2020
de: Sam Hargrave
avec: Chris Hemsworth, Rudhraksh Jaiswal, Shivam Vichare
À force, on se demande si Netflix n’est pas en train de griller toutes ses cartouches. En multipliant les grosses sorties récemment, sans doute pour profiter du confinement afin de doper son nombre d’abonnés (logique et efficace) et pour contrer l’arrivée des nouvelles plateformes de SVOD, on finit par se questionner: à quoi ressemblera la liste des nouveautés dans quelques mois, quand la firme aura épuisé son catalogue et que les tournages auront à peine repris. Mais pour l’instant on se concentre sur le présent, et sur “Tyler Rake”.
On va quand même devoir commencer par un avant-propos: si vous vous attendiez à un grand film au scénario fouillé, vous êtes un peu idiots. On le dit avec gentillesse, promis. Dès les débuts de com’ autour de “Tyler Rake” il apparaissait évident que le film serait un simple Actionner, lointain cousin de “Rambo” ou “Commando” et franchement rien d’autre, profitant de la fermeture des cinémas pour prendre la place de Blockbuster du moment. Critiquer l’œuvre en la comparant à du Truffaut, c’est limite malhonnête, comme estimer du Truffaut sur son côté surdose de testostérone le serait. On n’est pas en train de dire qu’on ne peut pas allier les deux mais simplement que “Tyler Rake” n’essaye même pas. Présenté en tant que tel, il faut le juger en l’état, d’autant plus que le long-métrage assume totalement son côté un peu con et s’affirme comme une vrai série B.
Son scénario, il est presque inexistant: un gosse se fait enlever en Inde, on appelle Tyler à la rescousse. Voilà! C’est tout, à quelques retournements de veste complètement débiles près. Le personnage principal n’est pas franchement plus fouillé, Chris Hemsworth campe le rôle d’un ex-soldat devenu mercenaire, affreusement cliché dès l’entame quand il plonge du haut d’une falaise pour méditer au fond de l’eau. Si avec ça vous n’avez pas compris la proposition du film un peu ras des pâquerettes psychologiquement mais assumée, on sait pas trop ce qu’il vous faut. Surtout quand le long-métrage s’enfonce les rares fois où il tente de creuser le personnage. Notez quand même que Les Réfracteurs ne sauraient dire si c’est lié à son jeu, ou au fait qu’il reste dans nos coeurs Thor, mais Chris Hemsworth assure le boulot.
« Prendre un enfant par la main… »
Très honnêtement, on est quand même resté circonspect dans le côté “méchants indiens” contre “gentils ricains”. En soi, des personnages caricaturaux pour un film d’action, on veut bien l’admettre, mais ici “Tyler Rake” va reprendre ce status quo un peu toxique qui régnait il y a quelques années avec d’autres pays (la Russie tout particulièrement) mais qui avait tendance à s’atténuer récemment, et on s’en serait franchement passé. Une caricature facile et de quoi se demander comment on percevrait le film si nous étions Indiens. Cet aspect, le long-métrage va tenter de le contrebalancer par moment, mais franchement à peine.
Alors sur quoi juge-t-on un film de ce type? Ben sur l’action justement les gars! Et sur ce point, “Tyler Rake” fait le taff. Les chorégraphies des affrontements sont nerveuses, explosives et suffisamment bourrines pour nous satisfaire. On n’évoque même pas le fameux “plan séquence” de plusieurs minutes dont tout le monde parle sur internet et qui est un peu de la frime facile. Non, c’est un ensemble général: des coups de poing bien placés, des mouvements de mitrailleuses bien secs, des K.O. bien assénés. C’est le cœur du film et c’est réussi.
On amène même une grammaire jusqu’alors généralement réservée au jeu-vidéo et qui s’adapte plutôt bien ici. Déjà le lieu du film, l’Inde, rappelle aux heures de gloire de “Uncharted 2”. D’ailleurs, comme certains l’ont pointé du doigt, Tyler Rake n’est qu’à une lettre près du nom de famille de Nathan Drake. Mais ce langage qu’on évoque, il est aussi dans la courbe de progression du film: des adversaires de plus en plus nombreux et balèzes jusqu’à être revêtus de combinaisons impénétrables, un arsenal de plus en plus explosif à là disposition de Tyler, et enfin des situations de plus en plus délicates. Cette façon d’aller vers un esprit “Toujours plus!” reprend les codes des œuvres vidéoludiques du genre avec une certaine maîtrise.
“Tyler Rake”, dans son histoire, est complètement débile. Bravo aux fins cinéphiles qui l’ont décelé, vous êtes des experts. Ne vous vexez pas, c’est dit avec une tendresse sincère. On est donc face à un actionner un peu con, mais qui le sait et qui l’assume. Probablement un film qui n’a que peu de valeur à revoir mais une expérience sympa sur le coup (de poing, haha!).