La mission

(News of the World)

2021

réalisé par: Paul Greengrass

avec: Tom HanksHelena ZengelTom Astor 

Aussi différent soit-on, on porte tous dans nos cœurs au moins un film avec Tom Hanks. “Seul au monde”, “Il faut sauver le soldat Ryan” ou encore “Forrest Gump”, autant de chef-d’œuvres qui confèrent une aura particulière à l’acteur, lui faisant bénéficier d’une certaine bienveillance de la part du public. Nous-même chez les Réfracteurs, grands râleurs devant l’infini, on doit bien concéder au comédien une certaine connivence. En le voyant enfiler les santiags pour se plier à l’exercice du western, notre curiosité était piquée et c’est sans à priori qu’on plonge dans son incarnation du capitaine Kidd, un vétéran de la guerre de sécession qui parcourt le Texas pour accomplir un travail bien particulier: lire les nouvelles du journal à la population massée pour l’écouter. Son périple va croiser la trajectoire de Johanna (Helena Zengel, aperçue déjà dans “Benni” dont on vous disait le plus grand bien ici), une fillette enlevée toute jeune par une tribu d’indiens et qui a tout oublié des us et coutumes de notre société. Kidd va accepter de sillonner l’État pour reconduire la petite jusqu’à une famille qu’elle n’a jamais connue. On a beau être enthousiaste à l’entame du long métrage, le cinéaste Paul Greengrass va se révéler être loin du niveau de nos attentes.

Erreur presque éliminatoire pour “La mission”, c’est justement dans son utilisation de Tom Hanks que l’œuvre nous a parue la plus fragile. Si l’acteur fait clairement de son mieux avec la partition qu’on lui propose, son rôle semble presque plus vrai que nature: positif à l’excès, altruiste en diable, ce héros censé incarner une part des USA de son époque n’est jamais suffisamment creusé pour marquer les esprits.

Ce mal, il s’étend au duo que forme le captain Kidd et Johanna. Moteur du long métrage d’un bout à l’autre, cette paire si différente ne prend jamais vraiment et ne sert que de support à une morale convenue. “La mission” ne propose qu’un récit balisé, défini d’entrée par cet assemblage improbable et qui sent pourtant le déjà-vu.

Collection de scènes ayant pour but de dessiner un portrait réaliste des USA d’antan, le film ne finit par n’être qu’un flacon un peu vide enrobé de passages mielleux à souhait, pour ne pas dire un peu niais. Greengrass ne se transcende jamais et nivelle son histoire par le bas en lui donnant des accents naïfs.

« Hu dada! »

La preuve la plus criante est sans doute dans la sous-utilisation du travail du captain Kidd. Il y avait la place, et la pellicule tente bien d’y parvenir timidement par moments, pour réfléchir sur la place de l’information dans nos vies et comment on l’accueille, le pouvoir des histoires pour résonner en nous. Mais non, plein de paresse, Greengrass se dédouane assez rapidement de tout fond trop pertinent pour rester le plus politiquement correct possible.

Tout n’est pourtant pas à jeter: si le réalisateur n’est pas un excellent raconteur, sa mise en image peut impressionner un instants. La photo de “La mission” est efficace et rend justice aux grands espaces américains et aux visages de ses personnages. On s’abandonne un temps aux séduisants appels du western pour se laisser embarquer malgré nos réticences, comme une habitude de cinéphile tenace.

Quand en plus ces visuels intéressants sont assemblés d’une manière intelligente, on est proche du bon moment. Greengrass ne prend pas de risque et c’est dommage, mais il maîtrise le rythme de ses séquences, insufflant la tension nécessaire à l’instant T. “La mission” n’est pas ennuyeux, il est seulement vain.

Car en dehors de la construction même des scènes, le film voudrait se faire passer pour un road-movie un peu décousu mais qui tisse progressivement un fil spirituel. Il n’en est rien, le pari de la cavalcade remplie d’émotions est perdu. “La mission” est traînant, voire carrément ronflant. Il n’y a pas de véritables évolutions des personnages, simplement un statu quo qu’on étale poussivement.

L’impression tenace d’avoir vécu un film vide de sens subsiste, rythmée par des pseudo scènes d’action parfois inutiles et qui ne servent qu’à marteler ce que Greengrass ne sait pas suggérer. “La mission” avait tout ce qu’il fallait pour fonctionner, sauf le metteur en scène adéquat.

On oubliera bien vite “La mission” tant le film manque de relief et de charme. Une histoire somme toute convenue qui ne rend pas hommage à ses images.

Nicolas Marquis

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