(Incompriso)
1966
réalisé par: Luigi Comencini
avec: Anthony Quayle, Stefano Colagrande, Simone Giannozzi
Le cinéma est l’une de ces disciplines artistiques magiques qui nous permet l’espace d’un instant de nous propulser dans la peau d’un autre. En suivant la trajectoire d’un personnage principal, on établit un pacte avec le cinéaste qui nous le propose, un échange mutuel, pour quelques dizaines de minutes, on consacre notre temps au long-métrage pour vivre une autre vie. Il n’y a pas de limite à ce consentement: homme ou femme, jeune ou vieux, le champ des possibles est infini. Aujourd’hui, avec “L’incompris” de Luigi Comencini, c’est l’existence d’un tout jeune adolescent qu’on va traverser, celle d’Andrew (Stefano Colagrande). Un garçon encore enfant mais qui doit faire face seul au décès récent de sa mère et aux absences répétées de son père (Anthony Quayle), tentant de cohabiter malgré son mal-être avec différentes nourrices et un frère plus jeune.
Grâce à un travail scénaristique réussi mais aussi un sens de la caméra qui reste bien souvent à la hauteur d’Andrew, Comencini réussit son pari initial sans conteste possible: nous faire devenir cet enfant. L’identification est totale et la solitude permanente de ce personnage principal est éprouvée avec beaucoup de sincérité par le spectateur. On devient Andrew plus qu’on ne l’accompagne.
Dans les errances répétées d’Andrew et toutes ses “petites bêtises » d’enfant, on éprouve un feeling très proche de celui vécu devant “Les 400 coups”. Notre héros est une canaille, un épris de liberté qui ne connaît pas encore ses limites. Mais à la différence du film de Truffaut, on se demande ici assez régulièrement si Comencini ne se répète pas un peu. Certes, le réalisateur tente d’affiner son idée, de l’aiguiser au fil des péripéties, mais le cinéaste a souvent du mal à nous transporter, son travail est parfois lassant même s’il réussit à imposer ce personnage coincé entre l’âge adulte qui se refuse à lui et l’enfance qui ne le représente plus vraiment.
Le père d’Andrew semble lui aussi dans l’impasse, incapable d’occuper le vide laissé par la mère de famille. Sa relation avec son fils est faite d’admiration de la part du jeune garçon mais leur rapport se fait sans parole. Effroyable à constater alors qu’un simple mot suffirait à établir un lien plus palpable. Cette famille est en pleine dérive, emportée par le courant de la vie.
« malpolis! »
La mère disparue n’est jamais imposée avec force, mais son ombre plane perpétuellement sur le récit. Chaque passage où son souvenir se fait plus insistant glace le sang: on croit être prêt à endurer les épreuves et d’un coup, “L’incompris” va décocher une flèche émotionnelle aussi simple que puissante qui nous cloue au sol. Fatalement absent du film, ce personnage est pourtant omniprésent, presque à portée de main et pourtant inaccessible. Tout ce que le film comporte de bouleversant passe par ce protagoniste invisible.
Comencini va avancer quelques idées de mise en scène plutôt plaisantes. On pense immédiatement aux moments musicaux qui appuient sur l’ampleur du récit. Toutes ces séquences participent à donner de l’envergure au film, une certaine contenance qui n’a rien de factice. Le cinéaste sait comment jouer sur la tension dramatique à travers le champ sonore.
L’ennui, c’est qu’en dehors de cela, Comencini va être incroyablement traditionnel et convenu. “L’incompris” n’est pas un mauvais film, très loin de là, mais il ne propose pas non plus de grande originalité, il se contente de nous faire revivre des expériences déjà vues au cinéma sous un angle nouveau mais qui n’est pas non plus totalement innovant. On aurait aimé que le réalisateur ose un peu plus, qu’il se démarque pour faire de son film un moment unique. Malheureusement, “L’incompris” reste un brin banal et on craint de l’oublier assez rapidement malgré ses bonnes intentions.
Oui, le film vaut le détour et réussit à bouleverser mais malheureusement, il y parvient avec trop de facilités, arpentant des chemins déjà balisés par le septième art.