1976
de: Alain Corneau
avec: Yves Montand, François Périer, Simone Signoret
L’exception culturelle française: une expression bien connue et employée à tour de bras. C’est ce savoir-faire, presque artisanal, qui souligne l’influence de la France sur l’art. En terme de cinéma, son existence est indéniable, et on pense aisément à la nouvelle vague, souvent citée comme courant d’influence majeure. Il suffit de dénombrer la quantité titanesque de réalisateurs qui se réclament de cet héritage. Mais si la France a su peser dans le paysage culturel mondial, il existe une autre tradition, bien moins reluisante, et dont “Police Python 357” porte les stigmates: l’imitation culturelle française, cette façon qu’avait le monde de l’art français de s’inspirer extrêmement lourdement de succès américains.
Aujourd’hui, on s’attarde donc sur ce polar, qui nous raconte l’histoire de l’inspecteur Ferrot (Yves Montand) qui succombe aux charmes d’une jeune beauté à l’accent américain. Il ne se doute pas que sa belle est aussi la maîtresse de son supérieur hiérarchique. Lorsque ce dernier assassine froidement sa conquête, tout semble accuser à tort l’inspecteur Ferrot, qui va devoir non seulement découvrir le véritable assassin, mais également orienter l’enquête de façon à ce que l’on ne l’accuse pas lui-même.
Ne faisons pas durer le suspense: à bien des égards, “Police Python 357” est un ersatz franchouillard de “Dirty Harry”. Entendons-nous bien, Les Réfracteurs ne sauraient accuser qui que ce soit de plagiat, mais impossible, lorsqu’on analyse le personnage d’Yves Montand, froid et taciturne, de ne pas penser au rôle culte de Clint Eastwood. D’autant plus que le film d’Alain Corneau sort au moment où l’inspecteur Harry est au sommet de sa popularité, et compte déjà plusieurs suites.
Il faut donc tout le talent d’Yves Montand, mais aussi un effort du spectateur, pour se détacher de cette évidente comparaison. C’est fort dommage car premièrement, on aurait aimé un rôle sur mesure pour un si grand acteur, et deuxièmement car Alain Corneau est un metteur en scène talentueux: on pense notamment à “Série Noire” qu’il tournera quelques années plus tard. Il faut dire qu’à l’époque, c’est seulement le deuxième long métrage du réalisateur qui n’a sans doute pas eu toute la liberté nécessaire pour s’exprimer pleinement.
N’en reste pas moins un scénario un peu bancal, qui demande dès la mise en place un effort certain pour accepter le status-quo. Cette dulcinée commune à l’inspecteur Ferrot et son supérieur: un peu gros à avaler. Et la suite ne vole pas toujours plus haut. A mesure que le film avance, Yves Montand multiplie les mensonges pour ne pas être confondu avec le tueur. Seulement, il arrive un point, variable selon le spectateur, où le film devient complètement invraisemblable. N’y allons pas par quatre chemins, il faut être stupide pour ne pas comprendre le lien qui unissait la jeune femme et notre inspecteur. Certes, c’est lui qui mène l’enquête, mais très rapidement son partenaire a tous les éléments qui pourrait accuser Yves Montand et semble passer à côté avec une bêtise sans pareil.
« J’en connais un qui a oublié la Saint Valentin »
Même dans sa forme, “Police Python 357” semble tatonner. La scène du meurtre, par exemple, est franchement ratée en terme de réalisation, avec un plan bien ridicule sur le tueur au moment du crime notamment. On pense aussi à tous les petits éléments matériels disséminés au début du film, et dont on sait pertinemment qu’ils reviendront plus tard dans l’enquête, car Alain Corneau s’y attarde bien trop longtemps. Une montre, une photographie, un bijou…Tous ces éléments ne sont pas là innocemment, et le fait que le réalisateur les introduit beaucoup trop explicitement fait retomber tout rebondissement. En 30min, on a compris comment se nouera la suite de l’enquête.
Mais ce qui atteste le plus de ce manque de liberté dont semble avoir souffert Alain Corneau, c’est quelque chose de plus insidieux: le placement de produit. On a beau être dans les années 70, quelques enseignes semblent avoir eu le droit à leur petit clin d’oeil bien appuyé, et parfois même multiple: Carrefour, Ricard, Coca-cola… C’est parti pour la page de réclame cachée !
Alors en lisant ces quelques lignes, on pourrait donner l’impression que Les Réfracteurs ont détesté le film: pas du tout. “Police Python 357” reste un polar efficace qui fonctionne, pour peu qu’on se laisse bercer par de grossières illusions. Le tout reste tout à fait digeste, et peut s’appuyer sur quelques points forts. Son casting entre autres. Si Yves Montand fait de son mieux avec son personnage, celui de Simone Signoret est bien plus intéressant. L’épouse du supérieur hiérarchique et tueur tisse sa toile pendant tout le film, telle une araignée. En quelques scènes que l’actrice domine totalement de son talent, elle donne une trajectoire intéressante à ce personnage dont on a pitié au début mais qui s’érige en manipulatrice en chef au fur à mesure. C’est à coup sûr ce duo d’acteurs mythiques qui permet aux film de dépasser légèrement la moyenne.
Précisons également qu’une fois les errances du scénario digérées, ce jeu du chat et la souris entre nos deux flics est plutôt efficace. La pression continue qui pèse sur Yves Montand fonctionne, elle maintient une certaine tension dramatique pendant toute l’oeuvre. “Police Python 357” est un film haletant, et rien ne saurait lui enlever ça.
“Police Python 357” est un film grossier. On ne parle pas ici de vulgarité mais de construction. C’est avec ses gros sabots que le film impose des éléments parfois farfelus. Mais grâce au tandem Montand-Signoret, mais aussi une certaine science du suspense inégale mais présente, l’oeuvre reste un moment de divertissement agréable. Rien de plus.