Kids Corner: Silent Voice

2016

de: Naoko Yamada

avec: Miyu IrinoSaori HayamiAoi Yûki

Pour cette nouvelle critique du Kids Corner, essayons de transformer une situation compliquée de confinement en opportunité. Loin d’avoir la pédagogie des professeurs des écoles, Les Réfracteurs ont tout de même tenté de proposer à Tsuyu une oeuvre en rapport avec ses leçons d’EMC (Éducation Morale et Civique) qui cette semaine étaient consacrées à l’injustice, un thème capital. L’occasion de s’étendre un peu plus longuement sur le sujet que ce que permettent les rythmes scolaires infernaux avec un film, “Silent Voice”. Une oeuvre magnifique, mais qui demande toutefois un certain nombre d’acquis avant de l’aborder, comme nous allons le démontrer.

« Silent Voice” est l’histoire de Shoko, une jeune écolière sourde qui arrive dans un nouvel établissement. Elle devient rapidement la cible des moqueries cruelles de ses camarades de classe au sujet de son handicap, et tout particulièrement de Shoya, un garçon un peu rebelle. Lorsque les plaisanteries finissent par aller trop loin, Shoko change d’école, et Shoya est désigné comme le principal coupable des mesquineries dont la petite fille a été victime. À son tour ostracisé à cause de sa réputation de petit tyran, le garçon va s’enfermer dans la solitude. Des années plus tard, devenu un adolescent timide et réservé, Shoya va tenter de renouer contact avec Shoko et de rattraper ses erreurs du passé.

Une thématique de l’injustice double donc, que Tsuyu a bien su intégrer, s’identifiant tour à tour à la jeune fille et au garçon. Elle nous a même raconté, pendant notre traditionnel débriefing, des situations concrètes où elle aussi s’est sentie exclue en assimilant particulièrement la solitude de Shoya. Mission accomplie de ce point de vue là, mais on ne peut nier qu’une certaine maturité est nécessaire pour appréhender correctement “Silent Voice”.

Déjà dans la forme: le film durant plus de deux heures, on ne saurait le conseiller à un enfant qui découvre à peine le monde du cinéma. Par ailleurs, l’histoire étant principalement retranscrite par des dialogues, un jeune habitué uniquement aux oeuvres d’animations à l’action trépidante et sans temps morts devra sans doute passer par d’autres paliers cinématographiques avant de s’attaquer à “Silent Voice”. Heureusement pour nous, notre Réfractrice junior est aguerrie à cet exercice depuis longtemps, mais si vous avez des doutes en tant que parents sur la capacité d’attention continue de votre enfant, on vous recommande de garder ce film pour plus tard, de peur de le dégoûter d’une forme de cinéma plus posée.

On se doit aussi de vous avertir que certaines thématiques du film peuvent être impressionnantes pour les plus jeunes, ou du moins ceux qui ont eu la chance de ne pas faire face à des situations dramatiques. On pense aux moqueries cruelles des camarades de Shoko, mais aussi à la manière dont le long-métrage va évoquer, plusieurs fois, le suicide. Rassurez-vous, personne n’en meurt dans le film, tout finit bien, et “Silent Voice” est totalement non-violent physiquement, mais des tentatives sont montrées (des sauts dans le vide qui terminent dans une rivière en l’occurrence, aucune effusion de sang) même si elles restent très discrètes. Si vos enfants sont étrangers à ce concept affreusement difficile à définir, on ne saurait trop vous recommander de faire preuve de pédagogie avant d’aborder ce dessin animé, voir même de le visionner avec lui. Une fois de plus, Tsuyu étant plutôt avertie sur ces sujets, elle a su faire preuve, comme souvent, de distance avec l’histoire.

Silent voice illu

« C’est plus ce que c’était la Meuse »

Si vous estimez (et c’est à la discrétion de chaque parent) que votre enfant est prêt, “Silent Voice” est une formidable opportunité d’inculquer des concepts moraux importants à votre progéniture. La repentance dont fait preuve Shoya envers Shoko en premier lieu: quel monde magnifique ce serait si tout le monde essayait de réparer ses erreurs plutôt que de les ignorer. Cette idée, Tsuyu l’a assimilée et on peut espérer qu’elle l’appliquera à l’avenir. C’est ce qui rend l’art si merveilleux: il nous fait grandir.

La notion de handicap invisible, notre jeune complice l’a aussi parfaitement comprise. Entourée au quotidien de plusieurs exemples concrets, elle a immédiatement fait preuve de compassion pour le personnage de Shoko, et comme elle nous l’a dit avec ses mots d’enfant à la fin du film: “faut pas s’moquer !”. À plus forte raison, elle a aussi compris pourquoi la jeune protagoniste du film, bien qu’uniquement sourde et non muette, préférait ne pas employer le langage oral, par honte de sa voix différente des autres. Comme la plupart des victimes de surdité, apprendre à restituer des sons qu’elle n’a jamais entendus et n’entendra jamais est un défi pour Shoko. Cette notion d’enfermement social, Tsuyu l’a immédiatement rapprochée de cas qu’elle côtoie dans la vie.

Malheureusement, et bien qu’elle soit naturellement rêveuse, notre Réfractrice en herbe n’a pas été transportée par les quelques scènes purement oniriques du film. Ce qui nous a touché, nous adultes, semble l’avoir laissée un peu de marbre. De la même façon, certaines symboliques lui ont paru un peu surfaites. Pour prendre un exemple concret, lorsque le dessin animé restitue dans quelques scènes la solitude dont est à son tour victime Shoya, le jeune garçon, en représentant ses camarades avec des croix sur le visage, Tsuyu n’a pas spécialement trouvé cela pertinent et ne l’a pas vraiment intégré. Un constat que l’on étend malheureusement à la plupart des personnages secondaires du film: si notre jeune complice a éprouvé une forte sympathie pour Shoko et Shoya, les deux héros, elle n’a pas semblé marquée par les autres protagonistes.

Et pourtant, de son propre aveu, le long-métrage l’a fait passer par un très large éventail d’émotions, de la tristesse des instants les plus émouvants à la joie pétillante des moments plus heureux. Elle gardera de “Silent Voice” une morale que l’on avait parfois du mal en tant que parents à lui inculquer: aller soi-même de l’avant pour s’ouvrir aux autres.

La note de Tsuyu:

6000

On le répète une fois de plus: “Silent Voice” demande une maturité importante pour être savouré, d’une part à cause de son format assez imposant pour un enfant, d’autre part à cause de certaines thématiques chocs qui nécessitent d’être introduites bien avant le visionnage et que certains jeunes ne saisissent (malheureusement) qu’à la pré-adolescence, à défaut d’explications. Mais le film est une belle occasion d’inviter petits et grands à une large réflexion sur l’exclusion et l’injustice au sens large.

Nicolas Marquis

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