Black Sea

2014

réalisé par: Kevin Macdonald

avec: Jude LawScoot McNairyBen Mendelsohn

Si pour certains on vit tous dans un sous-marin jaune, celui dans lequel nous embarque Kevin Macdonald avec “Black Sea” serait plutôt en piteux état et rouillé. À son bord, un équipage composé de britanniques et de russes qui part à la recherche d’une épave allemande datant de la Seconde Guerre mondiale, prétendument remplie de lingots d’or. Pour les guider, Robinson (Jude Law), un capitaine récemment viré d’une entreprise spécialisée dans la récupération sous-marine et qui va chercher à se venger de son ancien employeur en leur chipant le magot sous le nez. Ce leader va inciter le groupe d’hommes qu’il commande à braver tous les dangers et la situation va rapidement lui échapper. Dommage pour Kevin Macdonald, il n’y a pas que le sous-marin où se déroule la quasi-totalité de l’intrigue qui apparaît bancal et en piteux état.

Mais avant de se lancer dans une liste assez fournie de griefs qu’on adresse au cinéaste, concédons lui une des forces de son long-métrage: le rythme. L’installation de l’intrigue et l’enchaînement des péripéties se fait sur un rythme soutenu, ne laissant pas le temps au spectateur de se reposer pour mieux le prendre à la gorge. Même au sein d’une même scène, le montage se fait perpétuellement sec et nerveux, multipliant les prises de vues différentes pour mieux tenir en haleine. On ne peut pas décemment considérer “Black Sea” comme un film ennuyeux.

Mais ce côté plaisant de l’œuvre est à double tranchant. En faisant le choix volontaire d’imposer une cadence élevée, le long-métrage ne prend jamais le temps de se reposer quelques instants sur un rebondissement pour marquer le spectateur. On ne s’imprègne de rien dans “Black Sea”, on se contente juste de débrancher notre cerveau, faute de respiration, et de vivre passivement l’enchaînement de problème qui rythme le scénario. Un cinéma de divertissement un peu facile et convenu.

Si rien ne marque vraiment dans “Black Sea”, c’est aussi parce que Kevin Macdonald ne semble pas très inspiré dans sa réalisation. La claustrophobie inhérente à un sous-marin par exemple n’est pas franchement montrée. Le travail sonore également se fait très discret alors que quiconque a déjà vu “Das boot” ou même “Le chant du loup” (pour citer un exemple légèrement moins réussi mais plus récent) sait que la notion auditive est au centre de la vie d’un sous-marin. Non, ici le cinéaste se contente de quelques plans obliques peu pertinents pour faire vivre la tension. Le spectacle est fade, insipide, sans âme.

« Le premier qui fait la blague « Jude Lorange » je le défonce! »

Au centre de cette histoire, des hommes en marge de la société unis par l’appât du gain. Un esprit de groupe précaire se dégage bien de cet assemblage de personnalité, mais pris un par un, les protagonistes apparaissent mal construits, accumulant les clichés et les erreurs. Alors qu’ils sont presque tous censés être des professionnels, la situation par en vrille en quelques minutes, les caractères changent à loisir sans raison cohérente pour simplement faire avancer l’histoire. On a même le droit au sempiternel personnage du jeune premier qui sursaute au moindre pépin: inintéressant. 

Pourtant, le casting avait franchement de la gueule et avançait quelques noms prestigieux qu’on aime généralement: Jude Law, Scoot McNairy, Ben Mendelsohn… Il y avait de quoi faire en terme de talent devant la caméra. Le problème, c’est que derrière celle-ci Kevin Macdonald ne fait pas une utilisation pertinente de ses acteurs, se contentant de les laisser en roue libre sans les diriger efficacement.

Le réalisateur va quand même tenter de proposer quelques axes de réflexion plus profonds dans son œuvre, des thèmes plus généraux. Il existe dans “Black Sea” une charge assez franche envers la société qui essore à loisir les êtres humains. Le personnage de Jude Law, un homme divorcé, sans le sou après avoir consacré sa vie à son travail et récemment viré sans ménagement, apparaît presque anarchiste et on peut vaguement s’attacher à lui si on passe outre les idées reçues qu’il transporte. L’appât du gain qui corrompt également son équipage tente d’élever le propos du film vers une thématique plus générale sur la cupidité. Malheureusement, ces deux idées fonctionnent mal entre elles et on abandonne souvent la morale qu’on tisse, simplement pour faire avancer un film qui n’offre rien d’autre au final qu’un divertissement sans personnalité.

Avec un joli casting, on était en droit d’exiger mieux de “Black Sea”. On est ici en présence d’un film sans âme qui se contente du service minimum. Une œuvre un peu bateau!

Nicolas Marquis

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