King: de Montgomery à Memphis
King de Montgomery à Memphis affiche

(King: A Filmed Record… Montgomery to Memphis)

1970

Réalisé par: Sidney Lumet, Joseph L. Mankiewicz (Tous deux non crédités)

Avec: Martin Luther King Jr., Paul Newman, Joanne Woodward

Film vu par nos propres moyens

Le 4 avril 1968, à Memphis, alors qu’il se trouve sur le balcon de son hôtel, le docteur et pasteur Martin Luther King Jr est froidement abattu. La détonation de la funeste arme à feu résonne alors dans l’Amérique entière, provoquant l’effroi de tous ceux qui avaient été touchés par les combats de cet apôtre de la révolte sociale et de la lutte contre la ségrégation. Quel destin cynique a voulu que ce champion de la non violence nous soit enlevé dans des circonstances aussi glaçantes ? Deux ans plus tard, les USA se relèvent progressivement au terme d’une décennie meurtrière qui aura fauché de nombreux leaders du combat pour l’égalité.

Comme pour accompagner la guérison d’un nation morcelée, le cinéma rend un hommage vibrant au pasteur Martin Luther King Jr avec le documentaire King: de Montgomery à Memphis, d’une durée à la mesure de cet homme exceptionnel: 3h. Du boycott des transports publics de Montgomery qu’organise le docteur, en 1955, suite au refus de Rosa Parks de céder sa place à une personne à la peau blanche dans un bus de la ville, jusqu’aux événements tragiques de Memphis, le film couvre les étapes importantes de la vie Martin Luther King Jr, ponctuées par de très brèves interventions de personnalité culturelles de l’époque. La marche de Selma, le prix nobel de la paix, le discours “I have a dream”… Histoire et émotion se tutoient.

King: de Montgomery à Memphis n’a rien d’un film classique: le projet initié par Ely A. Landau et Richard Kaplan n’est projeté que pour une nuit dans 1000 salles américaines, et ses bénéfices sont reversés aux bonnes œuvres luttant contre la pauvreté. Pour assembler cette collection d’images d’archives de Martin Luther King Jr, mais aussi des anonymes qui l’ont accompagné dans ses luttes, les deux producteurs font appel à un duo de réalisateurs de prestige: Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz, toutefois non crédités à ce poste dans le générique, simplement dans les remerciements. L’essentiel n’est pas la gloire personnelle avec King: de Montgomery à Memphis mais bien la transmission du message pacifiste d’un grand homme.

King de Montgomery à Memphis illu 1

À l’évidence, la plume de votre humble serviteur, chargé de vous présenter le long métrage dans ces quelques lignes, ne saurait égaler la majesté linguistique de Martin Luther King Jr. Si certaines personnes pensent leur discours à chaque mot près, le docteur en considère la moindre intonation. Le spectateur est perpétuellement porté par le lyrisme ambiant, le feu de la révolte tout aussi attisé que celui du pacifisme et de l’acceptation de l’autre. Martin Luther King Jr combat l’oppression par le verbe, et Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz font preuve d’une retenue totale de circonstance, se contentant de communiquer par moment à travers le montage, comme lorsque le discours “I have a dream…” est mis en parallèle avec les images de la statue d’Abraham Lincoln trônant au mémorial dédié à l’ancien président américain.

Mais plus que les mots, les actions menées par Martin Luther King Jr nous sont restituées à travers des séquences imposantes, où se mêlent résistance pacifiste des manifestants et répression horrifiante des forces de l’ordre. Le simple fait de marcher ou de ne pas prendre le bus devient un acte militant, une bataille de chaque instant face à l’injustice. Même entravé par les pires tortionnaires, King: de Montgomery à Memphis nous invite à ne jamais reculer face à l’obscurantisme. Si la cause est juste, si le but final est l’équité entre les hommes, alors même une peine de prison devient une fierté. “We got to keep on keeping on…” clame Martin Luther King Jr: nous devons continuer de continuer, ne pas lâcher le combat, avancer coute que coute.

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Un message qui ne s’adresse pas qu’aux opprimés: Martin Luther King Jr fédère autour de lui toutes les classes sociales, toutes les religions, toutes les couleurs de peau. L’autre n’est jamais l’ennemi, il est un allié à convaincre, et Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz ne s’y trompe pas dans les images qu’ils nous proposent. À l’écran défile presque autant de personnes à la peau blanche que d’afro-américains. La volonté d’unir les hommes, qui habitait le pasteur, défilant volontiers main dans la main avec les représentants d’autres confessions, transpire sur la pellicule.

Bien que Martin Luther King Jr était un homme d’église, King: de Montgomery à Memphis n’accentue pas obstinément cet aspect de la vie du pasteur. Bien sûr, sa foi se révèle au fil de ses envolées verbales, mais toujours dans le but d’unir les hommes. Toutefois l’image de martyr est omniprésente: pas celui sur la croix, mais ceux dans les rues, qui tombent face aux coups de matraque des chiens enragés de l’intolérance. Eux aussi souffrent pour l’amour universel, eux aussi donnent leur corps. “Quel serait l’accueil réservé à Jésus, s’il était un homme noir voulant s’inscrire sur les listes électorales de Birmingham, Alabama ?” interroge un intervenant.

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Le sacrifice de soi était le moteur de Martin Luther King Jr et le film en fait l’écho en nous restituant une vie faite d’itinérance. Aux quatres coins de l’Amérique, le pasteur se mêle à la population frappée par le racisme, épouse leur cause, leur offre sa popularité comme un porte voix pour hurler leur peine. Il est reproché à Martin Luther King Jr ses prises de positions pacifistes sur la guerre du  Viêt-Nam, à l’instar de Muhammad Ali ou Oscar Robertson, alors que c’est là une évolution naturelle de son âme soucieuse de toutes les injustices. Son aura dépasse les USA, au point de nous toucher nous même dans l’hexagone, encore aujourd’hui. Le pasteur s’intéressait à tout le monde: “Injustice anywhere is a threat to justice everywhere


Alors quel regard porterait Martin Luther King Jr sur le monde qui nous entoure aujourd’hui. Face à la résurgence de la détestation de l’autre, de la pauvreté crasse, et même de la privation des libertés fondamentales dans de nombreux pays, quel serait son message ? L’amour bien sûr, le sourire, l’humour parfois même. Puissions nous nous remémorer cet exemple dans ces heures funestes, comme nous le rappelle King: de Montgomery à Memphis.

King: de Montgomery à Memphis est une œuvre indispensable. Davantage qu’un testament, c’est un héritage que nous transmet le long métrage, celui de la paix et de la résistance pacifiste.

Nicolas Marquis

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