The Long Goodbye
The Long Goodbye affiche

2021

Réalisé par: Aneil Karia

Avec: Riz Ahmed, Hussina Raja, Javed Hashmi

Film vu par nos propres moyens

Personnalité en vogue depuis quelques années, le comédien Riz Ahmed brille par sa retenue et son intelligence. S’il est d’ordinaire discret en interview (ce que nous avions eu l’immense chance d’expérimenter nous-mêmes), préférant mettre en avant les films que sa personne, ses choix de carrière parlent pour lui. Le souvenir de sa performance dans Sound of Metal est encore vif. Toutefois, l’acteur sait aussi faire entendre sa voix pour les combats qui lui tiennent à cœur: démonstration aujourd’hui avec The Long Goodbye, un court métrage d’environ 15 minutes, en lice aux Oscars, pour lequel il joue et cosigne le scénario en compagnie du réalisateur Aneil Karia.

Dans une banlieue anglaise, une famille musulmane vit une journée tout à fait banale, partagée entre la joie et les petits tracas du quotidien. Puis c’est l’horreur ! Des hommes encagoulés, tout de noir vétus, font irruption dans les logis et forcent les résidents à sortir, violemment. Alors que femmes et enfants sont enfermés dans des vans, les hommes attendent, à genoux, leur terrible sentence.

C’est donc de la montée de l’islamophobie, question de société au cœur des débats outre-Manche, dont il est ouvertement question dans The Long Goodbye. Le court métrage a tout du film choc, visant à éveiller les consciences avant qu’il ne soit trop tard. Bien sûr, l’extrémité dépeinte par l’œuvre n’est pas encore atteinte chez nos amis anglais, mais Aneil Karia entend tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. La liberté de parole des mentalités les plus problématiques, l’inaction des pouvoir publics (clairement montrée dans le film) et la ghettoïsation des minorités offrent un terreau fertile à l’immondice de l’être humain, et peut-être ne sommes-nous qu’à quelques centimètres à peine du pire.

The Long Goodbye illu

Aneil Karia nous renvoie par ailleurs à d’autres images maintes fois vécues dans les journaux télévisées, et qui nous glacent le sang. Derrière l’horreur du film plane le spectre d’autres conflits, loin de chez nous. À voir Riz Ahmed et ses pairs malmenés et agenouillés, on ressent le même frisson d’effroi que si des talibans débarquaient dans un village afghan. Qu’est-ce qui sépare un barbare d’un autre ? La haine n’est-elle pas le même moteur infect de chaque extrémiste ? Après une vie à fuir la violence, quel accueil fait-on à ceux qui n’ont plus rien ? Dans l’exagération volontaire du court métrage réside une vérité dure à entendre, mais primordiale à assimiler.


Pour parfaire son coup de poing, Aneil Karia pense sa mise en image. Que ce soit dans les scènes du quotidien ou dans la débauche de haine, c’est caméra à l’épaule que le réalisateur capte les échanges. Le metteur en scène filme son œuvre comme un reportage en zone hostile, dans une logique de cinéma-guérilla tout à fait à propos, parfois très proche du visage des protagonistes. Pour autant, Aneil Karia ne manque pas d’idée sur la photo: sa mise en plan des hommes à terre se fait parfaitement saisissante et marque durablement. Cependant, le cinéaste tient à casser son dogme établi en fin de film: durant quelques secondes, comme conclusion judicieuse, Riz Ahmed apostrophe ouvertement le spectateur, à travers un slam enflammé au débit incessant et à l’écriture corrosive. Si vous n’aviez pas compris la démonstration, le comédien se charge de vous livrer la conclusion, de but en blanc, sans gants, à l’image du film.

Aussi sauvage qu’intelligent, The Long Goodbye est le témoin d’une détresse et d’un basculement de nos sociétés vers l’obscurantisme. Comme tous les signaux d’alarme, il convient d’être entendu, avant qu’il ne soit trop tard.

Nicolas Marquis

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