Grand Format : Kids Return
Kids Return affiche

キッズ・リターン

1996

Réalisé par : Takeshi Kitano

Avec : Ken Kaneko, Masanobu Ando, Susumu Terajima

Toutes les facettes de l’homme

Derrière le maquillage de clown, Takeshi Kitano cache une âme de poète torturé qui ne demande qu’à s’exprimer sur les écrans de cinéma. Le réalisateur est un homme de dualité, tiraillé entre son envie de rire de tout et de tous avec impertinence, une expérience sombre de la vie et notamment de ses grandes figures interlopes typiquement nippones, et une délicatesse du regard pour percevoir un quotidien de joies et de peines, qui en emprunte presque à Yasujirō Ozu. Donner une définition concrète de l’art de Takeshi Kitano confine au défi, tant l’insaisissable metteur en scène, acteur, et humoriste a endossé mille costumes différents, est mort allégoriquement à de multiples reprises pour renaître de sa superbe sous un nouveau jour. Plonger dans les méandres émotionnels de l’auteur caméléon est une excursion aventureuse dans un labyrinthe tantôt coloré, tantôt sombre, où s’entremêlent les fils disparates du destin. 

Durant plus de vingt ans, des années 1970 à la fin du XXème siècle, il fait avant tout rire son  pays de sa malice absurde et irrévérencieuse. Avec une forte appétence pour l’humour noir, Takeshi Kitano se fait initialement connaître comme comédien de Manzai, l’art japonais du Stand-Up en binôme qui oppose un acteur sérieux à un parfait benêt, et hérite de cette époque du pseudonyme qu’il emprunte par la suite pour sa carrière d’acteur, Beat Takeshi. Sur les écrans de télévision, il régale également l’archipel de son goût pour le burlesque dans son émission Takeshi’s Castle, succession d’épreuves plus ubuesques les unes que les autres. Néanmoins, le gamin de Tokyo cache en lui une face plus ténébreuse, une douleur lovée au plus profond de son être depuis son plus jeune âge et qu’il entend exprimer au cinéma, d’abord comme acteur. L’expérience devient complexe devant la difficulté du public à dépareiller l’image désopilante de Takeshi Kitano des rôles dramatiques qu’il interprète, mais la fin des années 1980 lui offre finalement une occasion unique de s’exprimer sous un nouveau jour, la mise en scène.

En 1989, lorsque Takeshi Kitano s’engage à endosser le rôle principal de Violent Cop, il ignore alors que le projet de film se dirige vers l’échec devant le départ de son réalisateur initial. Beat Takeshi fait contre mauvaise fortune bon cœur et croque pleinement cette opportunité de s’essayer à une nouvelle forme d’expression artistique. Le métamorphe change à nouveau de peau, il réécrit très largement le scénario et se place aussi bien devant que derrière la caméra. Il n’est plus simplement sujet aux désirs des autres, il se confectionne son propre rôle et crie à la face d’un Japon peu réceptif à cet essai la noirceur qui l’habite, dans un polar vénéneux. Un premier paradoxe de sa vie de réalisateur s’initie : Takeshi Kitano sera longtemps bien plus estimé hors de l’archipel que sur ses terres pour son travail de metteur en scène. La reconnaissance locale doit attendre son troisième film, le formidable A Scene at the Sea, en 1990, qui marque une nouvelle rupture de ton pour l’artiste et qui ajoute une nouvelle couleur à sa palette indéfinissable. Son œuvre est un poème marin, sur les littoraux japonais, une ode au dépassement de soi, à la poursuite onirique d’un absolu affectif et une photographie d’un mode de vie différent dans le giron du surf. Enfin, Takeshi Kitano n’est plus systématiquement associé à son passé d’humoriste, la presse reconnaît sa douceur cinématographique et sa sublimation émotionnelle. Il ne renie pas sa dureté, qui rejaillit dans son film suivant, Sonatine, mais il établit un nouveau socle narratif plus allégorique.

