Spencer
Spencer affiche

2022

Réalisé par: Pablo Larraín

Avec: Kristen Stewart, Jack Farthing, Sally Hawkins

Film vu par nos propres moyens

Lorsqu’on veut mettre en image le destin tragique de figures historiques récentes, la justesse dans le traitement des personnages ne peut subir la moindre approximation. Certaines plaies restent ouvertes chez les spectateurs sensibles, et l’œil critique s’aiguise  pour les plus exigeants. Alors qu’on pensait que le réalisateur Pablo Larraín avait retrouvé sa patte dans Ema, après deux biopics sur Pablo Neruda et Jackie Kennedy au mieux ennuyeux, au pire gênants, le voir renouer avec ce genre particulier invitait à quelques inquiétudes légitimes. Le cinéaste est-il réellement pertinent lorsqu’il théorise autour des grands personnages du siècle dernier?

Aux vues de ce qu’il nous inflige avec Spencer, véritable moment embarrassant pour tous les participants au long métrage, la réponse semble claire: non, ou No pour citer une œuvre bien plus aboutie de l’auteur. C’est sur la princesse Diana, ici incarnée par Kristen Stewart, que Larraín va poser son regard, le temps des célébrations de Noël au sein de la famille royale britannique. Un portrait qui se voudrait intime, proche de sa protagoniste principale et de ses démons psychologiques connus de tous, mais qui accouche finalement d’une monstruosité filmique qu’on aimerait oublier.

Spencer ressemble presque à un cas d’école de tout ce qu’il faut éviter au cinéma si on souhaite aboutir à un résultat au moins satisfaisant. Si l’impression initiale d’une esthétique léchée se dégage du long métrage, malgré le choix de teintes ternes sans véritable cohérence, on saisit rapidement que Pablo Larraín ne s’épanouit que dans une sorte de resucée de ce que des œuvres comme The Crown ou Le discours d’un roi ont jalonné avant lui. Une pâle copie de modèles déjà imparfaits ne saurait contenter un public averti. 

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Mais n’oublions jamais que la racine même du mot “cinéma” nous vient du mot grec « kinêma » qui signifie “mouvement”. C’est bien cette notion qui perturbe le plus dans la mise en image de Pablo Larraín. Tous les élans se font lourds, voire carrément ennuyeux, alors qu’il souhaitait épouser la trajectoire de son héroïne mais n’en restitue que des déambulations grotesques dans des couloirs infinis. On a bien l’impression que le cinéaste a de l’idée lorsqu’il choisit initialement de suivre Diana caméra à l’épaule, avant que son montage calamiteux n’annihile toute originalité pour aseptiser son image sur fond de nappes musicales horripilantes.

Pourtant, on ne fait que caresser du doigt le problème majeur de Spencer jusqu’à maintenant: la performance calamiteuse de Kristen Stewart qui invite à des fous rires incontrôlables. Entre minauderies ridicules et phrasé désastreux, l’actrice nous évoque les pires imitations de repas familiaux alcoolisés. Un problème majeur du film qui ne tient pas uniquement à la proposition de la comédienne mais sûrement également à la direction d’acteurs grotesque de Pablo Larraín. Seule, Diana semble s’enfoncer dans une dépression nerveuse franchement traitée avec d’énormes sabots, mais le pire est sans doute lorsque le cinéaste essaye d’unir son égérie avec d’autres protagonistes, réels ou imaginaires. Toutes les relations humaines de la princesse de Galles prennent l’eau dans des échanges verbaux incroyablement bâclés.

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Le malaise est total pour quiconque se souvient ne serait-ce que vaguement de cette époque pas si lointaine. Bien sûr, Pablo Larraín suggère la pression médiatique et le poids de la couronne comme sources des troubles de Diana, mais avec un détachement insupportable. D’un côté on fait bien attention de ne pas égratigner la famille royale, d’un autre on nous inflige un personnage complètement fou sans réelle raison évoquée, même implicite. Ce protagoniste principal passe pour dérangé et il vient se poser là-dessus un problème idéologique profond. Le jeu du biopic veut que l’histoire soit condensée, mais en proposant une forme d’unité de temps, le cinéaste exacerbe ce sentiment de caricature grossière d’une femme en perdition. On ne connaîtra sans doute jamais les sources profondes des maux qui ont frappé Diana, l’omerta est presque totale là-dessus, mais l’hypothèse de Pablo Larraín apparaît alors bancale. Imaginez-vous un instant à la place de William et Harry, mis en scène eux aussi dans ce long métrage d’une longueur infernale. Supporteriez-vous les théories fumeuses d’un auteur perdu entre deux scènes de vomi, au sens littéral? Pour notre part, la réponse est non, au risque de paraître à contre-courant de l’avis général qui semble se dessiner sur les réseaux sociaux. L’accomplissement même de l’exercice de la chronique historique intime est risible.

Spencer est distribué par Amazon Prime Video.

Même avec la meilleure volonté du monde, Spencer est au mieux un torchon infâme profondément gênant dans son approche pachydermique du destin de Diana.

Nicolas Marquis

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