La femme à abattre

(The Enforcer)

1951

réalisé par: Bretaigne WindustRaoul Walsh

avec: Humphrey BogartZero MostelTed de Corsia

Au moment de regarder en arrière vers les grands classiques du cinéma il est toujours marrant de constater une récurrence de certains éléments. Prenez les années 70: dans de nombreux longs-métrages transparaît une envie de liberté qui témoigne des aspirations de la population à l’époque. Autre exemple? les 90’s et les débuts d’un cinéma formaté, pensé pour toucher une cible avec parfois un manque de fond évident. Alors qu’on évoque “La femme à abattre” on juge opportun de rapprocher le film de ses contemporains tant le film porte en lui nombres d’éléments scénaristiques ou visuels communs avec les autres oeuvres des années 50.

« La femme à abattre » est un pur polar dans lequel le procureur Ferguson (Humphrey Bogart) tente de mettre à jour un vaste réseau de tueurs à gage. Alors que son principal témoin meurt la veille du procès, notre héros va passer à nouveau en revue les dossiers de l’affaire pour tenter de trouver de nouveaux éléments à charge qui lui auraient échappés.

Rien qu’avec ce pitch on est déjà dans ce patrimoine commun des années 50 qu’on évoquait en introduction. Tous les personnages de “La femme à abattre” semble être des cousins des autres protagoniste des polars de l’époque: des policiers un peu dépassés mais investis dans leurs affaires et des malfrats au chapeaux vissés sur la tête, prêts à en découdre, voilà un panel de protagonistes qu’on connait et qu’on retrouve avec un plaisir malicieux.

Au milieu de tous ces hommes se distingue forcément Humphrey Bogart, l’un des plus grands tout simplement. Plein de flegme, clope en bouche et taciturne en diable c’est un rôle presque sur mesure qui lui est offert. Impossible de dissocier Ferguson de l’acteur tant il lui donne un caractère particulier avec brio. “La femme à abattre” est l’un de ces films où l’acteur principal ne saurait être différent, une véritable fusion. 

Plus intriguant peut être, la façon dont le scénario va l’affubler d’un véritable Sidekick en la personne de Roy RobertsBogart est le cerveaux et Roberts les muscles. Alors on est bien loin de Batman et Robin mais le film offre un véritable faire-valoir à Ferguson dans le sens le plus noble du terme.

« Très classe le nœud pap’! »

Mais “La femme à abattre” ne s’inscrit pas dans son époque uniquement à travers ses personnages mais également dans les décors emblématiques qu’il utilise. Un commissariat, un salon de barbier, l’arrière salle d’un commerce miteux où se réunissent les malfrats…Autant d’endroits familiers pour le cinéphile dans lesquels on replonge avec un certain délice.

Tradition donc mais également une forme de modernité dans la structure narrative: “La femme à abattre” use de multiples flashbacks, parfois imbriqués les uns dans les autres. Aujourd’hui un tel procédé peut paraître anodin mais pour l’époque cette histoire à tiroir se démarque, pose même quelques bases pour ses successeurs.

Malheureusement ce schéma sert parfois de facilité au film. Rien de scandaleux, la plupart des retournements ne sont pas trop idiots mais semblent par moment un peu facile. C’est parfois un dialogue un peu trop écrit, parfois une prise de conscience trop tardive ou encore un événement qui tombe trop à pic pour être vraisemblable: “La femme à abattre” n’est pas irréprochable dans son approche du polar.

Mais comme toujours les Réfracteurs vous invite à prendre un pas de recul sur l’œuvre pour analyser son message et à ce petit jeu le long-métrage n’est pas en reste. Deux visions s’affrontent dans le film, avec en premier lieu une police entravée, dépassée, en manque de liberté. On sent que le personnage de Bogart aimerait être plus virulent avec les prévenus mais que les codes lui interdisent. Ce sentiment on est libre de le partager ou non mais il apparaît bien présent à l’écran.

Mais ce qui nous a le plus interpellé c’est l’organisation de la bande de malfaiteurs décrite comme une véritable petite société. Au pays de l’ultra-libéralisme ça ne peut pas être anodin, “La femme à abattre” semble amorcer une critique certes légère mais bien présente de cette quête de dollar effrénée au mépris de l’humain.

La femme à abattre” est un petit morceau d’histoire, le témoignage d’une époque passée dans laquelle on replonge avec plaisir.

Nicolas Marquis

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