2020
réalisé par: Harry Bradbeer
avec: Millie Bobby Brown, Henry Cavill, Sam Claflin
C’est le confluent de deux mouvances. D’un côté, on a une tradition du roman policier destiné aux jeunes filles. On pense par exemple à l’intemporelle “Fantômette” ou encore à “Nancy Drew”. L’occasion pour nous de clamer d’ailleurs que malgré le ciblage du marketing, il n’est plus du tout rédhibitoire d’être un garçon pour se pencher sur cette littérature, tout comme nous n’interdirions pas à notre Tsuyu d’aimer Spider-Man: les moeurs évoluent et tant mieux. D’un autre côté, on a un personnage légendaire, Sherlock Holmes, perpétuellement remis au goût du jour sous forme de films ou de séries. Un héros éternel qui alimente encore le monde culturel très régulièrement. Ces deux courants vont se réunir pour nous offrir aujourd’hui un film signé Netflix: “Enola Holmes”
L’histoire de la petite soeur (Millie Bobby Brown) du célèbre détective qui vit recluse chez elle en compagnie de sa mère (Helena Bonham Carter) qui l’entraîne sans cesse aux disciplines aussi physiques qu’intellectuelles. Lorsqu’un jour Elona retrouve la maison vide, elle va se lancer à la recherche de sa mère, suivie de près par Sherlock (Henry Cavill) et son autre frère Mycroft (Sam Claflin).
Une intrigue très simpliste sur laquelle va venir se greffer l’histoire d’un autre fugueur, le noble Tewkesbury (Louis Partridge), qui fuit lui l’ambiance anxiogène de sa riche demeure. Malgré ce double fil narratif, il faut immédiatement mettre les pieds dans le plat et évoquer ce qui sera le plus gros souci du film: un scénario peu travaillé. On ne fait pas le procès de l’ennui à “Enola Holmes” mais dans un genre où le rebondissement est capital, on constate qu’ici ils sont simplistes ou alors un peu idiots. Le long-métrage donne en fait l’impression d’amorcer des intrigues et de les faire traîner en longueur avant de les conclure avec paresse. La montagne accouche d’une souris.
Heureusement, pour donner un peu de rythme à cette histoire, la réalisation avance quelques bonnes idées: le montage est par exemple relativement passable. On peut également penser aux inserts animés qui sont sympathiques, même si “Enola Holmes” va s’en détacher au fur et à mesure. Des tentatives d’élans artistiques qui auraient sûrement mérités d’être plus creusés.
« Même comme ça elle rate sa cible. »
Car à l’évidence, “Enola Holmes” applique des formules trop souvent utilisées et se voit privé de toute âme propre. Son rendu final est lisse, sans aucune aspérité, vite digéré et vite oublié. Il n’y a rien de plus triste selon nous, en cinéma, qu’un film qui ne fait que répondre à son cahier des charges de manière minimale. C’est tout particulièrement parlant lorsqu’Enola brise le quatrième mur pour apostropher directement le spectateur. Trop vu ailleurs, et souvent mieux utilisé, ces séquences ne font que cacher la misère d’un scénario un peu chiche.
Pourtant, du fond, il y avait moyen d’en trouver. “Enola Holmes” est un récit d’émancipation, la fuite d’une jeune femme qui refuse de se plier aux conventions d’une société patriarcale. Même à notre époque, ce thème est encore malheureusement pertinent et l’intention du long-métrage est la bonne: inviter son jeune public à se rebeller face aux injustices.
Encore aurait-il fallu tenir cette ligne de conduite jusqu’au bout. Avec effarement, on constate que dans plusieurs impasses imposées par le scénario, c’est un homme qui vient à la rescousse d’Enola, alors que la jeune débrouillarde aurait parfaitement pu s’en sortir seule. Pourquoi renier le message premier de l’oeuvre? Quel intérêt? Quel propos renvoie-t-on au jeune public? Des questions rhétoriques dont les réponses nous font frémir.
Un problème qui va se coupler avec un autre écueil majeur: “Enola Holmes” ne sait tout simplement pas à qui il s’adresse. La jeunesse? On est pas bien sûr que le droit de vote des femmes anglaises aux 19ème siècle parle aux enfants, même pour nous qui utilisons régulièrement les films comme outil pédagogique dans nos “Kids Corner”. Une audience plus adulte? Dans ce cas, si on juge le film en tant que tel, on ne peut lui pardonner ses élans légèrement niais et naïfs.
Une problématique dont n’arrivera pas à se défaire un casting pourtant excellent. L’énumérer serait rébarbatif, mais un simple coup d’œil à la page IMDB du film vous fera constater qu’à ce niveau, “Enola Holmes” avait tout pour plaire et que ses principaux problèmes sont nés derrière la caméra.
Une simplicité déconcertante, un manque d’originalité voyant et un ciblage raté font payer le prix fort à “Enola Holmes”, qui ne saurait séduire ni jeunesse ni vieux croûtons comme nous.