Caltiki, Le monstre immortel

(Caltiki il mostro immortale)
1959
Réalisé par: Riccardo Freda
Avec John Merival, Didi Perego, Gérard Herter, Daniela Rocca
Film vu grâce à Artus films.

Un groupe d’archéologues et de scientifiques en fouille au Mexique découvre dans une grotte situé dans les ruines d’un temple maya, les restes d’un culte consacré à la déesse Caltiki. Alors qu’ils étudient les lieux et découvrent des bijoux ainsi que de l’or, ils sont attaqués par une étrange créature.

Cette histoire proposée par le duo Riccardo Freda et son ami Mario Bava est à la fois une belle histoire d’amitié, un film en avance sur son époque tout en traitant pourtant parfaitement des angoisses de son époque à l’instar de Godzilla.  

Une histoire d’amitié 

Pour comprendre Caltiki, il faut connaître la relation entre Riccardo Freda et Mario Bava. Riccardo Freda est considéré comme un maître du cinéma populaire italien, de l’adaptation théâtrale au Péplum en passant par le fantastique, il s’est essayé à tous les genres. C’est également quelqu’un de droit qui n’hésite pas à valoriser le travail des membres de son équipe. 

Lorsqu’il rencontre Mario Bava sur le tournage de Spartacus, en 53, il le prend sous son aile. Il apprécie son talent de directeur de la photo mais aussi son ingéniosité sur la création d’effets visuels avec peu de moyens. 

Freda le pousse à s’affranchir des producteurs et autres personnes qui l’exploitent pour devenir réalisateur. Sur le film Les vampires, Freda quitte le tournage à 3 jours de la fin pour le laisser prendre sa place et finir le long métrage.

Lorsque Freda entend la nouvelle idée de son ami, une histoire de monstre inspirée par Lovecraft mais également de films comme The blob ou bien encore The Quatermass Xperiment, le grand succès de la Hammer, il y voit le parfait projet pour pousser Bava à passer à la réalisation.

Duperie et Found footage.

Freda travaille sur le projet avec l’idée de se retirer vers la fin du tournage pour laisser la place à Mario Bava . Celui-ci s’occupe d’assurer les postes de directeur de la photo,de créer les effets spéciaux et de réaliser.

Lors de la sortie du film, Les vampires, Freda remarque lors d’une projection que les italiens se moquent du fait que le film ne soit pas réalisé par un anglo-saxon. Le long métrage n’ayant pas connu un grand succès, le réalisateur envisage de changer de nom pour attirer les spectateurs en salle et mettre en avant son collaborateur. Il décide également de jouer avec le public. Sur la promotion américaine du film, on apprend qu’il serait écrit par un scientifique du nom de Philip Just qui aurait recueilli des témoignages et découvert des légendes maya autour de cette déesse. Le but est de faire croire que tous les faits rapportés sont vrais.

Dans Caltiki, on trouve même du found footage. Lorsque les archéologues partent à la recherche de leurs amis disparus, ils découvrent une caméra. Le film est développé et ils assistent à l’attaque subie par les deux scientifiques. 

C’est le projet Blair Witch avant l’heure, tous les codes du genre sont présents, une histoire inventée pour la promo, un film proposant une caméra tremblante qui finit secouée dans tous les sens, donnant peu d’informations et jouant sur les peurs.

Caltiki est un film finalement assez en avance sur son temps qui par ces idées novatrices pour l’époque parvient à capter l’attention du public, faisant oublier son petit budget. La créature est d’ailleurs au début suggérée ou filmée en gros plan pour que le spectateur ne remarque pas qu’il s’agit d’un mélange de Chiffons et de tripes, venant d’un boucher. La photo de Bava joue sur les ombres et une ambiance parfois gothique pour rendre un peu plus crédible cette étrange créature. De nos jours, ces effets nous laissent un petit goût poétique qui nous rappelle la magie du cinéma.

