Fear and Desire

1953

réalisé par: Stanley Kubrick

avec: Frank SilveraKenneth HarpPaul Mazursky

À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le dimanche 18 octobre 2020 à 17h30.

En plaçant cette édition du festival “Vision d’Histoire” sous le signe de Stanley Kubrick, les organisateurs nous gratifient d’une véritable pépite: le tout premier long-métrage du réalisateur, “Fear and Desire”. Une occasion immanquable pour tous les cinéphiles tant le film est resté confidentiel malgré la renommée du réalisateur. On rattrape donc nos lacunes, on enfile les treillis et on rejoint le front.

Enfin pas tout à fait puisque le film suit le destin de 4 soldats dont l’avion s’est écrasé derrière les lignes ennemis. Les compagnons d’infortune vont tenter de rejoindre leur camp sans attirer l’attention mais les peurs de chacun vont compliquer la tâche.

Un premier film qui pourrait presque être qualifié de moyen-métrage. D’un bout à l’autre, moins d’une heure. Un format devenu désuet au cinéma mais que la télévision s’est depuis approprié. On ne compte plus les séries qui en 60 minutes réussissent à délivrer un message pertinent et il est intéressant de se rappeler que les salles obscures ont elles aussi connu de telles oeuvres.

En retrouvant un tout jeune Kubrick derrière la caméra, on peut dénombrer quelques petites erreurs de débutant. On pense notamment à certains plans de coupe, pas toujours très habiles, ou bien certains dialogues un poil redondants. C’est le jeu et il en vaut pourtant la chandelle.

Car dans son film, le cinéaste insuffle déjà sa marque de fabrique: une réflexion aussi complète que multiple sur l’effet de la guerre sur les soldats. À plusieurs reprises, on distingue même certains effets que l’on retrouvera des dizaines d’années plus tard, avec notamment “Full Metal Jacket” pour citer le plus évident (mais pas le seul).

« Motus et bouche cousue. »

Kubrick va pourtant exclure toute politique de son film. La voix-off en début de séance en témoignage: “c’est une guerre qui n’a pas eu lieu, et qui n’aura jamais lieu”. Avec ce postulat, “Fear and Desire” prend presque des allures de fable militaire où c’est l’effet psychologique des combats sur les soldats que l’on réfléchit. Pour parfaire cette thèse, il convient d’analyser les personnages un à un.

Il y a d’abord le plus gradé d’entre eux, celui qui tente de diriger cette étrange troupe. Mort de trouille au fond de lui, il se force pourtant à faire bonne figure pour ne pas saper le moral de ses troupes. Ceci dit, son leadership est contesté par l’un de ses soldats.

Ce soldat, c’est celui le plus “va-t-en guerre”. Obsédé par un général ennemi aperçu au loin, il ne pense plus qu’à l’assassiner. Une soif de sang empreinte de vice et de faux courage. Là aussi, on se remémore “Full Metal Jacket” qui tissait lui aussi une réflexion sur la condition de soldat.

Le troisième larron est plus discret mais pas inintéressant. C’est un personnage sans volonté propre, toujours d’accord avec son supérieur. Un suiveur en somme mais dans sa logique d’obéissance, on sent une négation de la volonté personnelle. En se réfugiant dans les ordres, il s’empêche de penser.

Puis enfin, notre ultime comparse, peut-être le plus intéressant. D’abord montrer comme un trouillard invétéré, il va peu à peu devenir complètement fou, au point de formuler des phrases complètement incohérentes. On voit en lui aussi des prémices des futurs films de Kubrick, mais pourtant pas de ses œuvres militaires. Non, c’est ici plutôt à “Orange mécanique” qu’on pense en contemplant les yeux déments de ce personnage que la guerre a fini de rendre barjot.

Fear and Desire” porte en lui quelques erreurs inhérentes à tout premier film, malgré le génie de Kubrick. Mais en une petite heure, le maître réussit à amorcer une réflexion plus que pertinente.

Nicolas Marquis

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