Kids Return hérite ouvertement de cette base artistique nouvelle, en emprunte la voie de la tendresse des petites victoires et des grands échecs du destin, mais succède aussi à une énorme désillusion pour Takeshi Kitano, devant l’accueil glacial et les difficultés de conception qu’a connu son long métrage précédent, Getting Any ?. Conçu comme une farce potache, le film est conspué par le public et souffre également des nombreuses révoltes qui ont pris place sur les plateaux de tournage. L’équipe artistique n’écoute pas la parole de Beat Takeshi, qui perd progressivement la main sur le film. Kids Return apparaît comme une complète opposition à cette tragique dérive. Sur le tournage, le cinéaste est roi, il modifie le scénario au gré de ses pulsions, il s’entoure de gens de confiance ou de nouveaux venus pour l’épauler, il crée et recrée encore et toujours, constamment, figure patriarcale intranquille dans le tumulte des caméras. Néanmoins, plus que toute autre considération, Kids Return est indubitablement le film le plus personnel jamais réalisé par Takeshi Kitano. Dans le kaléidoscope des nombreux destins qui s’entremêlent, une définition de l’auteur s’affirme à l’écran comme une tendre confession. La boxe, le monde des truands nippons et même le Manzai, autant de domaines familiers au cinéaste sont exposés, sous un regard sans complaisance ni fatalisme. D’une vie, Takeshi Kitano en fait une poignée d’autres, à la recherche de ce qu’il est lui-même au plus profond de son intimité.

Masaru (Ken Kaneko) et Shinji (Masanobu Ando) sont deux lycéens liés d’une amitié presque fusionnelle. Parfaits cancres, ils ne se donnent la peine de venir en cours que pour accomplir les farces potaches que leur dicte leur insouciance juvénile. Autour d’eux, leurs camarades entrevoient le futur, affectif ou artistique, mais le duo au cœur du film ne conçoit même pas la notion d’avenir. Leur adhésion à un club de boxe, après un passage à tabac pathétique, redistribue les cartes de la destinée. Shinji se prend de passion pour le noble art et se plie aux exigences d’un entraînement rigoureux, tandis que Masaru se détourne progressivement de lui pour rejoindre le monde crépusculaire des yakuzas. Les trajectoires des deux amis, et en filigrane celles de leurs autres camarades, s’entremêlent, se croisent et se délient, dans une épopée authentiquement ordinaire du passage à l’âge adulte.

À nos vies imparfaites

Au joyeux pays de l’insouciance, une jeunesse sans idéologie et pourtant pleine d’une envie de rêver s’affirme dans Kids Return. Préambule d’une note plus sombre qui ne se déchiffre que dans les derniers instants, le film est le regard d’un homme d’âge mûr sur le tourbillon des vies lycéennes de personnages qui sont autant de variations thématiques de sa propre existence. Takeshi Kitano fait de la vie un puzzle aux pièces volontairement mal imbriquées les unes dans les autres et renoue avec son héritage d’humoriste pour faire de ses variations de rythme et de point de vue autant de scènes gouailleuses et rigolardes dans l’entame de son film. L’artiste improvise, il raye des scènes entières de son script au jour du tournage et laisse place à la libre expression, transposée dans ses deux jeunes comédiens alors débutants et soucieux d’apprendre auprès d’un maître qui tutoie la folie créatrice. Demain n’existe pas pour Masaru et Shinji et c’est justement cette inconscience du futur qui les démarque des autres protagonistes du film. Cimentée dans les farces et dans la petite criminalité, filmée avec une touche d’humour sombre, ils n’ont aucun sens des responsabilités, la vie ne leur a pas encore appris les conséquences de leurs actes. Ainsi, il n’y a pas de frontière fataliste à leur ineptie, les actions les plus graves, comme l’incendie d’une voiture, se confondent avec des scénettes plus burlesques lors desquelles le binôme tente de se déguiser pour pénétrer dans les salles d’un cinéma pornographique. Shinji et Masaru perçoivent lointainement le monde adulte dans les recoins de leurs coups d’éclat, mais ils en restent à la marge. Ils sont de grands enfants que seule l’altération de leur fierté adolescente guide vers le club de boxe, outil d’affirmation physique et psychologique. Personne ne croit en eux, ni leurs professeurs qui ne souhaitent que leur départ, ni leurs parents curieusement absents du récit. Néanmoins, Takeshi Kitano veut croire à la pureté profonde de ses personnages qui ne demandent qu’à trouver un cadre différent pour grandir. Kids Return est un hymne à la vie divergente.

