(After we collided)
2020
réalisé par: Roger Kumble
avec: Josephine Langford, Hero Fiennes Tiffin, Dylan Sprouse
L’attente était palpable. Après un premier épisode aussi aberrant que néfaste, vous étiez des milliers à souhaiter notre avis sur la suite des aventures de Tessa (Josephine Langford) et de son amourette dégoulinante de sentiments préfabriqués avec le ténébreux Hardin (Hero Fiennes Tiffin), nous interpellant dans la rue à grands coups de “Hey les Ref’, on veut notre dose de nanar!”. Dans ce deuxième épisode où on s’écarte du cadre de la fac pour voir les personnages évoluer dans le monde du travail, enfin quand ils bossent vraiment parce qu’à la vérité, ils batifolent plus qu’ils ne triment. Si on a traîné à nous pencher sur ce “After: chapitre 2”, c’est par gourmandise: les mauvais films nous remémorent pourquoi on apprécie les bons, ils nous remettent les pieds sur terre violemment et permettent d’évaluer à nouveau notre passion du septième art lorsqu’il est à son paroxysme. Autant vous le dire immédiatement, cette piqûre de rappel est d’une efficacité redoutable alors qu’on va plonger dans des bas fonds artistiques terrifiants de vacuité.
Premier constat: fini le flirt platonique de Tessa et Hardin, cette fois, nos héros sont bien décidés à consommer leur relation comme des lapins en rut, émaillant ce chef-d’œuvre du soft porn de sa petite scène osée toutes les 5 minutes. Alors rassurez vos enfants, on apercevra pas une paire de fesses de tout le film mais quand même, “After: chapitre 2” fera palpiter quelques petites culottes. Une évolution du ton qui va de paire avec un changement de réalisateur: “exit” Jenny Gage et “enter” Roger Kumble, l’homme qui se cachait derrière “Sexe Intentions” à la fin des années 90, une saga (n’ayons pas peur du ridicule) proche dans sa mission d’“After”, c’est à dire exciter les esprits les plus pudibonds.
Des scènes affriolantes qui vont trahir le premier signe d’un film qui répond à un besoin publicitaire plutôt qu’à une volonté artistique: le placement de produits. À titre personnel, les Réfracteurs ne font pas grand cas de cette pratique lorsqu’elle est discrète mais c’est ici fait avec un tel mépris pour la cohésion qu’on redoute à tout moment l’arrivée d’une fanfare qui annoncerait une page de réclames. “Victoria Secret” sur les culottes de Tessa passe encore, même si 3 scènes différentes pour placer la marque semble beaucoup, “Toyota” aussi malgré le manque de subtilité flagrant, mais on ne s’attendait pas à prendre en pleine gueule une réclame même pas déguisée pour “Kindle” au milieu du film. Les gros chèques ont dû tomber dans les poches des producteurs.
« Vas-y, raye la peinture gros dégeulasse! »
De l’argent qui aurait été sûrement mieux dépensé s’il avait été redistribué dans le développement du scénario car on attaque ici le gros morceau: “After: chapitre 2” n’est pas une oeuvre, c’est un produit marketing qui répond à un cahier des charges idiot sans essayer de développer quoi que ce soit. Preuve irréfutable, l’espèce de ton humoristique qu’adopte parfois le film, comme il est souvent coutume de faire ces dernières années. Non seulement le niveau de ces blagounettes ferait passer Tex pour un génie de la rigolade, mais elles viennent en plus consteller le film à tant de moments qu’elles annihilent complètement la tension dramatique déjà pas franchement folle.
Il existe dans “After: chapitre 2” deux longs-métrages distincts qui se parasitent mutuellement. D’un côté une romcom légère, de l’autre un drame amoureux certes complètement raté mais qui tente de susciter l’émotion. Comment peut-on, en tant que spectateur, s’émouvoir pour Hardin qui se réfugie dans l’alcool pour fuir ses problèmes alors que quelques secondes plus tôt, on est censé se bidonner devant Tessa légèrement éméchée? Il manque du liant dans “After: chapitre 2”, de la cohérence.
Mais si cet élément fait tellement défaut, c’est pour une raison simple: pendant presque 2h, le long-métrage ne raconte rien du tout, nada, niet, peau de balle. On se contente de subir complètement amorphe une espèce de jeu du chat et de la souris consternant de niaiserie, un “je t’aime, moi non plus” qui donne envie de s’ouvrir le crâne pour vérifier que notre cervelle n’est pas devenue de la bouillie. Alors si tu es jeune, plein d’illusions et que tu conçois l’amour comme le fait “After”, on va gentiment te faire part de notre expérience: un couple, ça n’est pas que des galipettes et des étreintes passionnées, c’est aussi aller acheter du smecta quand ton partenaire a la gastro, se faire chier à faire certaines corvées pour deux, tolérer de voir sa moitié se vautrer devant le basket à la télé en jogging pourri. Bienvenue dans la vie réelle!
Non content de pouvoir s’appuyer sur un script famélique, Roger Kumble va en profiter pour rendre l’ensemble encore plus minable dans sa réalisation bourrée de clichés. Le cinéaste (enfin vous nous avez compris…) se contente d’alterner des montages tantôt déprimants, tantôt joyeux sur fond de musique R’n’B mielleuse complètement insupportable qui ressuscite l’esprit poétique du groupe Tragédie. Entre ces séquences d’une facilité pathétique, Roger Kumble va montrer tout son talent pour ne pas diriger des acteurs. Il n’essaye même pas, au diable la justesse dans l’émotion, un minimum de prises pour un minimum de boulot, peu importe si on tape à côté du but, de toute façon l’ensemble est profondément merdique.
On ne saurait conclure sans vous annoncer une nouvelle joyeuse, euphorisante, qui nous a fait tutoyer la félicité céleste et qui a emballé nos petits cœurs de Réfracteurs fragiles: le film s’achève sur un cliffhanger ridicule qui annonce non pas une suite les amis, mais deux! Deux putains de chapitres à venir pour notre saga désormais favorite. Rien ne stoppe le nanar et rien n’entrave notre passion pour Tessa, Hardin et le mauvais goût.
Soyez exigeant avec ce qu’on vous sert. On peut être jeune, se chercher et pourtant demander de la qualité dans les films qu’on regarde. Vous valez mieux que “After: chapitre 2”, peu importe qui vous êtes!