Enfermés dehors

2006

réalisé par: Albert Dupontel

avec: Albert DupontelClaude PerronNicolas Marié

Alors que la sortie de son dernier film “Adieu les cons” est encore récente (avant que le confinement ne condamne les cinémas à fermer), le nom d’Albert Dupontel revient sur le devant de la scène. Après un passage remarqué avec l’adaptation cinématographique d’”Au revoir là-haut”, le cinéaste entend renouer avec son style caustique et acerbe qui a fait sa renommée. Les Réfracteurs décident à cette occasion de combler leurs lacunes, et sur les précieux conseils de nos camarades de CinéMaccro, on se penche aujourd’hui sur l’un des premiers films du réalisateur: “Enfermés dehors”.

L’histoire de Roland (Albert Dupontel), un SDF complètement allumé qui va par un improbable concours de circonstances trouver un uniforme de policier et en assumer l’identité. Au cours de ses périgrinations, il va s’émouvoir pour Marie (Claude Perron), une mère célibataire séparée de son enfant par son odieuse belle-famille. Roland va tout tenter, et surtout le plus grotesque, pour réunir Marie et sa fille.

Toute l’idée motrice du film va tenir dans un mariage de genres humoristiques savoureux: d’un coté, on retrouve le style noir et foncièrement méchant de Dupontel, dans la manière dont il assemble les idées de son scénario. D’un autre, c’est un aspect presque cartoonesque que prend le long-métrage. Si le fond a un parfum de délicieux scandale, il est compliqué de ne pas rire devant les contorsions, courses-poursuites et chutes vertigineuses d’un personnage proche de ceux de Tex Avery dans la forme.

Dans cet esprit étrange, Albert Dupontel s’affirme comme un clown effroyablement drôle. Complètement azimuté, habité par son rôle et soucieux de livrer une prestation détonante, l’acteur donne tout pour ce personnage qui ne pouvait sortir que de l’imagination d’un auteur aussi barjot. Le comédien livre son corps et le fait souffrir autant qu’il réussit à émouvoir à quelques moments.

« Quand tu essaye de capter la télé. »

On pourrait presque rapprocher ce rôle de celui d’un preux chevalier cradot et un peu idiot. “Enfermés dehors” prend régulièrement des airs de conte de fées sorti du caniveau. Une belle-famille tyrannique, une princesse à séduire, un puissant à combattre… On retrouve tous ces éléments mais déformés, appliqués à une société décadente.

Car le film ne se contente pas de l’humour et va venir chatouiller une critique plus profonde de notre monde. Police, grands groupes, hôpitaux et on en passe et des meilleurs: le long-métrage n’est pas que drôle et assume une certaine profondeur dans son propos pour qui veut la saisir. “Enfermés dehors” est un miroir dégueulasse de notre pays qui ne vaut peut-être pas beaucoup mieux que la caricature osée de Dupontel. Il y a quelque chose de presque anarchiste dans l’oeuvre, l’idée que l’échelle sociale est défaillante à tous les niveaux.

Pour accompagner le comédien, on retrouve une bonne partie de ceux qui faisait “l’esprit Canal” de l’époque. En plus de voir régulièrement le bâtiment qui était le siège de la chaîne de télé à l’époque, on retrouve avec délice les Deschiens, omniprésents à l’écran et qui s’inscrivent parfaitement dans l’âme du film, aidés par des décors et costumes tout aussi crades que l’œuvre.

C’est d’ailleurs agréablement qu’on constate qu’”Enfermés dehors” ne se réfugie pas derrière son scénario mais amène également quelques idées de mise en scène brillantes. Le sens de la musique par exemple impressionne, mais c’est sans doute dans l’approche de la photo qu’on a été le plus surpris, dans cette volonté de chercher des cadrages obliques pour appuyer la dissonance du film. Dupontel est un artiste total, au style affirmé, et ce long-métrage s’inscrit pleinement dans sa riche filmographie.

Autant crado que drôle, “Enfermés dehors” propose une courte parenthèse de rire un peu coupable mais toujours incontrôlable, comme un instinct animal qui s’affirme.

Nicolas Marquis

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