Killing

(Zan)

2018

réalisé par: Shin’ya Tsukamoto

avec: Shin’ya TsukamotoYû AoiSôsuke Ikematsu

C’est assez rare pour être signalé: le film de samouraïs reste la panache des cinéastes nippons. Logique on pourrait croire, mais le péplum n’a jamais été le monopole des italiens et certains des tous meilleurs westerns ne sont pas américains. Hollywood a bien tenté quelques incursions mais ce fut rarement une réussite. Peut-être cela tient au fait que la société japonaise de l’époque était extrêmement codifiée et que ces coutumes sont méconnues du grand public, mais peut-être que cela découle aussi d’un savoir-faire: un bon film de samouraïs est généralement une invitation à tirer une morale de l’oeuvre, comme une fable. “Killing” ne fait pas exception, même si on va rapidement voir que le film est un ratage.

L’histoire de Mokunoshin (Sosuke Ikematsu), un samouraï qui s’est établi paisiblement dans la campagne nippone, aidant aux travaux des champs et entraînant inlassablement le jeune Genda (Tatsuya Nakamura). Les jours s’écoulent paisiblement jusqu’à l’arrivée de Sawamura (Shin’ya Tsukamoto), un Ronin qui veut emmener les deux épéistes à Edo pour défendre le Shogun. Mais dans le même temps, un groupe de brigands va semer le trouble dans le village et une tragédie va tout remettre en cause.

De “Killing” transpire un amour sincère pour les classiques du genre. Le film de sabre est une tradition bien ancrée chez nos amis japonais comme on l’a dit, et le film embrasse cette continuité. Bien sûr, il ne s’élève pas aux rangs des plus grands classiques, très loin de là, mais il les admire ouvertement et ses références sont les bonnes à la façon dont il restitue des figures connues du style.

La mission du film est aussi assez claire: définir l’acte de tuer et les motivations qui peuvent conduire à y consentir. Un objectif louable si “Killing” ne se perdait pas en longueurs inutiles. Moins d’1h20 et pourtant le film semble d’une lourdeur insurmontable. Sa démonstration n’est pas incompréhensible, mais sa manière est tout simplement chiante.

« Premier qui bouge a perdu »

Le film réussit tout de même à affirmer efficacement un point: les premières victimes des “jeux de guerre”, des puissants sont toujours les mêmes. Les femmes et les classes les plus pauvres payent cher le prix des obsessions des privilégiés. Sur ce point, on est d’accord avec le film.

Le souci, c’est que pour parvenir à cette morale, le long-métrage va faire preuve d’un sens de la réalisation proche de l’amateurisme. À commencer par un montage franchement à la rue. L’alternance de plans posés et de plans de coupes est complètement dissonant, à tel point qu’on a du mal à contenir un sourire narquois.

Mais visuellement, le plus gros défaut du film est dans la texture de l’image. Sans aucune aspérité et aseptisé au maximum, on n’accroche pas à ce rendu plus proche du film de vacances que de cinéma. On peut sembler dur, mais en un simple coup d’oeil, vous constaterez la même chose: c’est lisse et sans âme.

On atteint le paroxysme de ce sentiment à la fin du calvaire, quand le film se réfugie dans une bouillie visuelle et métaphysique triste à pleurer. Franchement longue et agaçante, toute cette conclusion accuse un rythme chaotique qui n’engage absolument pas à plus de curiosité: l’attention du public est déjà totalement évanouie et l’ambiance hallucinogène barbe plus qu’autre chose.

Pour être parfaitement honnête, il existe probablement chez le réalisateur et acteur Shin’ya Tsukamoto un vrai talent de chorégraphe. Les affrontements au sabre sont nerveux et rythmés. Mais peut-on s’arrêter à ça? Que dirait-on d’un blockbuster qui afficherait les mêmes défauts? On ne saurait excuser les errances de “Killing” sur l’autel de l’action, bien trop dispersées par ailleurs.

Qu’il est bien dispensable ce “Killing”. On a bien du mal à imaginer qui sera satisfait devant tant d’erreurs franchement énormes.

Nicolas Marquis

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