(Attack of the 50 Foot Woman)
1958
Réalisé par : Nathan Juran
Avec: Allison Hayes, William Hudson, Yvette Vickers
Film vu par nos propres moyens
Il y a parfois des mystères dans la vie, des œuvres considérées comme cultes sans que nous ne comprenions pourquoi. Le film dont nous parlons aujourd’hui fait partie de cette catégorie. L’Attaque de la femme de 50 pieds s’inspire de gros succès sortis à la fin des années 1950, comme Le Fantastique Homme Colosse et L’homme qui rétrécit. Du grand spectacle à peu de frais pour effrayer petits et grands. Tourné en 8 jours pour un tout petit budget, le film nous propose une histoire influencée par le lancement de Spoutnik et le féminisme. Un cocktail qui aurait pu être fantastique et moderne mais malheureusement, aux yeux du public et de son réalisateur, ce fut plutôt un échec, au point que le metteur en scène, ayant honte du produit final, demandera à être crédité sous le nom de Nathan Hertz.
Mais vous êtes hystériques !
Nancy est une femme riche mariée à Henry. Elle pourrait être heureuse, mais non, l’homme qu’elle aime la trompe et lui vole de l’argent pour entretenir sa maîtresse. Un soir, en rentrant chez elle, Nancy observe une boule géante de laquelle un homme tout aussi imposant sort pour l’attaquer.
Si le postulat de base, ainsi que la superbe affiche du film, nous promettent du grand spectacle, très vite le spectateur est désarçonné. L’aspect science-fiction peine à faire son apparition malgré la découverte de l’objet non identifié en début de long métrage. L’attaque tant promise ne nous sera livrée que 10 minutes avant la fin du film.
Mais alors de quoi nous parle le film ? Le thème le plus voyant est celui de la condition féminine. Bien que l’histoire se passe en 1958, sa vision de la femme semble sortir du moyen âge. L’héroïne n’est qu’un jouet entre les mains masculines des habitants de la ville. Elle n’est qu’un distributeur d’argent pour son mari, une alcoolique hystérique pour les autres. La seule personne qui lui témoigne de l’attachement est son majordome, lui aussi peu considéré par cette société. Lorsque Nancy se plaint à son mari, lui faisant part de sa souffrance de le voir la fuir sans cesse et lui parler sèchement, Harry utilise la manipulation pour la faire culpabiliser et finalement obliger Nancy à s’excuser de vouloir être aimée, respectée et considérée: un comble. Autour d’elle, même histoire, personne ne la plaint, pour le reste de la ville c’est de sa faute si son mari est une mauvaise personne et ce n’est pas normal qu’elle se lamente d’être trompée.
Son alcoolisme est gravement jugée alors que de son côté, son époux Harry se montre complètement ivre tous les soirs au bar, accompagné de Honey sa maîtresse.
Évoquons à présent le cas de la maîtresse: une fois de plus ce n’est pas une image positive de la femme qui nous est donnée. Si à la même époque d’autres films nous proposent des femmes mystérieuses et envoûtantes, ce n’est absolument pas le cas ici. La maîtresse est une mauvaise personne. Elle est avide d’argent, sans état d’âme et pousse même son amant à tuer sa femme. Ce qui arrive à la pauvre Nancy la réjouit, pas parce qu’elle aura bientôt son amant pour elle seule, mais parce qu’elle aura l’argent et les bijoux de sa Némésis. Honey est une veuve noire qui tisse sa toile et elle sera punie comme un insecte, écrasée par la furie de notre femme géante.
Si vous aviez encore des doutes sur la façon dont les femmes sont perçues dans le film, lors d’une scène, un scientifique nous apprend que lorsque l’on devient une femme, il se passe des choses étranges qui rendent hystérique, nous poussent à hurler pour rien et à vouloir des choses absurdes, comme le respect et la liberté. Pas de doutes les personnes derrière L’attaque de la femme de 50 pieds n’épousent pas les idées féministes qui germaient à cette époque.
