(The Quick and the Dead)
Réal : Sam Raimi
avec : Sharon Stone, Gene Hackman, Russell Crowe et Leonardo Dicaprio
Film fourni par l’Atelier d’images.
Adolescente, j’avais au dessus de mon lit une affiche de film. On pouvait y voir au premier plan Sharon Stone en Cowboy, un pistolet levé à la main. Il se dégageait de cette image une impression de puissance. Quand je pense à Mort ou vif, c’est toujours ce mot qui me revient en tête, “puissance”. J’étais fascinée par cette lady surgissant de la poussière. C’était un peu l’héroïne de western que j’attendais dans ce monde de brute, impeccable dans son style à la Eastwood . Malheureusement à cette époque, j’avais l’impression d’être la seule à avoir adoré ce western de Sam Raimi. L’Atelier d’images propose aujourd’hui une belle édition de Mort ou vif, remplie de bonus riches qui devraient vous convaincre de réhabiliter ce film. C’est aussi la mission que je me donne dans cet article.
Sharon la puissante
Dans les années 90, il était plutôt rare qu’une actrice soit influente sur un projet au point de choisir les personnes avec qui elle voulait travailler. Sharon Stone, après le succès de Basic Instinct de Paul Verhoeven, se retrouve dans cette position. Approchée par Tri Star, elle se retrouve rapidement productrice sur un projet de Western. On lui demande de faire une liste des réalisateurs avec qui elle aimerait travailler. Elle revient vers le studio avec un seul nom, Sam Raimi. Elle a adoré l’armée des morts et à très envie de collaborer avec lui. C’est donc ainsi que le réalisateur d’Evil Dead se retrouve à la mise en scène de Mort ou vif, n’en croyant pas ses yeux.
Le projet connaît pas mal de réécritures. Simon Moore, le scénariste doit présenter au studio différentes versions avant d’être écarté à la suite de problèmes familiaux pour revenir finalement sur le projet lorsque Tri Star ne réussit pas à trouver mieux que son travail. Joss Whedon intervient en tant que script doctor pour retravailler la fin du film qui ne plait pas à Sam Raimi. Une fois l’histoire bouclée, le metteur en scène se concentre sur la construction des duels ainsi que sur un gros travail de recherches historiques autour des armes pour éviter tout anachronisme.
Pendant ce temps, Sharon Stone choisit ses camarades de jeux, Gene Hackman et Russell Crowe, dont c’était le premier film en Amérique. La bataille la plus dure pour l’actrice fut d’imposer la présence du jeune Leonardo Dicaprio qu’elle avait découvert dans Gilbert Grape. Le studio refuse mais Sharon en est persuadée, Dicaprio deviendra un grand acteur. Elle en est tellement sûre qu’elle propose au studio de payer elle-même l’acteur, ce qui les fait céder. Cependant même avec ce casting soigné et son réalisateur talentueux, le film ne rencontre pas son public lors de sa sortie en 95. Il désarçonne même la critique. Pourtant Mort ou vif est un film plus riche qu’il n’y paraît ainsi qu’un vent de fraîcheur dans ce genre vieillissant.
Le nouveau Western
On retrouve dans cette œuvre tous les codes d’un western classique: une histoire de vengeance, un tyran qui terrorise une ville, des hors la loi… bref la routine habituelle. Avec Mort ou vif, Raimi voulait rendre hommage à Sergio Leone et cela se ressent beaucoup. Le cadrage déjà, avec ses plans serrés mettant en avant les regards, ou bien encore dans le mélange de culture, l’utilisation habile de la musique. Alan Silvestri fait d’ailleurs un excellent travail avec sa partition rappelant le travail de Morricone, mais surtout il maintient une tension continue.
Raimi arrive surtout à mêler à cet hommage passionné, son propre style pour au final proposer un nouveau style de western très viscéral, dynamique et héroïque.
