(La vita è bella)
1997
réalisé par: Roberto Benigni
avec: Roberto Benigni, Nicoletta Braschi, Giorgio Cantarini
À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le samedi 17 octobre 2020 à 14h
Toujours dans notre démarche d’exhaustivité, on continue de dérouler la programmation de notre festival local du film historique “Vision d’Histoire” qui prend place dans notre petite ville de Verdun. Comme on l’a déjà évoqué, la programmation ne s’adresse pas qu’aux adultes mais tend aussi vers un public d’enfants et d’adolescents. C’est une madeleine de Proust que nous propose les organisateurs avec “La vie est belle” de Roberto Benigni: vos Réfracteurs ont grandi avec ce film hors du commun qui se rit de l’atroce pour embrasser une forme de folie et de poésie totalement séduisante. Une oeuvre qui fut un pont pour nous afin d’assimiler les pires horreurs de l’Histoire et à l’heure où nous sommes devenus nous aussi parents, c’est un regard nouveau qu’on pose sur le chef-d’œuvre du cinéaste italien.
Guido (Roberto Benigni himself) est un citoyen italien de confession juive. En pleine explosion du fascisme, il va s’éprendre de la belle Dora (Nicoletta Braschi). Après une phase de séduction rendue complexe par le climat totalitaire ambiant, ils vont donner naissance à Giosué (Giorgio Cantarini). Mais l’atroce va se produire et la famille va être déportée dans un camp de concentration. Pour protéger son enfant et pour lui épargner les plus mortifères événements de cette horrible prison, Guido va inventer toute une histoire pour son fils, lui faisant croire que le camp est en fait un terrain de jeu géant.
On ne peut évoquer “La vie est belle” sans entamer notre critique par un vibrant hommage à Benigni. Quel fantastique clown, le plus grand de sa génération, un acteur et cinéaste qui invite perpétuellement à transcender le cadre de son histoire pour nous affubler d’un sourire empreint d’émotion. Un véritable art pour souffler le chaud et le froid que seul un génie tel que lui pouvait imposer.
Car “La vie est belle”, malgré son sujet effroyablement délicat, n’est jamais de mauvais goût, bien au contraire. C’est dans l’ADN du cinéma, du “Dictateur” à “Jojo Rabbit”, de tenter de tourner en dérision les atrocités du siècle dernier et c’est dans cette lignée que se place Benigni. Les éclats de rire ne sont jamais coupables mais sont plutôt des perches tendues vers une réflexion supérieure: comment en est-on arrivé là? Voilà peut-être ce que délimite le mieux l’oeuvre en passant pourtant par les gags. Un véritable tour de force orchestré de main de maître.
« Du père au fils. »
C’est donc principalement le script qui bénéficie du talent de l’italien. S’inspirant des tristes événements qui ont frappé sa propre famille, Benigni propose une oeuvre fourmillant de préparations intelligentes qui prennent leur sens tout au long du film. Un inconnu qui réclame chaque jour la clé de sa maison à sa femme, Benigni va l’utiliser pour séduire Dora; le cheval de son oncle peint pour marquer l’antisémitisme de l’époque, le clown italien va le monter pour enlever sa belle; la passion de son fils pour les chars, le cinéaste va s’en servir pour faire miroiter un “gros lot” à son fils alors que les prisonniers s’affairent dans une morne fonderie. Chaque détail est transcendé par un art de la poésie fabuleux.
En première partie, dans la phase de séduction de Guido envers Dora, c’est l’onirisme qui prime. Même si le fascisme est partout autour du héros, Benigni s’en moque et c’est une histoire d’amour intelligemment construite qui prévaut. “La vie est belle” n’usurpe pas son nom et cette attirance est sublimée par les effets de manche de l’acteur. Chaque détail devient significatif dans cette logique sentimentale alors que le cinéaste tourne en ridicule un régime politique affreux. Rire de l’infâme est un véritable credo du film.
Puis en seconde moitié du film, alors que la famille rejoint le camp de concentration, va s’imposer une tension et un suspense au couperet horrifiant. Le combat de ce père pour épargner à son fils les pires saloperies du siècle dernier devient émouvant à l’extrême, sans oublier de faire parfois rire pour autant. Là où plus jeunes, on se plaçait volontiers dans la peau de Giosué, en vieillissant on s’identifie bien plus à Guido et c’est aux tripes que nous attrape la pellicule avec une maestria parfaite.
Une science du rythme parfaite qui ne cesse de décocher ses flèches aux instants clés. Pas une seconde d’ennui dans ce chef-d’œuvre cinématographique mais plutôt une escalade de stress pourtant fondé sur des ressorts humoristiques. On ne s’en veut jamais de rire mais on perçoit pourtant toute l’horreur qui pointe derrière les moqueries.
Pour aider à la narration, Benigni est épaulé par un thème musical de Nicola Piovani, qui lui aussi oscille entre doux accords mélodieux pour appuyer la romance, et sons plus graves pour retranscrire l’infamie. Plus qu’une musique, c’est une intonation que donne le compositeur au récit et sa dynamique avec la mise en images est quasiment parfaite.
“La vie est belle” est un film qui aura fait grandir toute une génération jusqu’à se nicher dans une place particulière du cœur de chacun. Aujourd’hui, avec un peu de pédagogie, à nous de transmettre à nos enfants ce mélange des sentiments pour qu’eux aussi élèvent leur conscience.