Vous le savez, Les Réfracteurs sont légèrement masochistes sur les bords. Voilà de longues journées que le confinement nous interdit tout déplacement inutile, et un sentiment carcéral commence à envahir plus de la moitié de l’humanité. Alors faisons-nous du mal dans la joie et la bonne humeur, avec 4 films qui se déroulent dans un même lieu. On évite volontairement le terme huis-clos dans cette introduction car on voit poindre le sourire narquois de petits tricheurs qui étaient prêts à dégainer un film avec quelques flashbacks (Reservoir Dogs fut mentionné dans notre concertation). Non ! Un seul lieu, du début à la fin, et pas d’entourloupe.
1. Douze hommes en colère (1957)
Que se passerait-il dans le secret des délibérations des jurys d’une affaire de meurtre si un seul parmi les douzes s’opposait à la condamnation?
On ne présente presque plus cet immense classique, qui avec une économie de moyens totale englobe un nombre de problématiques incalculable, allant de l’absurdité d’un système judiciaire qui repose sur de simples hommes jusqu’à la discrimination sociale. On ne sait même pas si on peut vous respecter tant que vous ne l’aurez pas vu.
2. My Dinner with Andre (1981)
Que se diraient deux amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps, s’ils se rendaient compte que le temps leur a imposé des visions contraires du monde?
Dans cette exportation américaine trop méconnue du cinéaste français Louis Malle, c’est avant tout l’art de la conversation qui fait mouche. Deux hommes, un restaurant, et point. Tout le reste se déroule à une échelle purement philosophique, où nos convictions les plus profondes sont ébranlées en même temps que celles des protagonistes.
Que raconterait un professeur d’université ne semblant pas prendre une ride à ses collègues lors de sa dernière soirée passée en leur compagnie ?
On a toujours plus de bienveillance envers les films indépendants à budget fortement réduit qui ont le mérite de compenser cette absence de moyens par une écriture impeccable. C’est le cas ici, puisque “The Man From Earth” a le toupet de démontrer que l’adage “show don’t tell” ne se vérifie pas toujours. Un récit sur les mythes: ceux qu’on nous raconte, ceux qu’on se raconte à nous-mêmes et pourquoi on s’y accroche tant.
Que répondrait à un coup de fil catastrophé un policier assigné à un centre d’appel d’urgence dans l’attente de son procès?
Le cinéma européen s’exporte très souvent par le genre et ce fut le cas pour “The Guilty”. Dans l’histoire du 7e art, le huis-clos a été vu et revu sous toutes ses coutures. Ici le pari, certainement pas novateur mais savamment exécuté, est de reporter toute la tension et l’action hors-champ, de l’autre côté de la ligne téléphonique. Ceci requiert un découpage des dialogues millimétré, ce qui est fait avec brio.
Voilà de quoi NE PAS vous évader grâce au cinéma et nous maudir sur plusieurs générations. Dans un esprit de souffrance réciproque, n’hésitez pas à nous donner vos favoris dans cet exercice de style singulier.
