Kids Corner: Space Jam – Nouvelle ère

(Space Jam: A New Legacy)

2021

Réalisé par: Malcolm D. Lee

Avec: LeBron James, Don Cheadle, Cedric Joe

J’ai eu beau me creuser la tête plusieurs jours, rien n’y fait: pour parler de “Space Jam – Nouvelle ère”, même sous le prisme du Kids Corner, je dois d’abord casser la distance habituelle entre vous et moi et utiliser le terrible premier pronom personnel singulier. En me mettant à nu, je dois vous dire mon amour du basket qui réduit à peau de chagrin mon temps de sommeil, ma passion de la balle orange qui me pousse à supporter mes Knicks dans les temps forts comme dans la galère habituelle. En bon gosse des années 80, le premier “Space Jam” a sans conteste participé à faire naître cette obsession. Véritable phénomène culturel (et marketing pour être honnête), le long métrage de Joe Pytka a marqué l’enfant que j’était, une époque où internet n’existait pas vraiment encore et où le succès d’un film s’évaluait aussi souvent en fonction de sa force de frappe médiatique. Malgré tous ses défauts, “Space Jam” est un film du cœur.

La pomme n’est pas tombée loin de l’arbre et à son humble échelle d’enfant, Tsuyu se passionne aussi pour ce sport qui s’exprime au-delà du rectangle du terrain. Mais il y a un point immédiat sur lequel il faut construire le socle de ce Kids Corner: LeBron James n’est pas l’icone absolue et intouchable qu’était Michael Jordan. Véritable mythe du sport dans les années 90, MJ réunissait tous les passionnés de basket autour de lui, unanimement. L’aura de LeBron n’est pas la même. Si on ne débattra pas du niveau de jeu (rendez-vous sur Twitter sinon), là n’est pas le sujet, forcé de constater que les stars de Tsuyu se nomment davantage Damian, Kawhi ou Giannis. Peu importe les gesticulations frénétiques du Chosen One pendant près de deux heures, l’impact ne sera jamais le même et le film va complètement s’effondrer en se persuadant de l’inverse. Adulte ou enfant, le long métrage ne veut pas choisir et il va en payer les frais.

On ne vous fera pas l’insulte d’un résumé: il est presque mot pour mot celui du premier “Space Jam” à ceci près que cette fois c’est une intelligence artificielle des studios Warner qui capture LeBron pour le plonger dans le monde des Toons (et des productions du studio en général). Il y a de quoi franchement se bidonner en voyant cet « algorithme scénariste” se vexer qu’on ne prenne pas son avis en compte, comme si “Space Jam – Nouvelle ère” voulait dénoncer une uniformisation des œuvres de cinéma alors qu’il est l’exemple parfait du recyclage honteux.

« Oui Daffy, Helmer est moche en 3D… »

Mais ce n’est pas mon avis qui compte dans les Kids Corner, c’est celui de Tsuyu qui a su vivre avec plaisir un moment qui nous a franchement consterné. Sans contrarier sa joie, en quelques simples questions, on tente juste de comprendre ce qui l’a séduit et pourquoi son opinion est si éloignée de la notre. À la base, on s’interroge d’ailleurs assez fortement sur le jeu de références proposé dans un film pour enfant. Les clins d’œil à “Game of Thrones”, “Matrix” ou même “Mad Max” semblent complètement hors de portée d’un marmot. Plus grave? Pas de problème, le prétendu GOAT en a sous la semelle et va étaler toute une série de figurants, disposés autour du terrain, censés rappeler des personnages de la Warner. Vous n’imaginez pas le malaise absolu devant ces déguisements low cost complètement honteux, et cela Tsuyu l’a senti. Mais comment voulez-vous surtout que nous, parents, nous lui expliquions l’apparition des héros de “Orange Mécanique”? Merde, j’ai même du expliquer à Oracle un hommage à “Qu’est il arrivé à baby Jane?”, on en est là. “Space Jam – nouvelle ère” est hors de propos, un véritable Air Ball et surtout une pub géante pour la Warner.

Alors pourquoi Tsuyu ne s’est pas sentie larguée par ce flot de culture qu’elle ne maîtrise logiquement pas encore? Et bien par un simple jeu d’action frénétique qui confine à l’hystérie. “Space Jam – Nouvelle ère” ne prend le temps d’aucune pause et maintient les enfants dans un état de contemplation qui en appelle à des instincts primaires. Pas le temps pour la marmaille de se demander si ce qu’on a devant les yeux est bon ou non puisqu’on lui retire immédiatement pour avancer un autre gag tout aussi bref et souvent en manque d’imagination. On compte sur l’excitation plutôt que sur la construction. Facile dans ce cas d’également faire avaler les errances dans le jeu d’acteur de LeBron, même s’il s’en sort mieux que craint initialement, du moins quand on lui épargne des accoutrements gênants.

De là tout découle. C’est grâce à ce fameux rythme qu’on va pouvoir faire avaler aux gosses un message pompeux et éculé sur la famille et sa valeur. Pire, si on tacle légèrement le culte de la performance, “Space Jam – Nouvelle ère” ne le fait que partiellement: être le meilleur dans un domaine qu’on n’affectionne pas, c’est non, mais ne pas se donner à 110% dans ce qu’on aime, c’est non aussi. Pas sûr que Tsuyu soit réceptive à ce genre de pression et heureusement pour son épanouissement. Globalement, si on est honnête, le scénario de ce nouvel épisode ressemble aussi diablement au premier opus et ne trompera que les plus jeunes.

Digestion forcée également pour le placement de produit omniprésent et probablement au panthéon des publicités cachées les plus agaçantes au monde. “Space Jam” était déjà une machine à billet infernale, “Nouvelle ère” repousse au moins ces limites là, celle du merchandising et du mercantilisme. Un parti-pris visuel (car à ce niveau de putasserie on ne peux pas le différencier de l’identité graphique) vient appuyer un côté trop fourni des plans pour Tsuyu. Effets visuels trop nombreux, Goon Squad trop tape à l’œil… Cet aspect ne l’a pas emporté même si la transformation en 3D des Looney Tunes l’a convaincue alors que c’est pour nous un sacrilège. Alors vous l’aurez compris, on a détesté “Space Jam – Nouvelle ère” en tant qu’adulte pour son contenu risible mais aussi pour la façon dont il joue sur les instincts presque bestiaux de nos enfants. Mais c’est la note de Tsuyu qui compte, son regard critique n’a encore que 8 ans, et c’est un…

Space Jam – Nouvelle ère” séduit Tsuyu car il joue sur des artifices faciles, des leviers usuels mais primaires. On déplore que l’art soit utilisé si bassement pour remporter une adhésion creuse des enfants.

Nicolas Marquis

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Cette publication a un commentaire

  1. Marquis

    Space jam…. ah, la famille et ses valeurs, parlons en… Sur le fond, vous parlez de MJ et Lebron, mais faudrait quand même pas oublier Marc Judith et Chouchou…..
    Bises à Tsuyu.

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