1975
réalisé par: Stanley Kubrick
avec: Ryan O’Neal, Marisa Berenson, Patrick Magee
À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le samedi 17 octobre 2020 à 14h
Pour cette nouvelle édition, le festival Vision d’Histoire de Verdun régale: en proposant “Barry Lyndon” c’est tout simplement l’une des oeuvres les plus mémorables de Kubrick qu’on retrouve. Une expérience à vivre sur grand écran, histoire d’en avoir plein les mirettes, un rendez-vous immanquable pour d’innombrables raisons (qu’on va tout de même essayer de synthétiser).
Le destin tragique de Redmond Barry (Ryan O’Neal), de la pauvreté crasse des régiments anglais jusqu’au faste des réceptions de la haute société du 18ème siècle. Parti de rien, notre héros va se faire sa place dans un monde où seules comptent la richesse et la propriété.
Pour mettre en scène cette fresque au long court, Stanley Kubrick va tout d’abord penser son cadrage. En proposant très régulièrement des plans larges à la composition impeccable, le maître évoque les tableaux d’époque avec brio, ceux qui étalaient les scènes du quotidien. Grâce à un astucieux jeu de perspective et en imposant ce procédé à l’ensemble de la pellicule, Kubrick s’inscrit dans une lignée artistique claire.
Pour l’aider, le réalisateur va puiser dans le répertoire classique nombre de musiques dont les orchestrations restent invariablement en tête. Mozart, Schubert, Haendel ou encore Vivaldi: le cinéaste vient là aussi s’immiscer dans une continuité et embrasse les codes de l’Europe de l’époque.
Pour en venir au fond du sujet, au message véhiculé par l’oeuvre, on se doit en avant-propos de rendre hommage à “Barry Lyndon”: l’interprétation qu’on vous en donne est la nôtre, et chacun peut trouver des choses très différentes dans le film. C’est la force des grands films, parler à chacun d’une façon personnelle pour y faire ressurgir des sentiments divers mais souvent complémentaires.
« Légèrement jaloux du chapeau. »
Pour nous, “Barry Lyndon” est une oeuvre complexe qui réfléchit avant tout la filiation, le rapport père-fils parfois si compliqué. Dans la première moitié, Barry est un jouvenceau qui ne connaît pas son père et qui cherche un modèle paternel où il peut. Arriviste, pris de la folie des grandeurs, cela ne fait aucun doute, mais ces fissures apparaissent facilement comme un manque de repère. Barry s’entiche des premiers hommes forts qu’il côtoie, parfois même les plus détestables à la façon dont il s’attache aux officiers anglais qu’il pleure bien qu’ils l’aient trahi, où bien du chevalier de Balibari, un tricheur invétéré.
Dans la seconde partie, alors que Barry trouve épouse (fortunée) et s’installe dans le luxe de la haute société, c’est transmettre ses valeurs qui devient impossible. Lui qui n’a jamais appris à aimer voudrait léguer ses qualités (son courage et sa débrouillardise notamment). Pourtant, son fils est un enfant pourri gâté, choyé à l’excès et pire, son beau-fils a juré sa perte. Un dialogue de sourds dont l’issue fait peu de doute mais conduit de main de maître par Kubrick.
Un poil défaitiste mais terriblement réaliste: malgré tous nos efforts, on ne transmet en général que nos obsessions et nos turpitudes à nos marmots. Ici, le besoin de reconnaissance de Barry ressurgit sur son beau-fils qui lui ressemble bien plus que notre héros l’admet. Comment reprocher à un enfant ce que notre héros porte au plus profond de lui, ce mal-être.
Un constat triste et pessimiste sur la paternité, certes, mais pour autant pertinent. “Barry Lyndon” n’est pas un film positif, il est complexe, profond et invite à une réflexion plus poussée que ce qu’on a l’habitude de voir. Une histoire qui va connaître son point culminant dans un final à jamais au Panthéon des plus belles scènes de fin.
C’est peut-être l’immanquable de cette édition de « Vision d’Histoire« . Pouvoir voir “Barry Lyndon” sur grand écran est une chance unique à saisir d’urgence.