L’homme est mauvais

Caltiki, permet au duo Freda/Bava de nous parler de l’humanité. Ce n’est pas un tableau très positif qui en ressort. L’homme ne pense qu’à l’argent et ses propres besoins. Il est très individualiste et ceux qui montrent un esprit de groupe comme le docteur John Fielding , seront critiqués par les corrompus. Le personnage de Max en est le parfait exemple. C’est son attrait pour l’or ainsi que pour la femme de John qui vont le perdre. La créature l’attaque et le blesse.  A partir de ce moment il se métamorphose pour ne devenir plus qu’un animal, voire même un monstre. Il voit, il veut, il prend, c’est tout ce qu’il reste une fois que la créature lui a aspiré son humanité pour ne laisser que la folie. On retrouve ici parfaitement, l’univers de Lovecraft. Les personnages faisant preuve de non respect pour le culte de Caltiki et qui ne sont pas dignes, perdent la raison ainsi que leur vie. 

John au contraire, survit car il montre qu’il se soucie des autres, qu’il est un bon chef de famille et qu’il est intelligent. Ce personnage sans défauts est assez irritant et nous avons du mal à nous attacher à lui. Il n’est au final qu’une caricature du héros de film de science-fiction.La créature apporte un aspect moralisateur. L’humanité est désignée clairement comme responsable de son destin funeste, nous pouvons y trouver ici un écho à la seconde guerre mondiale, dont le spectre est toujours bien présent en 1959.

Il reste cependant de l’espoir grâce aux scientifiques. Le film nous brosse un portrait plutôt positif de ces personnages. Ils essayent de comprendre le monde qui les entourent pour pouvoir mieux le contrôler et donc empêcher le mal, représenté également par le monstre. Si cette entité est un juge, elle est aussi un symbole de nos erreurs.

L’ambivalence de la science

La science apparaît dans un premier temps comme une arme face à la menace. Comprendre grâce à des expériences, des recherches ,c’est pouvoir la détruire. La connaissance est plus forte que le poing. Pourtant, la science nous est également montrée sous un jour beaucoup plus sombre. 

Nous parlions de Godzilla en début d’article, ce n’est pas pour rien. Il est né à cause des radiations laissées par la bombe d’Hiroshima. Si cet événement historique a terrifié les japonais, nous observons avec Caltiki que l’Europe est tout aussi choquée par l’explosion de la bombe atomique. 

Les scientifiques s’aperçoivent  que ce sont les radiations qui permettent à la créature d’agir et de se développer. De plus, lorsque l’on regarde le design de celle-ci on ne peut s’empêcher de penser à un ensemble de tumeur, encore une fois une référence aux conséquences de la radioactivité.

Le monstre apparaît à l’époque comme quelque chose de terrifiant et de concret ,il est la faute commise par l’humanité. La créature agit comme un cancer qui infecte, se répand et dévore le monde . Pour l’arrêter il faut la brûler, ce que l’on peut voir comme de la radiothérapie qui brûle les cellules infectées. La science est dangereuse mais nous en avons besoin en même temps pour survivre. C’est un thème qui fonctionne encore très bien et que l’on pourrait facilement adapter à notre société contemporaine. Caltiki nous montre que le monstre que nous craignons, c’est nous même. Il suffit de voir l’utilisation de gros plans sur les visages des personnages accompagnés du jeu d’ombres et lumières de Bava pour découvrir toute l’ambiguïté de cette humanité en pleine guerre froide, vivant dans la peur que le passé ne se répète.

Artus film, nous permet de découvrir dans une très belle édition Blu-ray et DVD, Caltiki, le monstre Immortel. Ce film porte bien son nom tant la menace qu’il nous propose est toujours d’actualité. On sent le petit budget mais le duo Riccardo Freda et Mario Bava réussissent à transcender la difficulté pour nous offrir une histoire de science-fiction prenante et divertissante. Il est cependant dommage que des rallonges assez artificielles de l’histoire et des personnages caricaturaux gâchent un peu l’ambiance. Caltiki reste un bon classique, il sera d’autant plus savoureux accompagné par les bonus et surtout le livret qui vous en dit plus sur la genèse du film et sa production ainsi que des conseils d’autres œuvres  du même genre à découvrir.

Le film est disponible en DVD et Blu-ray chez Artus films dans une version comprenant:
– Présentation du film par Stéphane Derderian
– Bava & Freda par Christian Lucas
– Générique français
– Diaporama d’affiches et de photos
– Film-annonce original 
– livret 64 pages de Christian Lucas « »Le Blob italien »


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