2021
Réalisé par: Rodrigo García
Avec: Mila Kunis, Glenn Close, Stephen Root
Film vu par nos propres moyens
L’addiction à la drogue reste un problème de salubrité publique important qui gangrène tous les pays. Si la crise du COVID nous a fait perdre de vue la souffrance des accrocs pendant un temps, leur douleur n’a pas disparu, bien au contraire. Souvent ignorés, réduits aux rôles de nuisibles par une partie méprisante de la société, ces malades sont en attente de réponses, mais aussi de reconnaissance. C’est dans une famille détruite par ce fléau moderne que nous plonge Four Good Days, le film de Rodrigo García, avec l’envie sincère de réveiller les mentalités: une intention louable fait-elle un bon long métrage ?
Molly (Mila Kunis) et Deb (Glenn Close) sont fille et mère, mais une terrible fracture les oppose: l’addiction aux drogues dures de la première a démoli la relation déjà complexe qui les uni. Au moment d’entamer une énième cure de désintoxication, cette fois assortie d’une injection qui privera le corps de Molly de l’effet des stupéfiants même si elle en consomme, un bref séjour de 4 jours chez Deb met en évidence les liens fragiles entre les deux femmes. Entre discussions et non-dits, elles tentent de réapprendre à se connaître et de faire face aux démons de leurs existences respectives.
La femme et l’enfant
Four Good Days s’échine donc à mettre en lumière une relation cassée, à peine un fantôme de liens presque totalement disparus, les dernières flammèches d’un feu qu’il faut raviver. Rodrigo García fait le choix de partager la souffrance: si Molly est la première victime de ses addictions, le cinéaste s’attarde plus lourdement sur Deb. Un véritable choix artistique qui n’est pas dénué de sens: donner de l’espace aux familles des victimes, déchirées, impose un angle d’attaque original à l’œuvre. Il convient toutefois de jauger le rapport de force qu’étale le long métrage, et de constater que de manière relativement étrange, la souffrance de Deb l’emporte régulièrement sur celle de Molly, la faute à un point de vue trop tranché: Glenn Close collectionne les monologues explicits, peu convaincants, alors que Mila Kunis est plus en retrait scénaristiquement.
Cela tient également au fait que Four Good Days échoue à créer de véritables moments de cinéma autour de Molly. On sent que Rodrigo García est un réalisateur d’un certain âge (plus de 60 ans), et qu’il ne capte pas très habilement la douleur de la jeune génération. Mila Kunis se perd dans la partition bancale qu’on lui propose, entre tirades bien trop écrites et déconnectées de la réalité, et instants de vie où la complicité avec sa mère outrepasse le cliché. Pourtant le film tente de creuser un passé à la plus jeune, et lui confère des enfants avec qui elle n’entretient presque aucune relation suite à ses problèmes d’addiction, mais ces élans sont contrarié par la lourdeur du registre qu’emprunte Four Good Days: le mélodrame
En manque de forme
Autant le dire frontalement: tous les codes du genre sont identifiés, assimilés et recrachés, dans un étalage un brin putassier, par le film. Constamment, Rodrigo García cherche la larme facile, par tous les moyens imaginables, et sans aucune retenue. Par peur que son public se perde, le cinéaste surexplique par le dialogue tout ce qu’il cherche à instaurer par l’image. Four Good Days n’est jamais dans un rapport organique avec son spectateur, son message est artificiel dans son cheminement et ses personnages n’ont rien de concret, pas même leurs fêlures. Le peu de symbolique proposé par le film se fait grossier et paresseux, comme le puzzle qu’assemble Molly, comme un symbole de sa vie en morceaux, ou les alarmes des portes de la maison de Deb qui rappellent les malheurs du passé, sur lesquels le long métrage revient sans cesse.
Un véritable problème tant Four Good Days se fait plus que discret en termes de réalisation. Il ne transparaît rien de l’esthétique de Rodrigo García, pas même dans les instants où Molly est la plus vulnérable et où Deb redevient une mère pour elle. Même là, le réalisateur se complait dans une charte graphique qui confine au téléfilm du dimanche après-midi. Il n ‘y a pas de souffle dans son histoire, pas de relief, et c’est une vraie gageure lorsqu’il est question de se faire le témoin de maux de société. Sans demander des séquences hallucinatoires, un peu plus de verve dans la photographie où dans le montage aurait probablement pu sortir Four Good Days de sa torpeur.
Remède miracle
Le film semble en fait avoir un cahier des charges à honorer, adressé à un public d’adultes relativement âgés et délaissant les plus jeunes, pourtant au centre de l’intrigue. On passe ainsi par les témoignages apeurés de Deb qui nous relate le début de la déchéance de Molly alors que les deux personnages sont bien présents dans la même scène. Au moment d’exposer les failles du système de santé américain, c’est aussi par le prisme de la mère que seront, textuellement, posés les griefs. À plus fortes raisons, le scénario du film se fait dirigiste, pour ne bousculer réellement personne: on voudrait nous proposer un grand huit émotionnel, mais on nous prévient constamment de la moindre chute à venir. Four Good Days est tout au plus un guide à l’usage des parents d’addicts, mais qui prendrait son propre parcours comme vérité absolue.
Là-dessus, le long métrage se permet même d’enfoncer le clou et de faire l’erreur ultime de ce type d’œuvre: faire croire à la solution miracle. Bien sûr, le cheminement de Deb et Molly est tortueux, mais la perspective du bien être que prodiguera “l’injection magique” n’est jamais remise en cause. Alors que toutes les dépendances s’expriment différemment, et que chaque malade a besoin d’une réponse spécifique à ses problèmes, Four Good Days croit fermement que sa résolution est exportable à tous les souffrants. Rodrigo García n’est pas médecin, mais cela ne l’empêche pas de se poser en spécialiste: une erreur vulgaire.
Four Good Days est distribué par Vertical Entertainemnt
Four Good Days se fourvoie en croyant détenir la vérité absolue. Lorsque de vraies souffrances sont mises en scène, l’approximation n’est pas tolérable, et le long métrage commet cet impair.
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