Deep End

1970

réalisé par: Jerzy Skolimowski

avec: Jane AsherJohn Moulder-BrownKarl Michael Vogler

Régulièrement sur notre petit site, nous avons eu l’occasion d’évoquer les « coming-of-age-movies », un genre bien particulier qui disserte autour des tourments de l’adolescence, esquissant une période de la vie où nous ne sommes plus des enfants mais pas encore tout à fait des adultes. Des longs métrages qui servent en général de repère pour le public visé sans pour autant s’interdire d’interpeller les plus âgés. Avec « Deep End« , c’est la découverte du corps et du désir sexuel qu’on aborde aujourd’hui: Mike (John Moulder-Brown) est un jeune homme de 15 ans qui vient tout juste de quitter son collège pour rentrer dans la vie active en temps qu’employé dans un établissement de bains publics. Alors qu’il s’acclimate à sa nouvelle vie, il va succomber jusqu’à l’obsession aux charmes de Susan (Jane Asher), une de ses collègues aux mœurs légères.

Résumé ainsi, on pourrait craindre que “Deep End” ne soit qu’une excuse pour balancer une avalanche d’images charnelles évocatrices. Il n’en est rien, le cinéaste Jerzy Skolimowski joue la carte de la suggestion et de la retenue. Son film parle sans déguisement de choses très crues mais ne verse jamais dans la vulgarité. C’est sans doute l’une des forces de son œuvre qui lui confère une justesse salvatrice dans l’émotion et une intelligence certaine dans sa construction.

Pour compenser, Skolimowski va apporter des touches de fantaisie à son récit pour façonner son identité. Mike est torturé à l’extrême par ses émois et multiplie les incursions dans le quotidien de Susan, la jeune femme d’apparence volage semble elle pourvue d’une psychée plus complexe. “Deep End” vaut avant tout le détour pour la qualité d’écriture de ses deux héros ordinaires.

Susan apparaît d’ailleurs en véritable muse du réalisateur qui enchaîne les plans restituant sa grâce naturelle. La jeune femme séduit, ensorcelle, s’imprime dans nos rétines et dans nos coeurs. Mais aussi réfléchi soit son caractère, on s’interroge sur son côté vénal. “Deep End” serait-il un film d’hommes qui s’adresse avant tout à un certain public masculin en égratignant un peu Susan? Le doute est permis mais laissons le bénéfice du doute au metteur en scène.

« Plouf »

Mike semble lui presque effacé, d’une timidité maladive, un ado face à son premier amour qui ne sait pas quoi faire de ses sentiments. C’est presque en réaction aux autres que le personnage se construit: avec bien peu de dialogues pour son protagoniste principal, Skolimowski aide à l’implication du spectateur. Nous aussi sommes impuissants face à nos écrans et on se sent proche de ce garçon réservé.

Une identification qui passe aussi par le travail de cadrage. Skolimowski adopte des plans très serrés sur Mike, affirme des mouvements hachés et bruts, caméra à l’épaule. Au diable la grandiloquence factice, “Deep End” se veut authentique et réaliste, du moins dans sa manière de filmer.

Le décor de “Deep End” n’a rien d’anodin: en se situant essentiellement dans les bains publics, Skolimowski s’appuie sur ce lieux où la pudeur n’a pas sa place. Un processus malin qui met à nue (sic) ses protagonistes. Mike et Susan ne peuvent pas se cacher physiquement et le cinéaste peut utiliser ce statu quo avec habilité.

Un environnement magnifié par un Londres des années 70 maintes fois arpenté au cinéma et pourtant toujours original. Les couleurs, les vêtements, les coiffures et la musique de Cat Stevens en fond sonore nous font voyager dans le temps pour une parenthèse savoureuse.

C’est une approche intelligente de l’adolescence que propose “Deep End”. Un film subtil et par instants fantaisiste qui séduit.

Nicolas Marquis

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