(Train to Busan 2)
2020
réalisé par: Sang-ho Yeon
avec: Dong-Won Gang, Jung-hyun Lee, Re Lee
4 ans après avoir marqué les esprits avec son “Dernier train pour Busan”, Sang-Ho Yeon nous propose aujourd’hui une suite à son film de zombies (et au long-métrage d’animation “Seoulyeok”) avec “Peninsula”. Une façon de prolonger l’univers qu’il avait façonné avec brio, en y apportant un peu plus de fond. Dès les premières bandes-annonces, on avait senti une hype démesurée se dessiner et les attentes des spectateurs étaient élevées pour ce nouvel épisode. Tuons pour une fois le suspense dans l’oeuf: “Peninsula” ne transforme qu’à moitié l’essai et va souffrir de nombreux défauts.
Un point sur l’histoire pour commencer. 4 ans après les évènements du premier opus, cette suite nous propose de suivre Jung Seok (Dong-Won Gang), un militaire qui a perdu tragiquement sa soeur et son neveu dans l’explosion de la pandémie zombie et qui vit désormais à Hong-Kong avec son beau frère Chul-Min (Do-Yoon Kim) tandis que la péninsule coréenne est placée en quarantaine pour préserver le reste du monde. Stigmatisés par la population chinoise, nos deux héros vont accepter un boulot dangereux: retourner clandestinement en Corée pour mettre la main sur un camion rempli de dollars. Sur place, le plan va partir en vrille alors que Jung Seok et Chul-Min rencontrent les derniers habitants qui survivent tant bien que mal.
Fini donc l’exercice du huis-clos que proposait “Dernier train pour Busan” et qui apportait une certaine réflexion autour de la société moderne. Ici, le terrain de jeu est élargi à toute une ville, un peu comme “Une journée en enfer” l’avait fait pour la saga “Die Hard”. Dans l’absolu, pourquoi pas, d’autant plus que la plupart des oeuvres autour des mangeurs de chair utilisent souvent un espace restreint pour s’exprimer, comme les films du grand Romero. Malheureusement, dans “Peninsula”, cette volonté d’ouvrir le cadre s’accompagne de nombreuses incohérences et autres éléments bancals. L’amusement que procurait “Dernier train pour Busan” venait aussi de cette notion de danger extrêmement proche des protagonistes et “Peninsula” perd ce côté amusant à chaque temps mort. Au premier degré, le film est moins fun, tout simplement.
« Zombiplouf »
Pour utiliser une comparaison parlante, “Dernier train pour Busan” rappelait “La nuit des morts-vivants” en plus light, alors que cette suite se rapprocherait des plus moyens épisodes de “Walking Dead”. On descend clairement d’un cran en terme de qualité. Idem pour les scènes d’action, qui opposent bien plus souvent vivants entre eux que face aux zombies. Dans les scènes de courses poursuites motorisées nombreuses, on sent que Sang-Ho Yeon a apprécié “Mad Max: Fury Road” (comme nous) et cherche à s’en inspirer. Malheureusement, on est loin du talent de George Miller et cette filiation ne rend pas honneur à “Peninsula” qui souffre d’un cruel manque d’originalité.
Tout n’est pas à jeter pour autant et le cinéaste affirme certaines qualités. On pense notamment aux jeux de couleurs et de lumières qui offrent des incursions de teintes presque fluos au milieu d’un film plongé dans la pénombre. On a apprécié ce parti pris qui donne au film une identité visuelle qui lui est propre. Dommage que ces instants soient pénalisés par des effets spéciaux très moyens qui contrarient le plaisir de l’oeil. Sang-Ho Yeon aurait probablement dû viser moins haut en terme d’action pure et dure pour rester agréable.
Au moins, ces scènes pleine de tension appuient une autre qualité du film: “Peninsula” est un divertissement complètement décomplexé. Sang-Ho Yeon ne réussit pas tout ce qu’il entreprend mais avec beaucoup de malice, il s’amuse avec les éléments de son film comme un enfant qui jouerait aux petites voitures. Totalement assumé, cet aspect du film lui confère le statut de potentiel plaisir coupable, mais va tout de même rapidement mettre en évidence certaines limites.
On peut ainsi jeter presque totalement aux ordures le sous-texte social qui habitait “Dernier train pour Busan”. Le premier film, sans verser dans la grande philosophie, réussissait à opposer Corée traditionnelle et moderne pour mettre en évidence certaines injustices. Ici, rien de tout cela, à peine une petite critique de l’armée contredite par des élans d’héroïsme dissonant aux moments-clés. Fini les dilemmes moraux qui faisaient le sel du premier opus, Sang-Ho Yeon préfère proposer un divertissement qui passe pour un acte manqué.
L’effet de surprise qui avait permis au “Dernier train pour Busan” de séduire n’est forcément pas présent dans cette suite qui se contente d’un service minimum loin de combler les attentes sans doute trop élevées des spectateurs.