(Hva vil folk si)
2017
réalisé par: Iram Haq
avec: Maria Mozhdah, Adil Hussain, Ekavali Khanna
Parfois, la meilleure réponse à un bon gros raciste, c’est un petit film bien pensé. On se casse la tête à trouver des contre-arguments avec les gens les plus obtus alors qu’il est là, devant nous, le long-métrage qui ébranlera leurs sinistres convictions. Combien de fois a-t-on entendu des minables “rentrez chez vous”? Et bien aujourd’hui, “La mauvaise réputation” va tenter exactement de répondre à cet argument idiot pour démontrer avec brio tout le dilemme de ces enfants d’immigrés, peu acceptés dans leur pays et encore moins dans celui de leurs parents. Fermons quelques bouches.
C’est une histoire simple: celle de Nisha, une jeune adolescente de Norvège qui vit ses premiers émois comme la plupart des adolescents de son âge. Lorsque son père va le découvrir, il va rentrer dans une rage folle et expédier Nisha dans le premier vol vers le Pakistan pour qu’elle découvre la terrible éducation à laquelle sont contraintes les femmes d’Islamabad.
Même dans les instants les plus percutants, “La mauvaise éducation” est étonnant de sobriété. Nul besoin de faire étalage de violences physiques tant les souffrances psychologiques sont profondes. Lorsque l’histoire se fait sordide, le long-métrage reste sur sa ligne directrice: pas besoin d’assener, le film arrive naturellement à démonter ceux qui par pure inhumanité se désintéressent de ces familles déracinées. Nisha ne force pas la sympathie, elle la provoque logiquement.
Grâce à une très belle symétrie, “La mauvaise réputation” ne se contente pas de souligner les difficultés de vie à Islamabad, mais va aussi traduire un mal plus profond. Au Pakistan ou en Norvège, Nisha n’est chez elle nulle part. Même en ne l’opposant pas au racisme norvégien le plus ouvert, les conditions de vie de la jeune femme sont insoutenables. Parti pris de l’auteur sans aucun doute, et façon de procéder qui interpelle et appuie la thèse de l’oeuvre.
« C’est autre chose que le marché de Verdun »
Pour incarner l’héroïne, on découvre Maria Mozhdah. Pendant toute la pellicule, elle va tenir la dragée haute au monde d’hommes qui s’érige autour d’elle. Le courage, la haine, l’émotion…Tout se mêle dans sa performance qui en impose. Malgré son jeune âge, Maria Mozhdah semble avoir vécu mille vies et propose une performance efficace.
Le père de son personnage semble plus caricatural au premier abord. Mais il faut laisser le temps à l’oeuvre de raffiner son rôle. Comme un diamant qu’on taille, c’est au fur et à mesure que sa complexité apparaît. Celui qui est d’abord un tortionnaire va lui aussi se métamorphoser pour devenir plus humain dans ses excès. Faites-vous violence pour l’admettre au début du film, le jeu en vaut la chandelle.
Côté réalisation, on pense d’abord être tombé sur un film académique, et pourtant “La mauvaise réputation” va trouver un second souffle dès lors que l’histoire se déroule au Pakistan. Le long-métrage s’amuse des lignes et des couleurs dépaysantes d’Islamabad pour trouver une vraie consistance visuelle qui ravit.
Mais c’est surtout l’escalade scénaristique progressive que l’on retiendra. En partant d’un acte anodin auquel on donne une punition totalement disproportionnée, on démarre dans le même temps toute une série de réactions en chaîne toujours à-propos. Le cercle vicieux dont Nisha se retrouve prisonnière ne l’éduque pas, il la punit simplement et sévèrement sans jamais lui permettre de pouvoir envisager un avenir radieux.
C’est un vrai coup de pied dans la fourmilière que donne “La mauvaise réputation”. Une réponse intelligente à la pire bêtise humaine. C’est presque une preuve de la nécessité de l’écoute et de l’accueil de ceux ballotés entre deux cultures, et qui tentent de se créer leur propre identité.