1990
(Q&A)
Réalisé par: Sidney Lumet
Avec: Timothy Hutton, Nick Nolte, Armand Assante, Luis Guzman
Film vu par nos propres moyens
Al Reilly, ancien flic et jeune juge, reçoit sa première mission. Il doit dresser le procès verbal d’un policier, Mike Brennan, après que celui-ci ait tué un malfrat dans une rue. Au fur et à mesure de son enquête, Reilly doute du témoignage déposé par cette légende de la police.
Q&A ( questions and answers) est l’adaptation d’un roman écrit en 70 par le premier district attorney portoricain, Edwin Torres qui par la suite deviendra juge à la cour suprême. Une œuvre taillée pour Sidney Lumet, lui permettant ainsi de parler une fois de plus de corruption, en tant que réalisateur et il écrit également pour la première fois seul, le scénario.
Une justice toujours aussi imparfaite.
Avec Contre enquête, Lumet parle à nouveau de la justice et de ses problèmes. Il montre cette institution comme Coppola filme les aventures de la famille Corleone. C’est une mafia parfaitement organisée qui protège ses membres envers et contre tous. Nous les voyons tenir des réunions, parler de stratégies et de politique afin d’étendre encore et toujours leur pouvoir. La notion de justice et de vérité leur est égale. Il suffit de découvrir l’une des premières scènes du film, lorsque Al Reilly (Timothy Hutton) rencontre son patron pour recevoir son ordre de mission. Il émane de lui un grand pouvoir, Lumet le montre au bout d’une grande table, écrasant son interlocuteur. Il lui précise ensuite qu’un flic est plus important qu’un malfrat issu des classes plus populaires ou bien encore d’origines différentes. On retrouve cette même idée plus tard avec un autre personnage qui dit à Reilly que la parole d’un flic est d’or et qu’elle ne doit jamais être remise en question.
De plus, le pouvoir corrompu emploie les mêmes armes que les ennemis qu’ils sont censés combattre. Brennan (Nick Nolte) passe de la gentillesse tentatrice au chantage, pour finir par le meurtre. Pendant ce temps-là, les criminels essaient de leurs côtés d’utiliser les lois pour faire éclater la vérité sur ce mal qui gangrène les forces de l’ordre par l’utilisation d’avocats ou bien encore la protection de témoin. Si cette idée d’inversement de force est intéressante, elle tombe cependant à plat par des dialogues frisant parfois le ridicule ainsi qu’une intrigue qui semble se perdre elle-même, faisant ainsi oublier le propos du film ainsi que les buts que veulent atteindre nos personnages. Tout ceci manque beaucoup de subtilité ainsi que de force narrative et visuelle. Le réalisateur nous a habitués à des discours forts et poignants ainsi qu’une mise en scène souvent marquante. Dans Contre enquête, tout ceci semble avoir disparu devant une réalisation peu inspirée ressemblant tantôt à un épisode de Deux flic à Miami puis se mue pour devenir un best of des films de mafia.
Intolérance
On retrouve un autre thème qu’affectionne Sidney Lumet: l’intolérance. Le film, de façon encore peu subtile, parle de racisme, de lutte des classes sociales ainsi que d’homophobie. Il est dommage que ces thèmes nous soient livrés frontalement plutôt que distillés dans le visuel, l’histoire ou les interactions entre les personnages.Dans la police il y a le haut de la pyramide, les flics blancs irlandais, puis en dessous il y a les flics noirs puis encore en dessous les flics hispaniques.
Ces personnages issus de classes sociales plus modestes sont toujours dans la recherche de l’approbation des blancs pour pouvoir se sentir acceptés. Le policier noir doit penser et agir de façon à être considéré comme « le plus blanc des flics noirs » par ses supérieurs et coéquipiers. Pire, Lumet nous montre ses personnages se disputer sur qui travaillent le mieux pour impressionner cette élite auto proclamée. Il suffit de voir la scène où ces deux profils sont censés travailler de façon égale avec Reilly pour avoir la drôle impression d’observer deux enfants se disputer l’amour et l’attention d’un père. Encore une fois, c’est par le dialogue plus que par la mise en scène que Lumet délivre son analyse de ce melting pot américain raté. Tout ceci fait perdre énormément de force voir même, ridiculise un sujet pourtant important dans les années 90.
Il en va de même pour la question de l’homophobie. Nous assistons ici à une liste de clichés déjà dépassés à l’époque de la sortie du film. Ces personnages homosexuels et travestis ne sont que des coquilles vides. Ils sont très souvent ridiculisés et traités comme des idiots voir même des animaux par les institutions que représente le personnage de Brennan. On sent la haine dans son regard et dans ses gestes. Il les maltraite, les humilie avant de passer à la violence mentale et physique. Ces personnages sont montrés comme fourbes et indigne de rester dans cette société malade. Ces scènes sont assez dérangeantes et nous comprenons plutôt difficilement ce que Lumet veut en dire. On peut y voir un exemple du mal qui ronge cette communauté new-yorkaise plutôt qu’un vrai désir de prendre parti pour cette cause. Une fois de plus, le metteur en scène frise parfois la farce avec ce manque de subtilité et de réflexion avec une caméra qui reste très fixe voire absente lors de ces scènes.
Le chevalier blanc
Le dernier point à aborder pour parler de Contre enquête, c’est cette figure du héros s’opposant au pouvoir. C’est un type de personnage récurrent dans l’œuvre de Lumet. Il est incarné ici par le personnage de Al Reilly. Le film débute son générique sur son regard. Assis à l’arrière du véhicule qui le conduit au commissariat , il observe son environnement et le réalisateur nous fait partager ce point de vue. Comme Al nous découvrons un New York triste et froid symbolisé par une dominance de gris ainsi que de bleu. Nous découvrons ensuite notre héros, très naïf et rempli d’idéaux qu’il perd bien sûr au fur et à mesure du récit. Cependant, Lumet égratigne un peu ce cliché en nous montrant par la suite une facette plus sombre. Il n’est pas courageux, il n’ose pas se rebeller s’ il n’a pas derrière lui l’appui de son vieux mentor. Assurer sa sécurité est important pour lui. De plus, nous découvrons qu’il est lui-même raciste alors qu’il a jugé des personnages ayant le même vice. Il est hypocrite, lorsqu’il discute avec son ancienne petite amie( jouée par la fille du réalisateur), il refuse d’admettre qu’il a été intolérant en découvrant que le père de la jeune femme est noir. Il retourne même le problème en l’accusant, son père et elle, d’avoir des préjugés sur lui et donc d’être eux même des racistes.
Une idée qui était prometteuse, jouer avec ses figures fétiches, les casser pour mieux les reconstruire, mais cela ne fonctionne pas non plus. En plus d’ajouter de la longueur avec des scènes inutiles, on tombe dans le niais digne d’un épisode de soap opéra. Les dialogues entre les deux protagonistes sont lourds et surtout sonnent complémentent faux. Cette histoire d’amour n’est absolument pas crédible et son final est simplement ridicule.
Contre enquête est un film décevant. On ne retrouve pas le style et la force du réalisateur de Serpico . Le film est en mode automatique, bien souvent compliqué inutilement dans son récit et très artificiel dans les sentiments qu’il provoque sur le spectateur. Il en devient même parfois dérangeant sur certains de ces aspects. Le casting ne parvient pas à transcender les faiblesses du travail de Lumet que ce soit à la réalisation ainsi que dans l’écriture du scénario.
Contre-enquête est disponible en DVD chez Carlotta film.