Il suffit de voir les différentes scènes de duel pour en percevoir toute la beauté. Ia mise en scène de ces moments est très graphique avec un montage très cut, des zooms, une caméra en mouvement, l’utilisation de ralenti, de la superposition d’image, un travail sur la musique ainsi que le son . Le tout donne des scènes de grandes tensions, on a l’impression que le film se tend comme les personnages sur la crosse de leurs pistolets. Notre souffle se coupe jusqu’à ce que le coup parte, alors la caméra s’éloigne de ses protagonistes pour nous laisser admirer et comprendre l’issue du duel. Parfois ces scènes rappellent un combat d’art martial à la fois mental et physique, drôle et dramatique. On sent l’énorme travail de préparation sur ces scènes et à quel point le réalisateur voulait nous faire ressentir l’adrénaline et la pression de ces face à face. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant.
On retrouve également le fameux style de Raimi emprunté au comics avec par exemple une transition avec un paquet de cartes tournant comme le journal de Métropolis dans la vielle série Superman, annonçant la nouvelle crise du jour. On retrouve aussi le fameux montage vu dans Darkman et qui sera réutilisé dans Spider-man. Gros plan sur sur un visage ou un regard, superposition de personnages et d’actions qui défilent dans un style très bd. Cela permet de jouer sur le temps, d’écarter des scènes inutiles tout en partageant avec le spectateur l’état d’esprit du héros.
Il ne faut pas oublier que le metteur en scène raconte beaucoup de choses rien que par l’image. Prenons en exemple le début du film. On commence par suivre un personnage à cheval, il se fait tirer dessus par un homme qui a peur de perdre son or. Le cavalier tombe puis surprend son assaillant . On découvre qu’il s’agit d’une femme. Elle est montrée directement en position de force. Par la suite on la suit dans un cimetière, elle s’arrête devant le bureau du marshall qui a brûlé puis vient un grand panneau indiquant, Rédemption. En une séquence, nous avons déjà beaucoup d’informations : Une héroïne seule qui semble avoir vécu un drame et qui cherche la rédemption. L’histoire de notre lady nous sera d’ailleurs distillée par l’image et les flash-back tout au long du film.
Combat mental
Mort ou vif est un film sur des personnages qui sont en quête de rédemption mais aussi de guérison. Ellen alias la lady veut venger son père tué par le personnage interprété par Gene Hackman , Herod. Elle est surtout en recherche d’elle-même et de paix. Elle le dira, elle a perdu sa vie le jour où son père est mort mais surtout elle se hait. Elle semble ne vouloir se lier à personne, elle reste en dehors de la société pourtant c’est un personnage qui a des émotions et qui ne supporte pas l’injustice.
Elle cache quand même un secret: elle est responsable de la mort de son père. Lors d’un flash-back, nous découvrons qu’Herod lui a donné un pistolet en lui proposant de tirer sur la corde autour du cou de son père pour le sauver, mais étant trop petite, elle finit par lui tirer dans la tête,par accident. Depuis ce jour, elle a peur de vivre comme le dit le docteur, ne pensant pas en avoir le droit après son geste. L’histoire d’Ellen est une tragédie, elle veut la justice mais elle est incapable de se pardonner. La preuve ultime de cet échec de rédemption c’est qu’une fois sa mission accomplie, elle fuit à nouveaux les autres, alors qu’elle aurait pu rester avec Cort.
Parlons de ce personnage: Cort (Russell Crowe) est un ancien membre de la bande de Herod qui cherche à se faire pardonner ses crimes. Au début du film, on apprend qu’il est devenu révérend et refuse toute violence. Le passé cependant se rappelle toujours à vous. Herod le retrouve et l’oblige à participer à son concours de duel juste pour flatter son égo mais aussi pour lui faire comprendre qu’il ne peut pas échapper à ses actes passés et à ce qui l’appelle, sa nature profonde. Tout au long du film, Cort est en lutte avec lui-même, pris entre ses principes et son instinct de survie. Finalement grâce à Ellen il va trouver sa rédemption en devenant un homme de justice, lui apportant ainsi un équilibre entre ses valeurs et ses dons . Un équilibre plus positif.
Herod, l’antagoniste est au contraire un personnage qui assume totalement son statut négatif: il veut , il prend. Pour lui la loi de l’ouest c’est gagner le respect des autres en leur prenant tout à part la peur. Ce qui est tragique, c’est le personnage de son fils ,Le kid veut gagner le respect de son père, être vu comme un égal et être aimé.Malheureusement Herod voit cet enfant comme une menace,un peu comme “Evil Queen” voyant Blanche Neige comme une menace. La faute du Kid sera de montrer aux yeux de tous que son père n’est qu’un humain dont il ne faut pas avoir peur. Herod n’a pas d’autres choix que de le tuer.
