Candyman 2

(Candyman: Farewell to the Flesh)

1995

Réalisé par: Bill Condon

Avec: Tony Todd, Kelly Rowan, William O’Leary

La loi du marché est implacable dans le registre du cinéma d’horreur: un succès et ce sont moult suites ou autres préquels qui envahissent les écrans. Des déclinaisons très souvent bancales qui témoignent d’une forme d’opportunisme de la part de sociétés de production plus soucieuses de faire fonctionner la machine à billet que d’offrir de véritables visions d’artistes. La saga “Candyman” semble désespérément être un parfait exemple de ce dogme oppressant. 3 ans après un premier volet convaincant, les aventures de cette figure angoissante connaissent un nouveau souffle avec la sortie de cet opus sous-titré “Farewell to the Flesh”. Un long métrage malade dès son élaboration surement expéditive qui ne comprend que très partiellement le message social du film original, mais qui va surtout laisser paraître de façon effroyablement voyante les tentatives filmiques foutraques de son réalisateur, Bill Condon, dont la filmographie parle d’elle même, avec quelques jolis nanars comme “Twilight IV” ou encore “La Belle et la Bête”.

En guise de mise en place, “Candyman 2” nous propose de quitter Chicago pour plonger dans l’ambiance unique de la Nouvelle-Orléans, en pleine réjouissance de Mardi Gras. Une cité où la légende de Candyman terrorise également la population, et tout spécialement les enfants pauvres. C’est à travers le périple de Annie (Kelly Rowan, notamment connue pour “Newport Beach”, excusez du peu) qu’on va redessiner les origines de ce croque-mitaine étrange tandis que notre héroïne saisit que sa famille possède un lien mystérieux avec cette créature fantomatique.

Avant de s’attarder sur ce qui compose le film, il convient d’établir ce qu’on ne voit pas à l’écran et qui manque cruellement: le sous-texte sociétal du premier film. Alors que l’opus de base faisait preuve d’une grande intelligence dans son approche, on ne ressent ici jamais de vrai fond qui offrirait de la profondeur. Le scénario, qui livrait pourtant une héroïne faisant le pont entre la précarité et l’opulence, semble se désintéresser quelque peu des parias mis en lumière auparavant, ces oubliés des villes. Lorsqu’on juge une suite, on le fait aussi à la lumière de l’œuvre qui a posé les bases de la saga: “Candyman 2” n’a presque rien compris à cet aspect de la franchise et le peu qu’il recrache n’a rien de pertinent. Nouveau film, nouvelle vision, mais on ne peut pas non plus renier les fondations profondes de la licence.

« Chérie, ça va couper. »

Pour vous donner un exemple assez précis des tâtonnements scénaristiques du film, prenons la place de la police qui enquête sur les meurtres du Candyman. Alors que le premier long métrage offrait une vision froide de forces de l’ordre complètement désintéressées par les maux des quartiers précaires, “Candyman 2” se sent obligé pour avancer dans le récit de nous étouffer avec cet aspect de l’œuvre. À trop les caractériser, la pellicule finit par nous montrer ces flics comme de parfaits idiots, totalement incompétents et franchement hors de propos. Dès l’écriture, “Candyman 2” est mauvais.

Bill Condon va en fait bien plus s’intéresser à la genèse du mythe de Candyman dont il nous offre une version plus creuse qu’auparavant, démystifiant désagréablement au passage ce personnage étrange. On aurait peut-être pu souscrire à cet axe de l’histoire si le réalisateur y avait mis un peu d’âme: en plus de passer son temps à se répéter, et à créer des surprises absurdes, le cinéaste dépossède totalement son anti-héros de tout artifice occulte. De la même manière, la façon dont Bill Condon mêle cette légende à la lignée de Annie semble complètement forcée. On éprouve le sentiment très étrange que Bill Condon utilise le fantôme de l’esclavagisme comme un simple outil, sans réflexion profonde. Certains sujets ne supportent pas l’approximation.

Ce manque d’adhésion est aussi imputable à la mise en image du réalisateur, proche d’un téléfilm de seconde zone. Où est passée la direction artistique délicieusement écœurante de “Candyman”? On ne ressent rien devant cette suite car son image ne véhicule rien. Une impression particulièrement présente dans les scènes de nuit qui ne jouent même pas de la pénombre, préférant adopter un éclairage de supermarché. On a quand même saisi que Bill Condon voulait mettre en avant la Nouvelle-Orléans, mais il le fait comme un touriste dans une avalanche de tous les clichés possible liés au Mardi Gras, et en y insérant des scènes de sexe complètement inutiles, voire carrément anachroniques. “Candyman 2” ne fait tout simplement pas peur.

Mais attention, Bill Condon ne se contente pas de mal filmer, il pousse plus loin le désespoir grâce à sa mise en scène d’un niveau de subtilité tutoyant le néant. On a bien compris que les apparitions de Candyman étaient liées aux miroirs, et ce depuis le premier film. Le cinéaste va donc décider, avec ses bons gros sabots, d’installer un nombre de glace incalculable dans son premier tiers, d’une façon outrageuse et putassière, pour installer une notion de danger imminent  qui ne fonctionne pas du tout tant Bill Condon en fait des caisses. Cette idée de film grossier se poursuit sur le travail sonore à jeter aux ordures. Pour appuyer des jumpscares idiots et sans utilité, les effets auditifs sont d’une agressivité incroyable: Annie est surprise par son mari qui pénètre dans la pièce et c’est un bruitage proche de l’explosion atomique qui nous est offert. Quel délice!

Figurez-vous chers lecteurs que si notre critique ressemble à un enterrement en règle, on a pourtant laissé de côté le point le plus crispant de “Candyman 2”: sa direction d’acteur totalement déconnante. Les comédiens ne jouent pas “mal”, ils jouent “à coté”. Presque jamais on ne va trouver l’émotion où l’intonation juste, se contentant de prises médiocres. Mêmes les indications fournies aux acteurs partent en vrille: la mère d’Annie évoque son cancer et le mari de notre héroïne va…se marrer. On touche le fond et on continue de creuser.

Si répéter 5 fois Candyman devant un miroir n’invoque pas réellement le boogeyman, mettre le DVD du deuxième volet suffit à savourer un avant-goût de l’enfer. Un long métrage qui ne réussit rien dans le peu qu’il entreprend.

Nicolas Marquis

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