The Hunt

2020

de: Craig Zobel

avec: Betty GilpinHilary SwankIke Barinholtz

À force, on ne saurait plus déceler le vrai du faux: tous les ans, au moins un film d’horreur a le droit à sa petite polémique qui entache sa sortie. Enfin ça, c’est si on est vraiment crédule, car à y regarder de plus près, il paraît évident que ces débats enflammés servent avant tout de promo facile pour des films qui n’ont pas les moyens de s’imposer autrement. Trop violent, trop politiquement incorrect, trop d’incivilités dans les salles: on a eu le droit à toutes sortes d’excuses de plus en plus farfelues. Alors quand on a appris que « The Hunt » était déprogrammé pour avoir fait trop étalage de violences, pour mieux être reprogrammé plus tard une fois le film connu de tous à travers cette anicroche, on est resté dubitatif. Manque de chance, le film est finalement sortie la semaine passée, alors que de nombreux pays font face à une fermeture généralisée des salles, pour cause d’épidémie de Covid-19. Alors arroseur-arrosé, ou malédiction malheureuse, comme nous vous le disions, on ne sait plus dire. Reste le film, en lui-même, pour ce qu’il est, face à nous, le distributeur ayant décidé d’avancer drastiquement sa sortie numérique sur le territoire nord-américain, à l’instar de “The Invisible Man” dont nous vous parlions récemment. Tuons le suspense dans l’oeuf: le plus effroyable dans le film, c’est avant tout sa bêtise.

Sous une avalanche de gore complètement gratuit, de personnages sans cohérence, et de caricatures à tout va, “The Hunt” n’est ni plus ni moins qu’un “Battle Royale” raté, opposant riches en mal de sensation, et pauvres capturés, drogués, et transportés jusqu’au lieu de l’affrontement. Une façon de restituer le thème séculaire de la lutte des classes derrière un schéma scénaristique éculé, et toujours à la mode chez les plus jeunes grâce aux jeux vidéos, sans trop se faire chier. Parce que c’est bien connu, pour être pertinent il faut aller plagier le travail des autres.

En fait, en s’abritant derrière le “Battle Royale” pour se donner de la contenance, “The Hunt” en profite pour ne rien dire du tout philosophiquement. D’une paresse sans pareille, le film avance une espèce de théorie selon laquelle il suffit d’opposer deux groupes distincts pour immédiatement être pertinent, sans essayer de raconter la moindre histoire. Le long-métrage n’est en fait qu’un actionner peu efficace et gratuit qui se donne des airs de grande satire politique. Un film qui vous prend légèrement pour un idiot, vous prémâchant le travail pour servir sa philosophie de fast-food tiédasse entre deux avalanches de bidoches. Jusqu’à en oublier qu’en respectant aussi peu son spectateur, “The Hunt” finit par rater tous ses climax un par un, forcément.

« Nous aussi on a des envies de meurtres après ça »

Certes, il y a bien une vague sensation de fun au début, alors que le film change de point de vue à chaque victime. On se dit que ça peut être une bonne piste narrative, puis on éprouve même un plaisir coupable à voir mourir ces personnages totalement idiots, mais le film abandonne rapidement cette rhétorique pour imposer une héroïne. Betty Gilpin, l’interprète de celle qui devient le protagoniste principal, fait de son mieux pour rendre son personnage vaguement cool au détour de quelques punchlines ratées mais présentes. Mais là aussi, “The Hunt” ne va pas aller au bout de sa démarche, et alors qu’on a déjà fait son deuil de toute morale profonde au film, il nous sert une évocation foireuse du “Lièvre et de la tortue” pour donner du fond à ce personnage principal. C’est déjà trop tard, et surtout bien trop bâclé pour qu’on en tire quoi que ce soit de vaguement intelligent.

C’est là le principal souci du film: il est bête, affreusement bête. Car après tout, cette structure du “Battle Royale”, pourquoi pas? Plus d’un film l’a utilisé, et des résultats régulièrement intéressants voient le jour. À plus forte raison, la règle du “Last Man Standing” est une constante du cinéma d’horreur. Mais pour que ce soit davantage qu’un simple procédé ludique par nature, il faut l’accompagner d’une histoire profonde, et tout particulièrement de personnages fouillés pour impliquer le spectateur. C’est en vous identifiant à l’un des protagonistes que sa mort devient marquante.

Mais dès lors que chaque personnage est construit avec si peu de tact, impossible de vraiment se sentir impliqué. Pas un pour rattraper l’autre, c’est à peu près comme ça que l’on pourrait résumer cette caractérisation d’un autre temps. Dans le camp des moins fortunés: tous des idiots, la plupart racistes. Comme si le seuil de revenus conditionnait la tolérance. Un trait de caractère qui donnera d’ailleurs lieu à une scène des plus ridicules alors que nos fugitifs réussissent à grimper dans un wagon de train pour prendre la fuite, avant de se rendre compte qu’il est plein de sans-papiers. On ne trahira pas le dénouement de la scène (il ne manquerait plus qu’on spoile pour enterrer définitivement “The Hunt”), mais on se contera de dire qu’on a senti nos neurones s’éteindre un par un jusqu’à extinction complète.

Du côté des riches, ce n’est pas vraiment plus glorieux: tous des petits bourgeois libéraux en puissance, qu’on affuble de dialogues fadasses remplis d’une tendance importante au name-dropping. Histoire que les bœufs que vous êtes comprennent bien qu’on veut taper sur cette classe qui se sent supérieure intellectuellement parce qu’elle a lu les bons livres, ou vu les bons films. Scoop, “The Hunt” ne doit pas faire partie de la liste. Quand dans le dernier tiers du film, et alors qu’on ne l’avait jamais vue jusqu’ici, on nous impose une antagoniste caricaturale à grands coups de flashbacks, on ne peut que constater que Hilary Swank est tombée bien bas.

Copier les copains, c’est déjà pas joli, mais quand en plus “The Hunt” emprunte le travail des autres pour s’affranchir de toute construction scénaristique, ça devient vraiment vilain. Ni un film d’action efficace, ni un film d’horreur prenant, ni une satire politique habile… Le film n’est rien, pas même un vague bon moment. Beaucoup de bidoche pour très peu de cervelle.

Nicolas Marquis

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