(Memoirs of an Invisible Man)
1992
de: John Carpenter
avec: Chevy Chase, Daryl Hannah, Sam Neill
Quand on évoque le cinéma de John Carpenter, c’est en général ses films d’horreur qui reviennent immédiatement en tête. C’est bien normal, d’une part parce que c’est ce qu’il a fait de mieux, d’autre part parce que ces oeuvres là marquent fatalement plus les esprit. Pourtant, il y a quelques contre-exemples notables: “New York 1997” est plutôt un film d’action, tout comme “Jack Burton”. Et puis il y a “Les aventures d’un homme invisible” censé relancer la carrière de Chevy Chase à l’époque, aidé par un grand nom à la réalisation et multipliant les gags sous une forme ludique. Seulement voilà, Carpenter n’a que très rarement versé dans le domaine de la comédie et le long-métrage va porter toutes les cicatrices du cinéma grand public des 90’s.
On vous résume d’abord l’histoire: Nick Halloway (Chevy Chase donc) est un bon gros branleur, n’ayons pas peur des mots. Son boulot de bureaucrate lui assure des revenus confortables sans vraiment foutre grand chose et il passe ses soirées à picoler dans son club favori. Mais à la suite d’un accident dans un laboratoire où il se trouvait un peu par coïncidence, le bonhomme va devenir invisible, traqué par le gouvernement qui aimerait bien se servir de lui. Pour l’aider, heureusement, il va pouvoir compter sur Alice Monroe (Daryl Hannah) qu’il a rencontrée deux jours avant et qui est tombée amoureuse de lui en 15 minutes.
Ok ok, on est un peu caustique. C’est que ce film, on y est attaché. C’est un souvenir très agréable de l’enfance, de l’époque des films hollywoodiens faciles mais digestes pour les enfants que nous étions. Le revoir, c’est faire une croix sur cet attachement affectif: avec le regard de l’adulte qu’on est devenu, les défauts sautent aux yeux et c’est presque le coeur brisé qu’on redécouvre l’oeuvre, même si tout n’est pas à jeter.
Déjà, il y a la volonté d’imposer un homme invisible “bon”. Les récents exemples tendent à jouer sur la perversité de la situation, avec en général un homme invisible cruel: une figure de l’horreur. C’est presque marrant dans ce contexte de voir Carpenter aller en sens inverse. Encore plus étonnant, certains ressorts horrifiques sont transformés en gags: le voyeurisme par exemple. Avec un simple changement de grammaire cinématographique, l’angoisse devient comédie.
« La clase en toute circonstance. »
Mais franchement trop et souvent de manière pas très fine. Le film multiplie les gags bien lourds, appuyés à l’extrême. Derrière une surenchère de farces toutes plus potaches (et assez peu réussies) les unes que les autres, on camoufle un scénario franchement maigre. C’est peut-être d’ailleurs là que les limites du cinéma pop-corn des années 90 se fait le plus sentir: une femme complètement potiche, un antagoniste franchement ridicule de méchanceté et notre héros qui se découvre du courage. “Les aventures d’un homme invisible” est un film léger: agréable, fun, mais porteur de défauts monstres et dirigiste d’un bout à l’autre.
Mais cherche-t-on vraiment à en faire plus? On en doute: ce complot facile est probablement là à dessein. Pas de prise de tête, pas de grande réflexion, c’est parfois agréable. De quoi faire un bon film de dimanche après-midi pluvieux. D’accord, on peut regretter le manque de fond de l’oeuvre et son côté forcé, mais on est pas vraiment sûr que c’était le but premier du long-métrage non plus.
On se demande tout de même si Carpenter n’a pas été contrait dans sa liberté artistique. Déjà sans sa musique rétro électro si sympa, le film se prive d’une qualité. Mais surtout où sont passées les couilles de ce bonhomme qui assumait parfaitement son côté série B sans tergiverser? On reconnaît bien son style dans quelques effets mais impossible d’imaginer que le montage final soit le sien. En plus de cela, un constat intéressant que l’on peut faire avec le recul: si les trucages sont presque intemporels, les effets spéciaux numériques ont une date de péremption. C’est assez notable dans ce film qui mélange les deux procédés: chaque visuel simple mais ludique est suivi de fonds verts terriblement baveux et ratés. Là encore, on est partagé entre fun et consternation.
Le jeu d’acteur n’aide pas véritablement: cela tient peut être à des rôles bien trop caricaturaux, il n’en reste pas moins une forme de surjeu permanent et collectif. Et c’est d’ailleurs une performance incroyable pour Chevy Chase: réussir à mal jouer quand on est invisible, c’est fort. Côté Daryl Hannah, on excuse plus facilement sa proposition tant son personnage est l’archétype de la bimbo un peu conne.
En vrai, “Les aventures d’un homme invisible” est typiquement le film pour lequel on a de l’affection lié au souvenir d’enfant qu’on en garde. Mais le ressortir aujourd’hui c’est s’exposer à une déception. On ne peut pas être des Peter Pan éternellement enfants, et c’est bien dommage pour ces longs-métrages qu’on a aimé (et qu’on aime un peu encore coupablement) mais la maturité nous oblige à être plus sévères.