La blessure primaire, la destruction fondatrice, semble toutefois être le catalyseur du récit. Aux départs avortés d’existences encore loin d’être tracées, Kids Return impose la défaite comme apprentissage de la chute, mais surtout comme enseignement de la vertu de se relever, se reconstruire, dans un nouvel environnement. Qu’il s’agisse de Shinji, rudoyé par un boxeur avant de lui même épouser brillamment ce sport; de Masaru, mis à terre par son ami en préambule de sa plongée idéalisée dans le monde du crime organisé; d’un de leur camarade amoureux transi éconduit qui affronte le désintérêt de la femme de ses désirs avant de triompher affectivement; ou encore de deux lycéens passionnés de Manzai, renvoyés à leur médiocrité et conduits à faire pèlerinage à Osaka, ville iconique de la discipline; toute une jeunesse échoue mais fait face avec abnégation aux tumultes d’un présent encore flou. Avec une pointe de mélancolie qui confère au film sa splendeur, Takeshi Kitano fait du passage à l’âge adulte un rituel de douleur brève mais fondamentale. Trame scénaristique et parcours du cinéaste se confondent pour le public adepte de Beat Takeshi. Sans doute le réalisateur se souvient-il de ses propres désillusions et de sa propre volonté inébranlable à persister, lorsqu’au début de sa carrière d’acteur de cinéma, le public se riait cruellement de l’ancien comique devenu comédien dramatique, dans le pourtant très sérieux Furyo de Nagisa Ōshima. De son propre aveu, l’auteur fragilisé se souvient aussi essentiellement d’un accident de moto qui a failli lui coûter la vie et qui a laissé le côté droit de son visage paralysé, quelques mois avant la mise en chantier de Kids Return, film de la renaissance après avoir frôlé la mort. Le long métrage possède la rare sincérité de la confession intime, dans le secret ouaté des salles de cinéma, et l’incitation absolue à résister quoi qu’il en coûte.

Kids Return illu 1
Shinji et Masaru

Au labyrinthe de la vie de ses personnages, aux chemins tortueux qui débouchent sur une impasse, aux épopées de l’intime et aux petites histoires de grands drames, Kids Return n’offre aucun guide. Ici, les enfants évoqués dans le titre se construisent seuls. Il est un temps permis de croire que Masaru et Shinji seront indissociables, unis de leur différences, l’un taiseux et l’autre trop bavard pour son propre bien, mais même ce mirage finit par s’évanouir dans le dédale des rues grisâtres. À l’image d’un réalisateur profondément libre, les héros du film ne répondent à personne d’autre qu’à eux-mêmes, et en conséquence, le long métrage anonymise la plupart des figures d’autorité. Les professeurs d’école, les entraîneurs de boxe et les chefs yakuzas n’ont pas de nom, ils traversent simplement le récit comme des ancêtres résignés, tout au plus nourris par leur propre intérêt envers une jeune génération en quête d’un essentiel. À l’évidence, Kids Return nourrit l’idée que grandir est synonyme d’une conformité morale conflictuelle et injuste, illustrée par le parcours de Masaru qui épouse le code de l’honneur yakuza sans être récompensé, ou plus subrepticement par l’amoureux qui se plie à la vie de salaryman avant sa fin tragique. Une prépondérance pour l’ascétisme est même associée à Shinji, prêt à plier son hygiène de vie à son rêve sportif. Pourtant, tous sont corrompus par des oiseaux de malheur qui entravent leur destinée. D’un mot ou d’un acte, l’homme austère balaye les rêves illusoires de l’innocent. Kids Return est le requiem des espoirs juvéniles, toujours soumis à la volonté de Machiavels du destin prêts à tenter nos élans défaitistes. Le long métrage n’en est alors presque jamais euphorique, il illustre par l’image les blessures profondes, les footings traînants sous l’épuisement d’une vie de débauche, les passages à tabac pour avoir voulu vivre selon des règles morales que personne ne respecte, les sorties de route après des nuits blanches d’un labeur mal rémunéré. Cette jeunesse ne changera pas le monde, elle sera à l’inverse bouleversée et condamnée par la société qui l’entoure.

