2022
Réalisé par: Patrice Leconte
avec : Gérard Depardieu, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Clara Antoons
Film fourni par M6 vidéo
En 1950, Le commissaire Maigret et son équipe découvrent le corps d’une jeune fille inconnue. Le seul indice dont le policier dispose pour découvrir son nom et son histoire, c’est la robe de soirée qu’elle porte. Patrice Leconte nous propose de revisiter l’un des enquêteurs le plus connu de notre pays: Jules Maigret. Né en 1931 sous la plume de George Simenon, ce commissaire d’origine populaire sut rapidement conquérir le cœur des lecteurs mais aussi des spectateurs. Il fut adapté pour la première fois en 1932 par Jean Renoir et une de ses incarnations les plus célèbres est celle de Jean Gabin à la fin des années 50. Par la suite, c’est sur les écrans de télé que le policier finit de construire sa légende avec les séries de 67 et 91 mettant en scène respectivement Jean Richard et Bruno Cremer. Les livres furent même adaptés en série à travers l’Europe, comme dernièrement la série avec Rowan Atkinson dans le rôle-titre. Avec ce nouveau projet, Patrice Leconte veut nous proposer une nouvelle vision de ce personnage. A t-il réussi son adaptation ?
Le fantôme du Dahlia noir.
Patrice Leconte place le spectateur dans une ambiance sombre et mélancolique, parfois même il nous donne l’impression d’être perdu comme lorsque l’on sort d’un cauchemar et que l’on se demande si nous sommes réveillés ou non. Il y a du brouillard, la lumière est grise. Dans ce décor ressort un corps frêle, vêtu d’une robe de soirée crème, les cheveux noirs. Qui est notre victime ? Pourquoi hante-t-elle le commissaire et le spectateur ? Dans cette vision nous ne pouvons que penser à une célèbre victime qui demeure de nos jours encore un mystère ainsi qu’une fascination : Le Dahlia Noir. Comme cette figure mythique, la victime sur laquelle enquête Maigret est une jeune femme naïve qui débarque à Paris pour échapper à son passé et réaliser son rêve. Ce reflet de l’histoire d’Hollywood et du crime permet au metteur en scène de jouer avec le miroir de la réalité. Sous le côté idéal de la capitale se cachent des rues étroites et sinueuses, des immeubles sales et labyrinthiques, ce Paris de carte postale apparaît devant nos yeux comme un décor de cinéma. Il en va de même lorsque ce milieu est abordé.
Les acteurs sont montrés comme portant un masque dès qu’ils sont sous les projecteurs pour finalement se révéler être toxique en privé. Ils ne pensent qu’à leur rang social et le pouvoir qu’ils peuvent exercer sur les autres allant jusqu’à de graves extrémités. Cette manipulation de la réalité est une bonne idée surtout opposée au travail de la police. Maigret apparaît comme d’une autre époque ,plus soucieuse des victimes, comparée à des flics modernes qui semblent davantage intéressés par leur paraître. Une scène illustre bien ce propos. Le commissaire parle avec un vieil homme qui a perdu sa fille. Complètement désemparé, il apprend à l’enquêteur que les policiers ont été insensibles à sa peine, alors que Maigret devant lui est en totale empathie. L’illusion sert également comme outil pour hanter les protagonistes. La victime semble errer durant tout le film, nous rappelant sans cesse que la justice doit être rendue. Cette idée est plutôt pertinente et apporte une certaine élégance au film, dommage que Patrice Leconte ne l’ai pas plus exploitée, surtout qu’elle fonctionne bien avec l’atmosphère mélancolique du film.
La mélancolie de Maigret
Cette adaptation du héros de Simenon est profondément marquée par une grande tristesse. Le film commence par nous montrer la victime enfermée dans le cadre comme un petit animal triste. Elle essaye de se cacher mais la caméra ,toujours en mouvement, la traque. On sent la peur et surtout sa souffrance. Nous passons ensuite sur Maigret qui subit un contrôle médical. Lui aussi nous apparaît comme écrasé par ce qui l’entoure. Il est apathique et lui aussi est poursuivi par la caméra. On a vraiment l’impression pendant tout le film que Leconte place le spectateur comme une entité extérieure qui espionne et étudie les protagonistes. Ce parti pris permet de nous placer au plus près des sentiments tout en apportant de la modernité au récit. Par contre, celui-ci apporte également de la lourdeur au rythme et donne parfois la sensation de découdre le récit.
Mettre en parallèle la tristesse de la victime à celle de Maigret est encore une fois un choix intéressant. Au fur et à mesure du film, on comprend que cette enquête est en fait celle de Maigret pour comprendre son état et surtout comprendre pourquoi il a l’impression de disparaître un peu plus chaque jour. Le personnage est en pleine dépression, plus rien ne semble lui plaire, il perd même ses artifices, comme la pipe. Voir de jeunes femmes possiblement vivre ce qu’il ressent le touche, il a envie de comprendre ce qui les poussent à faire des choix désespérés, comme pour comprendre peut-être ses propres sombres pensées.
Le film n’est pas qu’une simple recherche de vérité et de justice , il est une recherche de soi-même pour le policier. On en a l’illustration dans sa relation avec une jeune femme qu’il rencontre par hasard. Il discute au départ avec elle pour essayer de comprendre la victime mais rapidement nous sentons un lien qui se noue entre les deux et surtout l ‘impression que Maigret retrouve à travers cette fille quelque chose de perdu. Malheureusement cette nouvelle bonne idée n’est pas assez exploitée au profit de scènes montrant Maigret seul et déprimé comme si Leconte avait peur que le public ne comprenne pas l’état d’esprit de son personnage principal. Ces scènes stoppent le récit et sont plutôt lourdes alors que le film comporte de très bonnes idées. Gérard Depardieu n’aide pas non plus, son jeu est monotone, on a du mal à percevoir le cheminement de ses pensées et il ne fait jamais oublié les précédentes interprétations de ce héros. Le film se finit avec d’un côté le fantôme de la victime qui obtient justice et Maigret qui s’évapore sous nos yeux comme la mort d’une légende ou le symbole de ce vieux Paris qui n’a plus sa place.
Patrice Leconte nous propose sa lecture du héros inventé par Simenon. Si le film est bourré de bonnes idées et d’une certaine élégance, cette ambiance mélancolique vide le spectateur et le fait sortir d’une enquête qui aurait pu être aussi fascinante que celle dont elle s’inspire. Le film reste tout de même plaisant à regarder et une adaptation plutôt réussie.
Maigret est disponible en DVD, Blu-ray et VOD le 23 juin chez M6 vidéo:
Si vous voulez en apprendre plus sur le personnage et son auteur vous pourrez retrouver en bonus :
- Enquête sur Maigret
- Promenade Simenon à Liège.