Dans ce drame, il ne montrera aucun sentiment, rejetant cet enfant mourant et faisant de lui un exemple de sa cruauté, un simple outil pour garder son pouvoir. Si on ne se remet pas en cause, on ne peut que sombrer, c’est au final ce que nous dira le film au travers de ce décès. Une mort assez graphique et à la fois cartoonesque, encore une signature de Raimi. Il est transpercé par une balle, nous permettant ainsi de voir au travers du trou, le vide habitant ce personnage, montré aussi comme une ombre chassé par la lumière. Il n’était que mauvais, vampirisant les gens autour de lui. Par sa mort c’est tous les états d’esprits de la ville et de nos personnages qui se trouvent libérés.
Girl Power
Mort ou vif , ce n’est pas un simple western. C’est un film qui propose une femme forte qui nous parle de ce que les Spice Girls appellent le « Girls Power ». Ellen c’est l’affirmation du pouvoir féminin et de la lutte constante pour s’affirmer face à la masculinité toxique. Elle passe le film à se révolter contre les codes de la société. Elle est ni une fille ni une pute mais une « Lady ». Elle affirme son indépendance et sa liberté face aux personnages masculins qui semblent tous être plus intéressés par ses formes que ses dons au pistolet. Il y a une colère en elle mais aussi une peur. On la voit plusieurs fois dans le film être choquée mais ne pas oser intervenir. C’est à chaque fois une lutte avec elle-même. Elle met du temps à sauver Cort ou n’ose pas dans un premier temps défendre la fille du propriétaire du Saloon face à un pédophile.
Les duels permettent à Ellen de se découvrir plus forte que ce qu’elle pensait. Elle prend ainsi confiance en elle et se positionne enfin face à ces hommes qui veulent imposer leur loi.
Sa relation avec Herod est assez intéressante. Il est montré comme l’ogre de la ville, la bête semant la terreur dans sa maison lugubre au-dessus des autres. La scène du dîner en tête à tête avec lui m’a fait penser à Barbe bleue ou encore la belle et la bête. La princesse terrifiée par la bête, ayant peur de perdre elle aussi la vie. A la fin, la belle tuera littéralement la bête. Faisant son apparition sortant des flammes, cette héroïne flamboyante qui n’a plus peur d’affronter son croque mitaine. Même si après avoir réussi elle fuira encore, on a une note d’espoir car cette fois-ci le ciel n’est plus flamboyant comme le feu, le film semble avoir gagné en couleur, notre héroïne est sur le bon chemin, un chemin puissant et peut être plus serein. C’est l’un de ces personnages féminins inspirants des années 90 qui mérite d’être plus reconnu, surtout par l’excellent travail de Sharon Stone proposant toute une palette de jeu apportant ainsi de belles nuances à cette Lady de L’Ouest.
En bref
Mort ou vif est un excellent film qui mérite d’être réhabilité. Si je ne vous ai pas convaincu avec cet article, je vous invite fortement à découvrir les bonus proposés dans cette édition Blu-ray. vous en saurez plus sur la création des scènes, l’écriture mais aussi des analyses de séquences, des scènes coupées. Vous aurez ainsi tous les bons outils pour voir sous un jour nouveau ce film sous-estimé à tort. La petite fille qui s’était un jour déguisé en femme Cowboy sous les yeux moqueurs des autres remercie Sam Raimi et Sharon Stone de lui avoir rendu sa passion et sa force.
Mort ou vif est disponible chez l’Atelier d’images dans un coffret au superbe visuel et dans une nouvelle restauration 4k, avec en bonus:
– L’Ange de la vengeance par Stéphane Moïssakis et Julien Dupuy (50 min)
– Analyse de séquence (9 min)
– Simon Moore : l’écriture de Mort ou vif (19 min)
– Making of (6 min)
– Scènes coupées (5 min)
– Bande-annonce du film