(Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb)
1964
réalisé par: Stanley Kubrick
avec: Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Hayden
À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le vendredi 16 octobre 2020 à 19h
Peut-être est-ce parce que ces deux concepts sont si éloignés dans la réalité qu’ils se marient si bien au cinéma: comédie et guerre. Les exemples plus ou moins saluables pullulent, dans des registres variés: “Le dictateur”, “MASH”, “Hot Shot” ou encore “Jojo Rabbit” dont on vous parlait précédemment. Aujourd’hui, on s’attarde sur un des films les plus importants de ce sous-genre de la comédie, le génial “Docteur Folamour” de Stanley Kubrick. Important car il fait non seulement sourire, mais il appelle également à une réflexion d’une pertinence folle sur la guerre froide et ce moment de l’Histoire où tout aurait pu basculer.
L’histoire est déjà perchée. Retranché dans une base militaire américaine en pleine guerre froide, un officier décide de déclencher le plan d’urgence qui commande aux bombardiers américains de lancer une série d’ogives nucléaires sur la Russie, sans l’accord du Président. Dans la “War Room” du pentagone, le chef d’État et ses conseillers vont tenter de trouver des solutions diplomatiques alors que dans les avions, on se prépare à l’infâme. Rapidement, on découvre aussi une terrible épée de Damoclès qui va planer sur le film: si une ogive touche le sol russe, une série de contre-mesures automatisées de l’URSS pourrait bien tout simplement détruire toute vie sur terre.
Ici, on va bien sûr démonter toute glorification de l’armée américaine. Pas de Rambo, juste des personnages plus ou moins allumés qui décident derrière un bureau du sort du monde. Kubrick dénonce un état de fait précaire où le premier ahuri venu pourrait mettre fin à l’humanité.
Sa vision de la politique n’est pas moins acerbe. Inutile, voilà comment on pourrait dépeindre les gesticulations des officiels américains. Dans les échanges téléphoniques avec les dirigeants russes, on s’esclaffe devant tant de bouffonnerie et dans la façon de présenter le fameux docteur Folamour, un ancien scientifique nazi devenu conseiller américain, on rit jaune.
« Sacrée partie de Risk »
Mais en soi, ce ne sont pas les militaires ou la politique le problème, mais plutôt l’incapacité des deux à fonctionner ensemble. On a tendance à se représenter les forces militaires comme le bras armé de la nation, mais “Docteur Folamour” détruit cette image en étalant toute la défiance qui règne dans les deux camps.
Bien évidemment, toute la course à l’armement qui régnait encore à la sortie du film est moquée. Comme on a coutume de dire: si une nation a de quoi détruire 5 fois la Terre, à quoi servent les 4 suivantes? Ce sourire narquois que vous esquissez, c’est la corde sensible sur laquelle joue Kubrick pour vous donner envie de mettre une fleur au bout de chaque canon.
Le personnage du docteur Folamour démontre aussi une chose plus profonde: pas de gagnant et pas de perdant dans une guerre, et le plus souvent, on n’en garde que le plus détestable. Les ennemis d’aujourd’hui sont les frères de demain pour faire souffrir des populations civiles innocentes.
Peter Sellers survole avec maîtrise cette partition. À une époque où la pratique est très peu courante, l’acteur va endosser pas moins de trois rôles avec chacun une construction différente dans l’interprétation: le Président américain, un officier anglais de la base aérienne et le fameux docteur Folamour. Hilarant et toujours au service du film, on est là devant un exemple de génie dans la performance.
Tout aussi mémorable, les shots aériens de Kubrick, toujours hypnotiques. Mais surtout une fin qu’on ne trahira pas mais dont l’image reste à jamais au Panthéon des plus grandes séquences du cinéma.
Ça n’est peut-être pas le Kubrick le plus connu, mais “Docteur Folamour” n’en reste pas moins l’un des meilleurs films du génie.
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