Pourtant, Kids Return est un chant de gloire de mille voix aux joies diaphanes et aux moments suspendus et éphémères de plénitude. Comme la fugue ensorcelante du compositeur Joe Hisaishi, aussi bien complice de crime de Takeshi Kitano que partenaire des rêves en série de Hayao Miyazaki, le long métrage est une course en avant vers l’instant évanescent de bonheur parfait. Shinji et Masaru sont toujours séparés par la colorimétrie de l’image, notamment à travers leurs vêtements, opposant le bleu et le rouge, toutefois, durant quelques instants de plénitude insaisissables, ils sont réunis, sur un même vélo vers une destinée chaotique ou dans un long mouvement langoureux de caméra qui les rassemble durant leur footing. Ces âmes en peine sont en quête d’une place dans un monde qui se refuse à eux, mais pour une nuit ou pour quelques jours, ils réussissent à s’inscrire, figures téméraires, dans le grand cirque de la vie. Beat Takeshi ne renie pas son fatalisme tragiquement ordinaire, mais il veut sans cesse croire qu’il existe des secondes essentielles qui mènent ses personnages vers l’accomplissement de soi ou vers l’acmé de leur amitié. Si Shinji et Masaru ne respectent personne, ils s’estiment au moins eux-mêmes, personnellement en étant sûrs que leur vie n’est pas veine, et mutuellement à travers l’admiration du rêve de l’autre. Confrontés dans la salle de boxe, alors que Masaru est devenu yakuza, le gangster ne peut se résoudre à influencer les matchs de son ami, tout comme Shinji reste émerveillé devant les tatouages de son comparse. Les rêveurs se rejoignent dans la plaine onirique où les espoirs se partagent, là où les damnés de la société se reconstruisent.

Kids Return (…) a été le film du salut, de la rédemption. Je voulais faire un film simple, marquant, un nouveau départ

Takeshi Kitano, propos relatés dans le Mediabook de The Jokers

Les sentiers du passé et du futur

À la recherche d’un élan commun à la suite d’une trajectoire individuelle, Takeshi Kitano reprend une partie de la forme narrative de A Scene at the Sea et préfigure de L’Été de Kikujiro dans Kids Return. Il crée un souffle collectif, il enjoint les figures les plus lointaines à suivre la danse incertaine de la vie qu’épousent ses héros. Dans le sillage de Shinji et Masaru, les lycéens sans nom mais à la persona claire empruntent des chemins similaires, avec l’ironie de les voir se faire aussi bien truands minables que boxeurs amateurs. Le grand mélange des fatum kitaniens invite dans sa ronde les moins aguerris et les plus obstinés, il unit d’un même mouvement tous ceux qui ont un jour aspiré à une vie épanouie. Kids Return n’entend pas mettre en évidence le cheminement vers la joie, et c’est d’ailleurs le fatalisme qui finit par emporter la bataille contre les êtres impétueux, mais le film incite chacun à se jeter dans le grand tourbillon des épreuves, à la recherche d’une amarre pour ancrer nos peines et nos joies fugaces. Trouver un but est alors plus important que l’atteindre. Dans ce maelstrom incertain, Takeshi Kitano déverse son propre passé, comme si l’auteur était à la recherche de son essentiel intime. La boxe amateur, le banditisme et le Manzai sont autant de domaines familiers au réalisateur, et il n’est sûrement pas insignifiant de le voir offrir le seul dénouement heureux à ceux qui s’accrochent à l’idéal artistique. Kids Return est l’histoire d’une vie, déclinée en de multiples personnages, opposés et complémentaires, mille facettes de la psyché de son concepteur.

