1992
réalisé par: Quentin Tarantino
avec: Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen
Chaque samedi, Les Réfracteurs laissent le choix du film au sympathique générateur de conseils culturels “tastr.us”, en prenant la première recommandation proposée, sans limite d’époque. Cette semaine, Tastr a sélectionné pour nous “Reservoir Dogs” de Quentin Tarantino.
Il y a des films qui sont indissociables de leur musique. On imagine pas “Star Wars”, “La La Land”, “Le bon, la brute et le truand” sur d’autres airs que ceux offerts par leur bande son. Bien souvent, c’est même un facteur important lorsqu’on pose le label “culte” sur une oeuvre, comme aujourd’hui avec “Reservoir Dogs” et donc son génial assemblage sonore de chansons des 70’s. Oracle vous racontait d’ailleurs dans son article sur la musique de “Été 85” comment les Réfracteurs peuvent être réceptifs à la musique. Elle revêt une telle importance dans “Reservoir Dogs” et dicte si vivement le rythme du film de Quentin Tarantino qu’il nous a semblé important de commencer par là. Allez, on se penche sur le long métrage avec amour.
L’histoire d’un casse qui tourne mal: une bande de braqueurs, tous en costard-cravate et utilisant des pseudonymes qui évoquent les couleurs (M. White, M. Orange, M.Pink…), se retrouvent dans un entrepôt désaffecté après qu’ils aient réussi à échapper à la police à coups de revolver. Le film, ce sont les échanges entre ces malfrats, alors qu’on comprend rapidement que l’un d’eux est un traître. Mais qui?
La structure narrative interpelle déjà: “Reservoir Dogs” est presque théâtral. En affirmant une certaine unité de temps, de ton et de lieux, c’est une tragédie qui prend place. Quelques flashbacks minimes ponctuent l’oeuvre mais cet entrepôt glauque revient sans cesse. La seule véritable entorse à cette volonté sera l’ultime portion du film, pour lever le voile.
Un scénario réglé au millimètre, qui affirme sa musicalité également dans les dialogues et leurs punchlines géniales. L’oeuvre de Tarantino est un pur polar, à la fois moderne et respectueux de ses aînés. Déjà un style qui s’affirme derrière la caméra, un jeu de référence entre les cinéphiles et le cinéaste.
Musicalité toujours d’ailleurs dans la réalisation: Tarantino ponctue son récit, le relance, impose une ellipse scénaristique, puis un bref flashback pour revenir à l’entrepôt. “Reservoir Dogs” agresse et on aime en être la victime. Certes, le film est relativement court, mais impossible de décrocher son regard de l’écran pendant l’intégralité de la séance, l’histoire emporte tout sur son passage avec perte et fracas.
« Même les screenshots sont cultes… »
On distingue d’ailleurs un alliage parfait entre les plans fluides et agressifs de Tarantino et le montage de Sally Menke. “Reservoir Dogs” sent l’amour du cinéma bien fait, sans être académique. Un duo incroyable qui collaborera jusqu’à la tragique mort de Sally Menke en 2010, après “Inglorious Basterds”: le cinéma de Tarantino ne sera plus jamais le même.
« Reservoir Dogs” c’est aussi une performance d’acteurs collective, chacun au sommet de leur forme. Dans une période où Harvey Keitel remet sa carrière en perspective, il donne la réplique à Steve Buscemi, Michael Madsen, ou encore Tim Roth. Chacun habillé du même costume, pensé comme un uniforme, “à la Melville” selon les propres propos de Tarantino. Rien que par la parole, le film tient debout et devient même haletant.
Dans les joutes verbales, M. White (Harvey Keitel) apparaît comme un compas moral. Une espèce de niveau zéro de la folie, un personnage aux codes de l’honneur imperturbable. C’est lui qui va servir de mètre étalon pour jauger le caractère des autres bandits. M. Pink est un trouillard, M. Blonde un sadique, “Nice Guy Eddie” ne pense qu’au butin alors White reste lui droit dans ses bottes: elle est là la réunion de “chiens” qu’évoque le titre.
“Reservoir Dogs” est un film culte pour tout un tas de raisons, mais il est aussi un superbe trait d’union entre cinéma d’élite et films tout public. Une réussite qui marquera les esprits à jamais.
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