(ホーホケキョ となりの山田)
1999
Réalisé par: Isao Takahata
Avec: Hayato Isobata, Masako Araki, Naomi Uno
Film fournit par Wild Side
Bienvenue chez les Yamada
Les Yamada sont une famille japonaise née sous les coups de crayon du mangaka Hisaichi Ishii qui raconta leur quotidien sous forme de petites histoires courtes de 1991 à 1997 (disponible en 3 tomes chez Delcourt).
La manga connu un gros succès grâce ses personnages attachants et loufoques comme Matsuko, la mère de famille qui fait tout pour éviter de remplir son rôle de femme au foyer ou bien encore sa fille Nonoko qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne manque pas de nous rappeler une autre héroïne de BD, l’espiègle Malfada.
Mes voisins les Yamada fut ensuite décliné sous forme de série tv au début des années 2000 : Nono-chan, connue sous le nom de Nonoko en France( diffusée sur Canal J). Ce programme était centré sur le personnage de la petite dernière de la famille. Il se contentait de transposer sur le petit écran l’humour de situation ainsi que le concept de courtes histoires pour les placer cette fois-ci dans le contexte de la vie scolaire.
Ce n’est pas de cette adaptation dont je vous parle aujourd’hui mais de celle en long métrage animé produite par le studio Ghibli en 1999 et réalisée par celui qui a traumatisé toute une génération avec son Tombeau des lucioles : Isao Takahata.
Une vie sous pression
Le manga Mes voisins les Yamada, nous donne un aperçu de la vie de famille à la japonaise, spécialement les pressions qu’elle fait subir à nos personnage et de l’ennui qui en résulte. Si le manga avait fait le choix de parler de ces problématiques en jouant la carte d’un humour plutôt classique, Takahata va beaucoup plus loin.
Il commence son film par le traditionnel discours de mariage que l’on fait aux jeunes mariés pour leur donner des conseils de vie. Celui-ci permet à nous, les spectateurs, de comprendre ce que le terme famille peut signifier au Japon ainsi que ses enjeux. Un couple ce n’est pas de tout repos. Il faut en permanence se montrer sous son jour le plus beau, même lorsqu’on se retrouve face à des difficultés ou de gros changements de vie, comme l’arrivée des enfants. Rien de négatif ne doit transparaître. Quand on devient une famille, on se retrouve parfois à devoir cohabiter avec les anciens en acceptant leurs principes de vie et faisant sans cesse des compromis pour que tout fonctionne.
Pour illustrer ce voyage, le réalisateur utilise des métaphores poétiques, comme par exemple la représentation du parcours d’une famille semblable à un bateau qui vogue sur l’eau et se retrouve parfois en pleine tempête.
Il nous montre aussi que la vie de famille à la japonaise c’est surtout l’ennui de la répétition, faire les repas, le ménage, sortir les ordures: aller au travail ou à l’école…etc
Le quotidien, c’est le plus grand ennemis d’une famille. Il vous fait oublier ce qui est important, il casse toutes communications à l’image du père qui ne sait plus comment se reconnecter avec son fils adolescent qui n’a plus le goût à rien, terrassé par tâches quotidiennes. Encore une fois, le réalisateur utilise brillamment des passages oniriques pour illustrer les désirs et les regrets de ses personnages. Takashi, le père, se rêve en super héros adulé par sa famille, lui qui se sent ignoré, passant ses journées au travail.
L’animé nous parle de la pression sociale au travers, notamment du personnage de Matsuko, la mère. Elle déteste son rôle, qu’elle n’a pas l’air de trouver stimulant, mais elle essaye en permanence de passer aux yeux du monde pour une bonne mère et maîtresse de maison. La moindre erreur et c’est un stress qui s’installe, accompagné d’une forte envie de réparer sa faute sans que les autres ne la remarque. Lorsqu’elle perd sa fille au début du film, elle va directement se demander ce que l’on va penser d’elle en tant que mère et ensuite s’inquiéter pour sa fille. C’est aussi, la mère qui va tenter de se débarrasser discrètement de ses ordures pour éviter que l’on remarque qu’elle est une «Desperate Housewife » qui n’applique pas les règles du quartier.
Elle n’est pas la seule, nous verrons tout au long de cette histoire que chaque membre de la famille est soumis à son propre stress. Que ce soit le fait de vieillir, les études ou bien encore le travail, ils ont tous un point commun c’est cette demande de perfection. Au final peut on vraiment vivre comme ça ? Une famille peut elle rester unie et heureuse ? Takahata nous propose une réponse pleine de poésie et de sagesse.
Que sera, sera !
Mes voisins les Yamada est une œuvre attachante, poétique ainsi que philosophique. Le fait de reprendre le design de base et de le sublimer par une animation fluide et dynamique ainsi que par une utilisation intelligente des aquarelles entre classique et psychédélique, permet au créateur de rajouter une touche d’espoir à ce tableau pessimiste qui caractérise parfois l’œuvre originale.
Notre famille comprend au fil de ses aventures que peu importe les difficultés, ils arrivent toujours à en rire. Même si certaines de leurs expériences sont complémentent loufoques, ils sont toujours là les uns pour les autres. Comme le dit Noboru l’ado, « on est tous fous, c’est pour ça qu’on s’entend si bien. »
C’est avec cette nouvelle compréhension que les parents nous livrent au travers d’un final de toute beauté la conclusion de cette histoire. Ils chantent « Que sera, sera « comme pour nous dire que la vie est un gigantesque chaos et que peu importe le portrait idyllique que l’on vous donnera en exemple, une famille ce n’est pas la perfection. Le bonheur n’est pas dans la simple reproduction de tâches à l’infini, ni dans une fausse représentation de soi.
La famille, c’est être avec des gens qui nous ressemblent, qui nous acceptent comme on est et surtout qui restent près de nous dans les bons tout comme dans les mauvais moments. La vie n’est pas ordonnée, nous faisons tous et toutes des erreurs mais ce n’est pas grave, l’important ce sont au final les gens que l’on aime.
L’utilisation de « Que sera, sera » est la parfaite illustration de cette idée et elle est sublimée par une scène lumineuse et totalement chimérique qui tire parfaitement profit de l’animation et de la colorisation, entièrement numérique (une première pour le studio), montrant nos personnages voler à travers le monde pour finir par retrouver leur quartier, ayant enfin réussis à se détacher du poids d’un quotidien impossible à satisfaire.
Une belle adaptation
Isao Takahata, nous livre ici avec Mes voisins les Yamada, une excellente adaptation. Il a très bien compris le manga original et ses problématiques. Il en a gardé l’essence tout en y apportant une réflexion plus personnelle et une envolée lyrique qui devraient charmer les fans du studio Ghibli mais peut-être laisser de côté les fans d’animation plus traditionnelle. Mes voisins Yamada est une œuvre qui transcende sa propre culture pour offrir une histoire universelle, belle et magique.
Mes voisins les Yamada est a retrouver du coté de Wild Side.