(Sea of Love)
1989
Réalisé par : Harold Becker
Avec : Al Pacino, John Goodman, Ellen Barkin
Film fourni par L’Atelier d’Images
À New York, un homme est retrouvé assassiné dans un lit, dénudé. Les enquêteurs sont vite persuadés qu’il s’agirait d’une femme esseulée vengeresse. En effet, une seconde victime permet de distinguer un pattern : l’homme poste une petite annonce en vers et finit assassiné dans une atmosphère de premier rendez-vous. L’inspecteur Franck, brisé par son divorce, se retrouve sur l’enquête. Il propose alors pour coincer la tueuse de passer une annonce et de prendre les empreintes de toutes celles se présentant. Le problème, c’est qu’il se place lui-même dans la position d’appât.
Dans le rôle principal, on retrouve Al Pacino, qui porte littéralement le film. Son précédent film, Revolution n’avait pas connu un franc succès, et les critiques acerbes l’ont même poussé à se mettre en retrait. Mélodie pour un meurtre marque son retour sur le grand écran après une pause de quatre ans. Face à lui, John Goodman, qui à l’époque enchainait les films (Arizona Junior, Murder Ordained, Le Mot de la fin), incarne un inspecteur sympathique . Enfin, le tableau se complète avec l’excellente Ellen Barkin, qui sortait de Big Easy où elle avait croisé John Goodman. Elle aurait accepté le projet en apprenant qu’Al Pacino travaillait dessus.
Derrière la caméra, on retrouve Harold Becker, réalisateur habitué aux thrillers (Tueur de flics et Flics-Frac !). L’écriture du scénario est accomplie par Richard Price, connu pour avoir écrit La Couleur de l’argent, réalisé par Martin Scorsese. Auteur de nombreux romans new-yorkais, il avait écrit une première version plus sombre que le réalisateur a un peu allégée. Cette obscurité se retrouve néanmoins dans certaines scènes, lorsque le suspense monte notamment, et il faut saluer le travail de Ronnie Taylor à la photo. Quant à la musique, c’est Trevor Jones (Mississippi Burning) qui fait résonner le saxophone, instrument intimement lié au thriller érotique autant qu’à la ville de New York.
Commençant comme un film policier des plus classiques, où à partir d’une scène de meurtre on suit les rouages d’une enquête, et en particulier son inspecteur principal, forcément un peu blasé et rustre, Mélodie pour un meurtre bascule au fur et à mesure dans le thriller sexuel, où le saxophone s’insinue en des scènes nocturnes à la lumière tamisée, où des jeux de regards érotisent l’atmosphère, tandis que le mystère se renforce et le suspense se tend à mesure que l’enquête piétine.
Ce basculement est permis à la fois par la nature de l’enquête sur des meurtres sexuels, et par son personnage, Frank étant du genre à sortir des clous. Il use de stratagèmes, et de manipulations pour parvenir à ses fins : en l’occurrence arrêter les suspects. Ces mensonges sont comparés à la séduction par le long métrage. Lorsque Frank en vient à se faire passer pour une victime potentielle afin de capturer la tueuse, il tombe sous le charme de l’une des suspectes. Dès lors, l’enquête devient trouble et le film bascule dans le thriller où le policier est de plus en plus nerveux, à mesure que la musique s’épaissit et se densifie en rythme.
Néanmoins, si Mélodie pour un meurtre a de faux airs de thriller érotique avec son affiche, son intrigue ou encore la présence d’un saxophone résonnant dans les rues de New York, il n’appartient pas vraiment au genre. L’érotisme persiste en quelques scènes, particulièrement en des scènes de séduction, mais ce qui domine le film est plutôt cette quête d’amour presque désespérée. Si l’on regarde bien, le panel de personnages nous étant présenté a du mal avec l’amour, est malhabile avec, maladroit, incapable de trouver chaussure à son pied.
Le film va plus loin en établissant une comparaison entre les femmes esseulées qui cherchent un compagnon dans la grande pomme et les policiers qui galèrent sur leurs enquêtes. Les personnages féminins y sont complexes, touchants, farouches, désespérés, malheureux, cherchant l’âme soeur dans cette immense ville, alors qu’à côté de ça, les policiers enchaînent les heures supplémentaires, ont des problèmes d’alcool, ont du mal à garder leur femme, en particulier Franck.
Impossible de ne pas penser aux personnages de flics précédemment campés par Al Pacino : à Serpico, au bout du roulot qui repousse la femme qu’il aime et finit par perdre tous ses amis au nom de la justice, ou à Steve Burns dans Cruising qui se perd dans son enquête au point de douter de lui. Mais aussi, le policier revêche qu’il jouera plus tard dans Heat. C’est un stéréotype qui lui colle à la peau, celui d’un homme poussé à bout par la vie, devenu malhabile, qui ne sait plus comment faire tout tenir ensemble. Il reste intéressant néanmoins de voir Al Pacino évoluer dans ces rôles, puisqu’il offre des nuances à ces personnages de policier qui varient autant avec l’intrigue que les atmosphères.
Et il est indubitablement plus intéressant encore de suivre sa plongée dans les méandres du cœur. Car en fin de compte, ce que raconte Mélodie pour un meurtre, c’est comment l’amour peut rendre les gens désespérés, prêt même à tuer. La scène au restaurant où le regard de Franck croise la première femme avec qui il a eu un rendez-vous, et constate ses joues mouillés de larmes, est des plus troublantes et reste encore en tête même à la fin du film.
Pour prolonger l’expérience du film, l’édition Blu-ray éditée par L’Atelier d’Images propose non seulement le film en une très bonne qualité, mais également une série de bonus appréciable, dont des commentaires audio, des scènes coupées, le making off, une analyse du film par Fred Teper, rédacteur en chef des Chroniques de Cliffhanger & Co et enfin, la bande annonce du film.
Mélodie pour un meurtre est disponible en Blu-ray et DVD chez L’Atelier d’Images