Il est vraiment dommage de ne pas avoir utilisé cette histoire pour en faire une métaphore de ce désir d’émancipation. Le film aurait pu être beaucoup plus fort si il avait étudié la transformation de cette pauvre victime en femme forte et maîtresse de son destin. Au lieu de ça, sa transformation est montrée comme un caprice, Nancy est une petite fille qui boude dans sa chambre jusqu’à faire une énorme crise de nerf et tout détruire autour d’elle. Jamais la mise en scène ou l’écriture ne poussera le spectateur à avoir de l’empathie pour ce protagoniste. Lorsque Nancy attaque finalement la ville, elle est filmée comme King Kong. Elle est lourde, idiote et marche au ralenti, semblant s’apaiser lorsqu’elle prend entre ses mains l’objet de son obsession: son mari Henry. Le film se termine de la même façon: la créature mise à terre. Si dans le premier on ressentait de la tristesse pour le pauvre gorille géant, ici, avec une mise en scène froide, lointaine et une direction d’acteurs catastrophique, on sort du film avec l’impression que tout le monde se moque du destin de cette pauvre Nancy et le spectateur sent alors un profond sentiment d’injustice, sûrement non voulu par la production.
Une absurdité visuelle
On peut classer facilement l’Attaque de la femme de 50 pieds avec l’œuvre de Ed Wood tant elle brille par son côté cheap. La réalisation est sans saveur: si certaines œuvres à faible budget arrivent à tirer leur épingle du jeu par une utilisation habile des mouvements de caméra ainsi que du montage, ce n’est pas le cas ici. La caméra est souvent immobile les acteurs se contentant de passer devant pour réciter leurs lignes. Le film manque de rythme et il est surtout trompeur. On visionne L’attaque de la femmes de 50 pieds pour voir du grand spectacle, de la destruction, de la science-fiction, et au final ce n’est pas du tout ce que nous avait promis l’affiche. Ce long métrage est une escroquerie et même ce qu’il tente de raconter ne fonctionne jamais.
Un petit exemple pour vous éclairer. Lors d’une scène, Henry et le domestique se battent. Cette séquence d’action, au lieu de faire naître le suspense, nous fait rire tant on a l’impression d’assister à deux acteurs dansant et comptant leur pas, ainsi que des coups très visiblement non portés qui font s’écrouler l’acteur plusieurs mètres plus loin. Rien ne fonctionne, le pire étant les scènes de science-fiction. Le satellite n’est qu’un gros ballon tout gris sur lequel on superpose le visage d’un homme chauve, coupé par un gros plan de main, le tout tourné au ralenti. Si certains vieux films arrivent à livrer un peu de poésie au travers de leurs effets désuets, encore une fois ce n’est pas le cas de ce long métrage.
Pourquoi c’est culte ?
Si L’attaque de la femme de 50 pieds reste encore cité dans des films et séries , c’est pour deux raisons. Tout d’abord par son message anti féministe, le film en devient un symbole de lutte. Pourquoi les femmes se sont battues à l’époque et pourquoi, elles continuent de se battre encore? comme le dirait Aretha Franklin : R.E.S.P.E.C.T
Le film est un enseignement, une façon de comprendre la pensée de certains hommes conservateurs et un outil de réflexion . Le long métrage est aussi très bien pour un spectateur passionné de cinéma ou qui souhaite se mettre à la réalisation. Vous trouvez à l’intérieur tout ce qu’il ne faut pas faire. L’attaque de la femme de 50 pieds est un film raté avec une belle affiche qui en est devenu drôle au fur et à mesure du temps, imprégnant le spectateur ainsi que la pop culture.
L’attaque de la femme de 50 pieds n’est pas un bon film, mais il reste quand même divertissant et riche d’enseignements, même encore de nos jours. Le long métrage est un mélange de différents films, le tout lié par un discours très conservateur refusant le progrès. Malgré ses défauts, l’œuvre est tout de même à découvrir.
L’attaque de la femme de 50 pieds est disponible en DVD chez Studio 13.