Kids Return est le genre de film, d’expérience qui vous marque. Quand je l’ai réalisé, c’est comme si j’étais monté dans une machine à remonter dans le temps. Après mon accident et l’immobilisation qui a suivi, Kids Return a été le film de ma réadaptation à la société

Kitano par Kitano, éditions Grasset, repris dans le Mediabook de The Jokers

L’œuvre s’apprécie dès lors comme un tout sans forme prédéfinie, où se percutent d’innombrables jeunes adultes, tantôt confondus, tantôt désunis. Shinji et Masaru semblent de prime abord indissociables et complémentaires, avant que le film ne les sépare durant de longues minutes. Sur un traveling sensuel, ils parcourent la ville sur un même vélo, ils habitent brièvement les mêmes endroits, assimilés l’un à l’autre par leur rage de vivre. Pourtant, c’est bien cette aspiration au futur qui conduit à leur séparation, que Takeshi Kitano matérialise à travers la solitude de Shinji qui doit désormais arpenter seul les lieux de partage fulgurant. Dans un recoin du monde, l’homme seul se lamente de son âme sœur, en implorant aux rituels grivois d’antan pour retrouver son passé déjà lointain. Kids Return est un regard sans fard sur une jeunesse aussi impatiente que nostalgique, un Japon lycéen qui se précipite vers l’après sans se soucier du présent. Construit comme un gigantesque flashback, le long métrage ne cache jamais sa volonté de réunir les deux héros au terme du périple. Pourtant, sur la pellicule, c’est leur séparation qui s’image. Shinji et Masaru ont été amis, peut-être même frères spirituels, mais que reste-t-il des échos de leur affection mutuelle sur le vélo de leurs escapades ?

Kids Return illu 2
Masaru et Shinji

Probablement que ce substrat élémentaire au terme de la soustraction de toutes les illusions est justement ce en quoi veut croire Takeshi Kitano plus que tout, là où l’auteur démiurge place l’essentiel. Le metteur en scène chantre des fresques sur un banditisme qu’il connaît par cœur délaisse ici assez largement la portion de son récit dévolue aux yakuzas pour centrer son regard sur le périple solitaire de Shinji. Kids Return est une thérapie, celle de la reconstruction psychologique après les soins médicaux apportés à Beat Takeshi à la suite de son accident de la route. L’artiste qui a entrevu la mort veut conserver les images majeures, glacer le temps sur le silence qui suit la compassion, lorsque Shinji et Masaru se montrent incapable de racketter un jeune garçon qui pourvoie aux soins de sa mère, ou plus fondamentalement, lorsqu’un personnage est victime d’une sortie de route, et où il ne reste accroché au rétroviseur de sa voiture que l’angelot qu’il partage avec l’être aimé. La substance primordiale de Kids Return réside dans ses rupture de ton et de tempo, l’obsession de l’auteur sur le plateau, dans cette mise en évidence de l’objectif crucial, au regard de la trivialité d’instants non moins importants dans le récit mais qui ne sont pas figés visuellement.

En interview, Takeshi Kitano se montre fataliste sur l’issue de son film et lève le voile sur les mystères qu’il dévoile à l’écran. Shinji et Masaru ont gâché leurs chances selon lui, et le taxi qui est victime d’un carambolage devrait logiquement être mort, selon Beat Takeshi. Pourtant, le réalisateur n’apporte jamais ce point final dans son œuvre, préférant l’implicite et le non-dit. Kids Return veut croire que tant qu’on ne manifeste pas visuellement la fatalité, il reste possible de s’en extirper. Si ce film est un instrument de convalescence, alors son auteur veut se laisser la porte ouverte à toutes les chances de bonheur, marquant une rupture de ton avec ses polars ténébreux. Au rythme de ses confessions, le cinéaste a souvent rapproché son accident de moto d’une tentative de suicide inconsciente, Kids Return est alors sa renaissance inespérée. Shinji et Masaru veulent écrire que dans le vide de nos existences, la splendeur fugitive existe, et qu’après le chaos de la nuit qui condamne le yakuza, l’espoir renaît sous un nouveau visage. Personnage et spectateur partagent un même élan au terme de l’aventure : ils sont toujours là, vivant et éduqués à l’école de la vie.

Machan, tu crois que c’est fini pour nous ?
Iditot ! Ça n’a même pas commencé !

Shinji à Masaru

En bref :

Ode à la vie et aux douleurs d’exister, Kids Return est un bijou dans la filmographie de Takeshi Kitano, sûrement son film le plus intime et assurément l’un des plus bouleversants.

Kids Return est disponible en Mediabook chez The Jokers, dans une édition comprenant le DVD et le Blu-ray du film, avec en bonus : 

  • Un making-of
  • Un livret de 40 pages
Kids Return boite 1
Kids Return boite 2

Nicolas Marquis

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