Les amours imaginaires

2010

réalisé par: Xavier Dolan

avec: Xavier DolanMonia ChokriNiels Schneider

Voilà plusieurs semaines que l’essentiel de la filmographie de Xavier Dolan est disponible sur Netflix. Un réalisateur familier de vos Réfracteurs chéris qui étaient pourtant loin de connaître toutes ses œuvres. Sur les bons conseils de quelques autres sites de cinéma (et notamment cette chouette rétrospective de Ciné Maccro), on a décidé de combler nos lacunes et de se pencher sur l’un des premiers long-métrages du cinéaste: “Les amours imaginaires”.

Ce film, c’est l’histoire de Marie (Monia Chokri) et Francis (Xavier Dolan himself), deux amis très proches. L’une est hétéro, l’autre homo, et lorsque débarque dans leur vie le séduisant Nicolas (Niels Schneider), leur relation va être mise à mal, pourrie par la jalousie, alors que nos deux comparses s’éprennent tous les deux du bellâtre.

Dans cette oeuvre subtile à l’ambiance volatile, Xavier Dolan va essayer de délimiter la frontière entre amitié et amour, et en conséquence la porosité qu’il existe entre les deux sentiments. Ceci dit, Nicolas semble lui bien peu réceptif aux signaux de Francis et Marie, et à mesure qu’on progresse dans le film, on constate que ces “Amours imaginaires” sont aussi une thèse sur l’amour à sens unique. Pour appuyer ce propos, Dolan utilise d’ailleurs de courtes séquences où face caméra, avec beaucoup de naturel, des inconnus racontent leurs expériences affectives du même genre.

À l’évidence, “Les amours imaginaires” réfléchit également la jalousie qui peut s’installer entre deux amis au risque de tout pourrir. Ce long-métrage réussit à saisir avec délicatesse les histoires que l’on se raconte à nous-mêmes, ces passions qui n’existent que dans nos têtes mais pour lesquelles on est pourtant prêt à sacrifier nos plus proches amis. Toutes ces idées, Dolan se les approprie et nous les restitue avec énormément d’à-propos.

Jamais vulgaire, toujours très fin, le réalisateur est bienveillant avec ses personnages, et s’en dégage un vrai attachement du spectateur pour les deux amis. On ira pas jusqu’à dire que ça sent le vécu, mais qui ne s’est jamais rêver au bras d’un homme ou d’une femme dont on ne sait que peu de choses, par simple attirance. Une espèce de coup de foudre à sens unique qui peut nous dévorer.

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On fait souvent le reproche de la prétention à Xavier Dolan, et très franchement on a tendance à être du même avis sur certains de ses films, mais ici c’est un tout jeune cinéaste qui s’exprime et qui éclabousse de son sens de l’esthétique chaque strate de la pellicule. Ses cadrages sont sans doute ce qui traduit le mieux cette sensation: ici, on va suivre un personnage de dos, comme un voyeur qui épie l’intimité de sa proie; ou bien là, on va circonscrire les trois personnages dans un coin de l’écran pour appuyer la sensation d’unité du trio.

Par ailleurs, Dolan fait preuve d’un vrai sens de la musicalité. Il n’hésite pas à s’attarder sur des morceaux, allant de l’électro au classique, pour insuffler une ambiance bien précise à chaque scène.

Dans la manière dont il use des ralentis dans ces séquences musicales, on se remémore “In the Mood for Love” dans le procédé. Des pas légers, la silhouette de Marie doucement filmée: foi de Spike, comparer un film au chef-d’oeuvre de Wong Kar-Wai est l’un des plus beaux compliments que je puisse formuler.

« Les amours imaginaires » est aussi une oeuvre colorée: énormément de goût pour agencer toute cette magnifique palette, qui s’exprime totalement dans les costumes soigneusement choisis. Ça n’a parfois l’air de rien, mais Dolan change totalement l’ambiance de son film avec cette pratique: on imaginerait mal l’œuvre en noir et blanc tant le fond et la forme se rejoignent.

Quand en plus le casting se révèle à la hauteur, on n’en est que plus impliqué dans cette histoire fragile. Si Dolan et Schneider sont tout à fait convaincants, c’est le regard de Monia Chokri et ses attitudes qui nous ont le plus séduits. L’actrice saisit parfaitement le besoin de subtilité qui fait le sel de cette romance et embellit la pellicule de son talent.

On a été bien con de ne pas se pencher plus tôt sur cette période faste de Xavier Dolan. “Les amours imaginaires” est un film d’une beauté aussi visuelle que scénaristique qui émeut et marque le spectateur.

Nicolas Marquis

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