatise les homosexuels, mais c’est la même chose pour les ch’tis de Dany Boon ou la religion dans “Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?”. Croyez-vous que les gens retiennent la morale d’opérette ou les blagues idiotes sur des a priori franchement limites? La seule différence notable, c’est que le long-métrage qui nous intéresse aujourd’hui n’a pas la retenue nécessaire pour faire passer la pilule amère de l’insulte sectaire. “Poltergay” est offensant et ne s’en excuse même pas.

Aussi digeste qu’un gratin de Big Mac et bête à s’en arracher les yeux, “Poltergay” n’est pas que mauvais, il est néfaste.

Nicolas Marquis

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