Le défi du champion

(Il campione)

2019

réalisé par: Leonardo D’Agostini

avec: Stefano AccorsiAndrea CarpenzanoMassimo Popolizio

Une fois de temps en temps, ça fait du bien de se plonger dans une recette cinématographique connue qui nous procure un certain plaisir. C’est ce qu’on appelle ici les “films charentaises”: des longs-métrages sympathiques et humbles qui ne réinventent pas la roue mais qui nous propose une formule classique autant que maîtrisée. “Le défi du champion” c’est un peu ça, un “buddy-movie” qui n’entend pas bouleverser le 7ème art et pourtant généreux dans ses sentiments. Petite chronique d’un visionnage agréable autour d’une oeuvre légère et plutôt attachante.

On voyage en Italie où le joueur de l’AS Roma Christian Ferro (Andrea Carpenzano) est aussi réputé pour son talent de footballeur que pour ses frasques extrasportives. Pour le cadrer et tenter de le faire mûrir, le président du club va embaucher un professeur particulier (Stefano Accorsi) et imposer au sportif des résultats scolaires exemplaires s’il veut rester titulaire. Le lien est complexe à tisser entre l’enseignant et son élève, l’emploi du temps de Christian étant relativement surchargé par ses diverses obligations et ses moments de calmes parasités par ses amis, mais au fur et à mesure, une relation forte va unir les deux hommes.

Si le ton du “Défi du champion” se veut relativement léger, le film n’a rien d’une comédie qui inviterait à un rire gras et un peu lourd. On navigue ici plutôt entre sourires complices et moments d’émotion un peu faciles mais efficaces. Le long-métrage s’inscrit dans une certaine tradition du cinéma italien qui mélange les sentiments, nous faisant passer d’un extrême à l’autre. Entendons-nous bien, “Le défi du champion” n’est pas un chef-d’oeuvre mais il a le bon goût de ne jamais tomber dans des élans un peu beaufs qui l’aurait complètement plombé.

Tant mieux car dans le fond, le récit que nous propose le cinéaste Leonardo D’Agostini reste assez balisé. Pas vraiment de surprise dans son film mais plutôt un chemin connu qu’on arpente à nouveau. C’est un peu dommage, le cadre de son histoire aurait pu se prêter à un peu plus de profondeur, quitte à accentuer l’aspect dramatique, mais non: le réalisateur préfère se réfugier dans une forme de facilité scénaristique qui déçoit très légèrement.

Mais aussi classique soit sa partition, Leonardo D’Agostini la joue plutôt bien. On comprend assez rapidement ce qui sépare les deux protagonistes principaux et ce qui va les réunir. Les héros du film se nourrissent mutuellement et leur lien proche d’une relation filial, mais avec retenue, est facilement admissible. Déjà vu? Peut-être, oui, mais efficace tout de même.

« Passe d’abord ton bac! »

D’ailleurs, “Le défi du champion” a la bonne idée de ne pas résoudre tous les dilemmes qu’il étale et ce choix va s’avérer judicieux. Les destins de Stefano et de son professeur ne sont pas simples et ce n’est pas un coup de baguette magique cinématographique qui aurait apporté de la cohérence. Si les deux personnages évoluent, s’élèvent même, ils n’en restent pas moins en proie à certains de leurs démons d’un bout à l’autre du film. Devenir meilleur et grandir mais sans non plus être parfait est le credo du “défi du champion”.

On est resté un peu perplexe toutefois devant la vision un peu idéalisée du monde du football que propose le long-métrage. Tourné en partenariat avec l’AS Roma, on sent bien que le film fait des concessions à la vraisemblance. On imagine assez mal le président d’un grand club européen se passer d’un prodige sous prétexte qu’il aurait de mauvais résultats scolaires et un sale caractère: l’Histoire a souvent prouvé le contraire. De la même manière, on passe relativement outre les exigences de résultat qui poussent régulièrement dans la vraie vie les jeunes footballeurs à des excès parfois dangereux. “Le défi du champion” embellit un peu trop une réalité souvent dure.

Un peu en demi-teinte est également notre avis sur le duo d’acteur. On a aimé Stefano Accorsi en professeur dévoué et en homme brisé par le destin, on s’est attaché à lui et à son parcours tortueux. On est par contre beaucoup plus réservé sur la performance d’Andrea Carpenzano qui nous la joue un peu trop benêt. Alors que le film installe de l’émotion, son visage relativement froid et fermé semble incongru, presque déplacé.

Cela n’empêche pas Leonardo D’Agostini d’avancer quelques bonnes idées de réalisation. Son cadrage et la composition de ses plans par exemple: on est clairement pas dans un film d’auteur, mais parfois le cinéaste s’épanouit bien dans son décor, tout particulièrement dans les environnements un peu luxueux. Si le film est convenu, D’Agostini ne se réfugie pas perpétuellement pour autant dans la facilité.

Mais c’est tout particulièrement son montage pêchu qui interpelle. C’est une composante essentielle dans un “Buddy-Movie”: le long-métrage doit nous prendre par la main et nous promener sur un rythme soutenu pour qu’on admette plus facilement les relations qu’il installe. Cela, “Le défi du champion” y parvient plus qu’honorablement et D’Agostini se pose en maître du temps avec un panache certain.

Le défi du champion” ne va pas bouleverser les dogmes du septième art, on pourrait même lui reprocher ses facilités. Mais parfois, c’est agréable de se laisser entraîner dans une formule connue et goûter le film comme on savoure une friandise.

Nicolas Marquis

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