Metro Manila

2013

de: Sean Ellis

avec: Jake MacapagalJohn ArcillaAlthea Vega

Le monde du cinéma étranger se divise en deux catégories: ceux qui attirent l’attention avec des paysages fantasmés de coin de paradis, et ceux qui vous plongent la tête dans la réalité jusqu’à la noyade. Avec “Metro Manila”, ne vous fiez pas aux apparences. Si les quelques premières minutes semblent le faire appartenir à la première catégorie, le film va très rapidement évoluer en chronique rugueuse de la réalité.

Car le film et sec et grinçant comme du papier de verre. Pour fuir la misère la plus totale, un couple de philippins et leurs deux enfants trouvent refuge dans la capitale, Manille. Mais rapidement réduit à nouveau à la précarité absolue, le père va accepter un boulot de convoyeur de fonds dans un quartier réputé extrêmement dangereux, alors que la mère va devoir plonger dans le monde des bars glauques de Manille.

Ce propos, cet enfer des bidonvilles, il est parfaitement restitué par un montage classieux. Toujours dans la pression, le cinéaste Sean Ellis découpe son film au sens propre. Il rature, il hache, mais toujours à dessein et jamais dans l’erreur, pour amener une certaine montée en puissance.

C’est cette unité de ton qui est sûrement la plus réussie dans “Metro Manila”. Cette manière d’amener un récit aux ramifications complexes, presque un brûlot social, mais maquillé en thriller. Le film n’invente rien, mais ce qu’il s’emploie à faire, il le fait dans un esprit de continuité intéressant.

Pour incarner le père, on salue la performance de Jake Macapagal. L’acteur est dans la cohérence, le concret. S’identifier à lui est aisé, même si son personnage semble parfois un peu ahuri. Dépassé mais dans une situation brûlante, ça se défend. On aurait aimé un peu plus de retenue tout de même car le comédien va “voler” beaucoup de scènes.

« Parle à ma main. »

En conséquence, le rôle de la mère de famille que campe Althea Vega semble bien plus en retrait alors que ses enjeux sont bien distincts. Assurément, les deux parents ne sont pas sur un pied d’égalité scénaristique et c’est relativement dommage car le décor, les Philippines et ses soucis de tourisme sexuel se prêtaient malheureusement à bien plus de consistance.

On goûte davantage le réalisme général de l’oeuvre. “Metro Manila” est un film qui se révèle puissant socialement. Une chronique désabusée de la société actuelle. Une description pointue de comment le système te maintient continuellement la tête dans l’eau, que tu sois ouvrier à Laval ou convoyeur de fonds à Manille. C’est ce message purement corrosif qu’on a le plus affectionné.

Dans son rythme, comme on l’a évoqué, mais aussi dans les couleurs, “Metro Manila” en impose. Toute cette palette propre aux Philippines dépayse. On l’a affirmé, le cinéma international se divise en deux catégories, et même si c’est le fond qui transparaît avant tout dans le film, on peut savourer quelques beaux lieux de tournage.

Mais le long-métrage paye malheureusement plus concrètement d’autres erreurs. Le thème musical bien trop répétitif en est une preuve: l’emballage n’est pas parfait, “Metro Manila” est parfois approximatif. 

Idem pour un premier tiers du film, celui de l’exode à Manille, bien trop longuet. L’installation sert le message final du film mais assurément d’une manière pataude et trop conséquente pour une intro.

Un bon thriller bien nerveux. Voilà comment on résumerait “Metro Manila”. Avec son lot de scènes coups de poings et une ligne claire, le film reste un bon souvenir.

Nicolas Marquis

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