1992
de: Hayao Miyazaki
avec: Shûichirô Moriyama, Tokiko Katô, Akemi Okamura
Qu’il est compliqué de tenir nos lardons studieux en ce moment. Ils errent sans but, la mine attristée lorsqu’ils regardent par la fenêtre, bridés dans leur envie de profiter des beaux jours revenus par le confinement obligatoire. Quoi de mieux dans ce contexte que de les initier au cinéma de Hayao Miyazaki, lui qui a fait de la nature et des éléments un fil rouge de sa filmographie. Confrontons donc notre complice Tsuyu à “Porco Rosso”, qui était pour l’anecdote le premier film Ghibli découvert par son Réfracteur de papa, et disponible depuis peu sur Netflix. De quoi donner un courant d’air frais salvateur à petits et grands, malgré l’interdiction de sortie.
« Porco Rosso” c’est le surnom d’un aviateur légendaire, héros de la première guerre mondiale, mais transformé en cochon humanoïde par un étrange sort. Dès lors, il survole la mer Méditerranée à bord de son hydravion, affrontant de terribles pirates de l’air, mais toujours de la manière la plus pacifique possible.
Premier constat, Tsuyu s’est dite émerveillée par les cabrioles aériennes de “Porco Rosso”. Le maître Miyazaki a passé son immense carrière à tenter de représenter le vent, pourtant invisible, et le film qui nous intéresse aujourd’hui est l’une de ses oeuvres les plus abouties dans ce domaine. Un avion qui amorce un looping, et c’est presque un courant d’air décoiffant que nous avons tous deux ressenti. Autre point commun émotionnel entre nos deux générations pourtant assez éloignées: la musique de Joe Hisaishi est toujours enchanteresse. N’ayons pas peur des mots, et affirmons-le haut et fort, il est tout simplement l’un des plus grands compositeurs de musiques de films. Lui qui a accompagné la carrière de Miyazaki signe une bande-son en total accord avec le dessin animé.
Tsuyu a également réussi à se prendre d’affection pour les personnages du film: d’abord pour Porco Rosso, malgré sa nonchalance et sa clope au bec. “Cool”, c’est le mot qu’elle a utilisé pour le décrire et même en se creusant la tête on ne saurait mieux trouver. Cet anti-héros fonctionne à tout âge. Mais sans surprise (Tsuyu étant une petite fille), c’est la complice de Porco Rosso qui a eu les faveurs de notre jeune Réfractrice. Cette petite fille appliquée et débrouillarde, qui aide le héros à réparer son hydravion, elle a su s’y identifier immédiatement.
À notre grande surprise, Tsuyu a aussi parfaitement pu placer chronologiquement le film dans l’entre-deux guerres. Une observation capitale pour comprendre le message du long-métrage. Il nous aura simplement suffit de légères touches de pédagogie pour l’amener à réfléchir au spectre de la guerre qui plane sur “Porco Rosso”. Ainsi, elle a pu comprendre pourquoi il n’y a que des femmes et des enfants qui répare l’avion de notre héros, les hommes étant occupés à préparer la guerre imminente. Ce travail des femmes de tous âges, elle l’a assimilé avec un recul déconcertant.
« Patron! Un Ricard ! »
Conséquence directe, le message pacifiste qui est au coeur du film, Tsuyu l’a intégré. “Porco Rosso” est le symbole d’un homme las des guerres incessantes et qui ne désire plus qu’une chose: simplement voler pour tutoyer les cieux, mais nullement pour livrer bataille. un point essentiel pour comprendre la fin du film, mais aussi une passion pour l’aviation qui est omniprésente dans la filmographie de Miyazaki.
Tsuyu a donc assimilé l’essentiel du film mais malheureusement, du haut de ses 7 ans, elle semble être passée à côté de nombreux symboles. Tout le côté désabusé et mélancolique de “Porco Rosso” semble l’avoir laissé de marbre, au point de parler d’ennui pendant les scènes les plus contemplatives. Une tendance à rester au premier niveau de visionnage, celui de l’aventure, et à ne pas s’encombrer la tête des nombreuses métaphores amenées par le long-métrage.
Ainsi, l’aspect porcin du héros, Tsuyu s’est contentée de l’accepter sans vraiment l’interpréter. Idem pour l’avion de “Porco Rosso”, composé essentiellement de bois: cette réflexion sur la nature et la technologie, elle ne l’a pas perçue. Enfin à notre plus grand regret: il y a une scène du film (que l’on désignera simplement par “mer de nuages” pour ne pas vous spoiler) qui selon nous, adultes cinéphiles, est l’une des plus belles séquences de Hayao Miyazaki, tous films confondus. Une poésie et un onirisme qui donne la chair de poule (et auxquels le maître japonais fera souvent écho dans ses films suivants), mais que Tsuyu a rapidement rangé dans les moments ennuyeux.
La note de Tsuyu:
7 ans, c’est peut-être un peu tôt pour percevoir toute la symbolique de “Porco Rosso”. Mais dans le même temps, les quelques bribes métaphoriques qu’a su percevoir Tsuyu seront utiles à son développement, et l’aventure offerte par le film n’a pas d’âge. Concluons enfin en précisant que pour la toute première fois, notre jeune complice a exprimé le souhait de revoir l’oeuvre dans quelques années, quand son bagage culturel se sera étoffé.